“Soi-même comme un autre” : présupposés et significations du recours à la fiction biographique dans la littérature française contemporaine (original) (raw)

Le personnage de biographie : une construction littéraire

Grandes figures historiques dans les lettres et les arts, 2016

biographie : une construction littéraire Le mot « biographie » est construit sur deux racines grecques, qui signifient « écriture d'une vie ». Le terme en lui-même part donc du postulat qu'on peut raconter une vie, et ceci à travers la linéarité à laquelle oblige la succession des pages dans un livre. Une vie mise en récit, c'est une existence étirée sur une ligne narrative. Ce présupposé établi-à supposer qu'on le puisse, ce que Bourdieu conteste dans son article intitulé L'Illusion biographique 1-, on devine aisément quelles difficultés il va pouvoir soulever. Comment donner une cohérence à un récit biographique ? Ou, pour préciser la question, quel point d'appui trouver pour donner un sens (une direction) au récit d'événements humains, par-delà la simple chronologie 2 ? La réponse peut sembler évidente : c'est le personnage, le héros de la biographie, qui donne son unité à l'ensemble. Toutefois, et on suivra cette fois Pierre Bourdieu, l'unité du personnage est elle-même reconstruite, puisque chaque personne possède divers rôles ou fonctions dans la société, que par commodité l'on synthétise sous le terme d'identité. Pour revenir sur le plan littéraire, le biographe doit également construire son personnage à partir des différentes sources d'information dont il dispose. Il devra ainsi organiser son récitcar il faut souligner que la biographie est aussi, et avant tout, un récit, qui, chercheronsnous à démontrer ici, s'avère particulièrement propice à l'étude de la technique littéraire d'un auteur. Le personnage historique, comme son nom l'indique, est à la fois personnage (avec, à ce titre, un rôle et une fonction précise dans un récit 3 , organisé par l'écrivain, qui s'en fait sa propre vision) et être ayant réellement vécu ; par conséquent, on peut le confronter à des sources historiques, et il existea existéindépendamment de l'écrivain. Personnage d'un récit, possédant un référent extérieur : voilà une définition simple, mais qui n'est pas sans poser quelques difficultés.

Biographie et mythobiographie de soi: l'imaginaire de la souffrance dans l'écriture autobiographique

Editions Universitaires Européennes, 2012

On peut dire que Orazio Maria Maria Valastro aborde un thème tout à fait actuel, celui des corps individuels en souffrance dans leurs rapports au corps social, dans le cadre d’une analyse de la nouvelle symbolique de la santé mentale qui implique une prise en charge du bien-être psychique par l’individu lui-même et la communauté. L’individu ordinaire en souffrance qui par le récit autobiographique relate sa vie dans un mouvement de « création autopoïétique de soi » renvoie à un inassouvissable désir de reliance. L’œuvre autobiographique est ainsi conçue comme une éthique de l’esthétique : « une éthique soutenue par le désir de s’ouvrir au discours de l’autre et au monde, et une esthétique étayée par le désir d’éprouver des émotions et des sentiments, expérimentant le désir autobiographique d’habiter le territoire des passions communes, l’espace existentiel et symbolique de l’écriture de soi ». En référence au concept d’archétype élaboré par Carl Gustav Jung et en s’appuyant très largement sur la notion d’archétypologie développée par Gilbert Durand, Orazio Maria Valastro convoque les différents régimes de l’imaginaire pour nous proposer une mythanalyse du discours de soi et du discours social. Il retrouve ainsi les éléments mythiques et les structures sacrales qui sont au fondement de toute société.

