Points de vue et images du monde (original) (raw)

« Optique-monde »

Romantisme, 2007

La série de lithographies de Daumier, Les Cinq sens (1839), représente « Le Toucher » par une raclée, « L'Ouïe » par une femme ensommeillée qui donne à son mari le nom de son amant, « Le Goût » par la découverte d'un alcool trop fort, et « L'Odorat » par un homme qui renifle des fleurs amaigries sur le rebord de sa fenêtre. « La Vue » est le seul sens qui ait l'air vaguement divertissant. Le caricaturiste l'associe au plaisir d'une famille bourgeoise qui regarde la lune au-dessus de Paris 1 . Dans la première moitié du XIX e siècle, la vision apparaît effectivement comme le plus commercialisable des sens car elle peut être accessible à toutes les classes. Grâce aux nouveaux loisirs offerts au public urbain et notamment grâce aux spectacles des boulevards, à la peinture de Salon et aux illustrés bon marché, la vision s'avère le sens le plus régulièrement associé au plaisir. L'oeil, appelé par le Dictionnaire des sciences médicales en 1819 « le plus bel ornement de la figure humaine et l'un des sens les plus précieux », a un tel prestige dans la France du milieu du XIX e siècle que cette période où naît « la modernité » se caractérise par une obsession de la vision 2 . Ce qui n'était jusque-là qu'un fantasme -voir partout et voir tout -se révèle possible grâce aux nouvelles technologies de l'optique, de l'imprimerie et du transport et aux avancées de la médecine et de l'astronomie. Dès 1839, cette même année où « la daguerréotypomanie » touche Paris, un nouveau genre de livres propose de valoriser, au moyen des mots et des images, ces nouvelles façons de voir. Encyclopédiques

Un regard posé sur le monde

Contemporary Woolf/Woolf Contemporaine, 2014

Pour Woolf le contemporain est un espace-temps évanescent et sans cesse renouvelé. Il s’épanouit dans ces moments d’être qui disparaissent avant de réapparaître à la surface de la mémoire. Nous proposons d’étudier ce rapport complexe et fluctuant à travers la relation que Woolf entretient avec l’image, qu’elle soit photographique ou picturale. Nous verrons en quoi Woolf utilise la photographie pour réfléchir au contemporain en s’ancrant dans un présent auquel elle réagit de manière épidermique. Le dispositif texte/image dans Three Guineas (1938) nous servira de base pour étudier son rapport à une temporalité courte et délimitée, à une urgence contemporaine à la fois sociale et politique. Nous proposons ensuite de mettre en parallèle les visions développées par Woolf et par le peinte James Whistler afin de faire l’étude de deux trajectoires similaires qui mettent en lumière le rapport ambigu que l’artiste entretien avec le contemporain. A la charnière entre le 19e siècle et le 20e siècle, l’écrivaine et le peintre problématisent leur rapport à la création au sein même d’œuvres qui se font écrin et écran d’un monde en mutation permanente. Se basant sur l’analyse croisée d’extraits de The Waves (1931) et de certaines « harmonies » et « symphonies » whistleriennes, nous verrons comment tout deux bâtissent des œuvres mouvantes, vibrantes et versatiles, faites d’un réseau d’échos réminiscent des correspondances baudelairiennes. Nous verrons en quoi leurs difficultés à penser le contemporain les mènent à glisser dans l’a-contemporain, comme dans l’a-temporalité.

Une vision médicale du monde

Archives De Philosophie, 2010

Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. Distribution électronique Cairn.info pour Centre Sèvres. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Article disponible en ligne à l'adresse Article disponible en ligne à l'adresse https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2010-4-page-631.htm Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s'abonner... Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Le monde vu par un autre