Se dire à travers l’autre: pratique de la citation dans les textes autobiographiques de Gérard Genette

Studi Francesi, 2022

The goal of this article is to show that the most original aspect of Gérard Genette's autobiographical writing is the regular-not to say systematic-resort to quotation, which in the case of the French author is associated to three main functions that are an accurate reflection of his personality and vision of the world. Thus, argumentative quotation mainly appears in Genette's reflection about literature and art, though his use of it is not conventional. Also, memories generate quotations of testimonial value in which both the past and his loved ones are described through expressions that were their own, a task in which the author exhibits an acute sensitivity towards his contemporaries' linguistic uses. Finally, quotation often takes on a purely ludic character, not only because it narrates more or less funny anecdotes, but because of the way in which Genette exploits the countless variants arising from the very act of reproducing others' discourses. Deep down, the recurring presence of quotation reflects the fact that Genette-who does not have an individual but a collective view of human knowledge-knows that the best way to know oneself is to recognize oneself in the other's word. Dans Apostille, Gérard Genette retraçait sa trajectoire récente dans le domaine des lettres en ces termes: «À ce point, aucun autre horizon ne se dessine, aucune nouvelle transgression ne se propose, sinon peut-être celle-ci: déjà passé, en fait de littérature, d'une relation critique à une relation théorique, passer enfin (comme ici?) à une relation pratique» 1. On sait en effet que, dans la dernière période de sa vie, Genette délaisse la recherche académique pour se consacrer à l'écriture personnelle, passage qui aboutit à ce qu'il appelle sa «suite bardadraque» 2. Composée de Bardadrac (2006), Codicille (2009), Apostille (2012), Épilogue (2014), enfin de Postcript (2016)-qui précède de deux ans la mort de l'auteur-, cette série autobiographique rassemble, sous la forme du dictionnaire informel, des sujets très divers, trop divers en tout cas pour en dresser la liste ici. À titre de résumé, on peut reproduire la quatrième de couverture de Bardadrac: Autant dire qu'on trouve de tout dans ce livre: réflexions sur la société contemporaine, ses discours, ses stéréotypes, souvenirs d'enfance, et d'une jeunesse marquée par quelques engagements politiques; évocation de grandes figures intellectuelles, comme Roland Barthes ou Jorge Luis Borges; goût des villes, des rivières, des femmes et de la musique, classique ou jazzy; rêveries géographiques; considérations sur la littérature et sur le langage, avec un éclairage corrosif du dialecte des médias; et autres surprises.

Mémoire et fiction au service d'un récit : sortir du « soi » en quête du « je »

2019

Although artistic fictions do not always admit their autobiographical inspiration, artists make them up in drawing on their own resources. Painting, among other media, shows how singular a narrative can be when motivated by expelling the void left by the missing ones or expressing the desire of filling up this void. Self-narration and personal myths have never been such in favor among contemporary artists. Je tiens à adresser ma reconnaissance à M. Christophe Viart pour son aide précieuse et éclairée.

Identité, espace, écriture dans les récits autobiographiques et les fictions de Bryher

L’œuvre de l’auteur moderniste Bryher situe la quête identitaire dans un espace interstitiel. Depuis la fêlure d’un soi en décalage par rapport à l’ordre géographique et social dominant, jusqu’à l’ouverture d’un espace autre propice à la vie et à l’expression, les récits fragmentaires et elliptiques se concentrent sur les parcours excentriques de personnages s’éloignant d’un centre normatif. À la fois récit de voyage, Künstlerroman et poésie en prose, la fiction autobiographique permet au double fictif de l’auteur d’encoder des références saphiques dans les descriptions de paysages pour survivre à un univers domestique édouardien oppressant. Les fictions historiques sont des témoignages imaginaires redonnant voix aux exilés, aux parias et aux vaincus émigrant pour ne pas s’aliéner à eux-mêmes. La quête d’une identité propre passe par de multiples positionnements (d’ordres discursifs, géographiques, cognitifs et socio-culturels) où la relation entre altérité et ipséité est explorée.

Ethos d'une transfuge intellectuelle : présentation de soi dans L’écriture comme un couteau et Les années d’Annie Ernaux

2020

Comment se dire « intellectuelle » lorsque, comme Annie Ernaux, on porte la double illégitimité du transfuge de classe et du sujet féminin, pratiquement absent des figures d’intellectuels en France ? Pourtant, la conception d’Annie Ernaux de l’écriture comme un acte politique et ses prises de position fréquentes dans les médias français la rapprochent de la figure de l’intellectuel. Ce mémoire se propose ainsi de formuler dans un premier temps une définition de l’intellectuelle, à partir de laquelle il sera possible de penser l’engagement de l’auteure et sa présentation de soi dans l’espace public. Par l’étude de l’entretien L’écriture comme un couteau (2003), puis de l’autobiographie impersonnelle Les années (2008), il s’agira dans un second temps de montrer comment Annie Ernaux présente un ethos d’intellectuelle et de voir comment elle dépasse le modèle de l’intellectuelle « qui se mêle de ce qui ne le regarde pas » (Sartre, 1972), grâce à la variété de voix qu’elle adopte dans ses écrits : celles de l’autobiographe, de l’ethnologue, de l’auteure « impliquée », de la transfuge, de la « cheftaine » de famille, de la femme vieillissante. Si elle en dépasse le modèle, n’est-ce pas également parce qu’elle s’identifie d’abord à sa situation de transfuge de classe ? Traversée par les sentiments de culpabilité et de responsabilité propres au transfuge, l’auteure fait de sa position de l’entre-deux classes un moteur d’écriture, pour donner une voix aux dominés au sein de son œuvre auto-socio-biographique. L’analyse de L’écriture comme un couteau esquissera ainsi les bases conceptuelles de son ethos de transfuge intellectuelle, alors que dans Les années, l’étude des voix narratives au « on », au « nous » et au « elle » explorera l’entrelacement de l’intime au social, de l’expérience singulière à la mémoire collective. En somme, par l’attention accordée à l’ethos dans ces deux œuvres, ce mémoire se propose d’étudier comment Annie Ernaux se constitue comme une figure légitime de transfuge et d’intellectuelle au sein de l’espace public de son époque. *** How can an author call himself an « intellectual », especially when one, such as Annie Ernaux, cumulates both the illegitimacy of a class-passer and a feminine subject? Yet, her vision of writing as a political activity and her positions in the media do assimilate her to the figure of the intellectual. This dissertation thereby aims to provide a definition of the intellectual woman, to which Annie Ernaux’s example contributes significantly. Studying the author interview L’écriture comme un couteau (2003) and her impersonal autobiography Les années (2008), I intend to show how Annie Ernaux displays the ethos of an intellectual and even moves beyond the model, while she embodies the figures of the autobiographer, the ethnologist, the "involved" writer, the class-passer, the head of family, and the aging woman. If she surpasses that model, isn’t it also because she primarily identifies herself as a class-passer? Driven by the class-passer’s sense of guilt and responsibility, Annie Ernaux uses the sensation of being in-between social classes to enable her writing. Therefore, her auto-socio-biographical works become a literary commitment to the dominated. The study of L’écriture comme un couteau will define the conceptual basis of Annie Ernaux’s ethos as an class-passer intellectual, while in Les années, the analysis of the narrative voices « on », « nous » and « elle » will explore how the intimate intricates itself to the social, the subjective experience to the collective memory. In other words, while studying the ethos in Annie Ernaux’s works, this dissertation examines how the author has shaped an image of herself as a legitimate class-passer intellectual within the public sphere of her time.

Autofiction versus écriture de soi chez les écrivaines françaises contemporaines

Feminismo/s

Nous analyserons dans cet article l'évolution de la littérature d'autofiction produite par des écrivaines du champ littéraire français, en nous centrant plus spécifiquement sur la production du XXI e siècle. Nous mettrons l'accent sur un thème qui a donné lieu à un débat médiatique important, celui des récits sur la vie sexuelle ainsi que sur toute la problématique de l'identité telle qu'elle s'exprime dans l'écriture de soi.