2021

Il est coutumier de considérer que le cinéma permet de dévoiler le monde tel que perçu par autrui, comme l'affirme par exemple Sandro Bernardi selon qui « la possibilité de voir [un] film est fondée sur l'hypothèse paradoxale que l'on pourrait 'voir avec les yeux d'un autre' » (Bernardi 95). Hypothèse qui suscite pourtant plusieurs interrogations : comment le médium s'y prend-il pour offrir une telle expérience ? Et peut-on véritablement voir le monde à travers un point de vue qui n'est pas le nôtre ? Une représentation directe de la subjectivité d'autrui est toujours vouée à l'incomplétude ; art représentationnel, le cinéma ne peut pleinement figurer des états mentaux qui, par définition, échappent à l'objectif de la caméra. C'est donc un paradoxe cinématographique que de chercher à représenter l'intériorité en l'objectivant via la captation d'un profilmique, comme l'explique Dominique Château (134), selon qui le médium fait face à une irreprésentabilité fondamentale de l'intériorité d'autrui ; l'auteur rappelle que cette irreprésentabilité peut néanmoins être contournée, certes de façon imparfaite, grâce à notre faculté à représenter nos états mentaux et à se représenter ceux d'autrui : « nous communiquons avec le ressenti de l'autre non seulement à travers son extériorisation dans les signes (cris, mimiques, sueur, parole, etc.), mais, par approximation, à travers l'expérience que nous en faisons nous-mêmes. Toute représentation suppose cette manière d'expérience plus ou moins proche » (71). 2 Le monde vu par un autre

"La vision dionysiaque du monde"

Pour ceux qui étaient présents au dernier séminaire, vous vous rappellerez sans doute que j'avais essayé de décrire un certain type de regard, lié à une attitude spécifique d'acceptation du monde comme un Tout ordonné. Ce regard, qu'on peut qualifier de regard d'en haut ou de regard cosmique, consistait à replacer chaque événement du monde dans l'ensemble ordonné qui le constitue comme monde ; de la sorte, l'événement contraire acquérait un sens qui était lié à l'ordre du Tout ; de là dérivait une forme de consolation. Par ailleurs, ce regard situé au point zéro du monde permettait de s'extraire du flux continu des événements et d'embrasser le Tout de manière distanciée.

Rapports de l’OMS et vision du monde

Recherches internationales, 2015

À travers ses rapports, l’OMS, comme toute institution internationale, se présente au monde tout en donnant à voir la façon dont elle se représente le monde. L’étude des seize Rapports sur la santé dans le monde de l’OMS est à cet égard particulièrement intéressante. Non seulement parce qu’elle permet de suivre les évolutions des priorités sanitaires mondiales et les transformations des conceptions de la santé mondiale, mais surtout parce qu’elle révèle les tensions entre la diversité de la situation sanitaire mondiale et la vocation universelle de l’organisation sanitaire internationale. Ainsi, peu à peu s’élabore la vision d’un « nouvel universalisme » pour penser les questions de santé en insistant sur les limites du rôle de l’État, la nécessaire implication du secteur privé et la question du financement des systèmes de santé. Recherches internationales, n° 103, avril-juin 2015, p. 79-92

Jusqu'au bout du monde ou du paysage aux confins de l'image

Jusqu'au bout du monde Ou Du paysage aux confins de l'image par Philippe Nys (Université de Paris 8) Le pittoresque historique 1 Classiquement, historiquement, plastiquement, le pittoresque est défini comme « ce qui est digne d'être peint » où peindre, ajoutons-le d'emblée, signifie aussi bien description par les mots que peinture stricto sensu. Le caractère systématique de l'opérationalité et de l'efficacité du pittoresque s'est progressivement mis en place, au cours du XVIIIème siècle, sur un socle précis et limité géographiquement, les terres agricoles de l'Angleterre. Instrument d'une classe sociale, d'une sensibilité, d'un aménagement économique des territoires, d'une économie politique des signes, et, finalement, d'une conception du monde, le pittoresque transforme radicalement la campagne ouverte ou semi ouverte résultant des structures politiques, sociales et économiques du Moyen Age (openfields), par une série de procédés comme le système des enclosures 2 , le dispositif du « haha » ou saut-de-loup, le cadrage de vues paysagées… « Bras armé » avancé d'une économie reliée à une appréciation esthétique sophistiquée, le pittoresque relève d'un système de production de biens matériels (in fine le paysage construit) et immatériels (in fine le paysage comme image) modelant tout un pays.