La beauté du rite (original) (raw)

Chérie, la stérilité des rites

Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 2019

« Étaient-ils déjà assez haut dans le ciel sur ce cheval qui, trip, trep, trip, trep, trip, trep, allait cent fois plus vite qu'un chemin de fer 1 !… » Et voici que Lizadie introduit au coeur de son conte merveilleux la modernité tonitruante ! Ce chemin de fer, soulignant la vitesse surnaturelle d'un cheval volant, illustre à la perfection la friction du réalisme et du merveilleux, de l'ancien et du moderne, qui informe le « dernier volume du dernier des Goncourt 2 », le conte de Lizadie n'étant qu'une des nombreuses réminiscences d'une culture traditionnelle au sein du roman des mondanités parisiennes 3. Edmond semble ainsi poser la question de la place de la culture archaïque dans la modernité vrombissante du Second Empire, et quand l'on sait que, montée trop haut, trop vite, Chérie échouera à dénicher un époux, on se demande si la jeune fille peut encore compter sur les traditions et les rites pour accomplir son initiation et devenir femme. Certes, le genre romanesque ne renie ni les rites ni les coutumes, mais il « nous raconte ce qui se passe quand on s'en écarte 4 »… Or, il y a peu d'égards et trop d'écarts dans la vie effrénée de celle qui s'égare au fil des bals, dérégule les rites et les structures qu'ils produisent. Chérie est en somme l'histoire d'une appropriation ratée, la jeune fille ne parvenant pas à faire siennes les pratiques de ce monde ancien représenté par le Muguet 5 : elle détourne ou contourne les codes, fait fi des ordres et met en désordre les normes censées la réguler 6. L'héroïne, qui n'effectue ni passage ni apprentissage 7 , ne passe jamais le seuil de son être, voire se désagrège au fur et à mesure du récit 8 , dans un processus qui tient plus de l'involution que de l'évolution. Constamment dans l'impasse 9 , ses mues ne sont que de surface : sa garde-robe se renouvelle 10 mais pas elle, son incapacité à s'emparer du rite l'empêche de devenir femme. Chérie, la stérilité des rites Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 25 | 2019 101. Ibid., p. 274. 102. Cette vacillation est aussi à lire d'un point de vue poétique, dans la juxtaposition d'un « style artiste » et de pans entiers d'une oralité archaïque, en l'occurrence l'invocation prononcée par Chérie : « Je mets le pied sur l'anti-bois ; / Je me couche au nom des trois Rois. / Je prie Gaspard, Melchior et Balthazar / De me faire voir / En mon dormant, / Le mari que j'aurai / En mon vivant. » Ibid., p. 274. Chérie, la stérilité des rites

Le Pardon par le rite

Le pardon est inséparable de la façon dont il est montré, signifié. Une réflexion sur la signification de ce constat pour la reconstruction communautaire en différents contextes.

Réenchanter nos rites

L'Islam au XXIème siècle, 2021

Une des questions récurrentes qui sous-tend mon travail de recherche et de réflexion théologique concerne le rapport à Dieu, l’expérience de Celui-ci et les moyens de renouvellement de cette expérience au coeur de notre quotidien – une interrogation probablement aussi vieille que l’avènement de l’être humain à la conscience de lui-même. Parmi ces moyens, les rites et les rituels ont toujours occupé une place de choix, dans toutes les traditions spirituelles. Car ils sont langage et communication, à la fois entre êtres humains, avec le monde naturel, mais aussi, et surtout, avec le sacré. Mon cheminement au sein de l’islam m’a confronté à l’impression de la vacuité et de la mécanicité des rites et rituels (naissance, mort, mariage, circoncision, prière quotidienne, ramadan, pèlerinage, invocations pour les moindres gestes…) et à l’immense difficulté de relier leur mise en acte avec une véritable élévation spirituelle, sans parler de la déconnexion entre la forme extérieure de ces rites, leur signification et leur effet recherché ou à tout le moins leur objectif. Cet article n’a dès lors d’autre ambition que de présenter les attendus de ces dernières sur ce chantier et de dégager quelques axes programmatiques auxquels je continuerai de m’atteler dans les années qui viennent, en espérant, bien entendu, susciter l’intérêt et les contributions d’autres cheminant·e·s, toutes convictions confondues, ainsi que stimuler les échanges et le développement de nouvelles pratiques rituelles porteuses de sens pour notre temps.

Revue de l'histoire des religions. « Beauté du rite. Liturgie et esthétique dans le christianisme ». Tome 227 – fascicule 1, janvier - mars 2010.

With contributions of: Ralph Dekoninck, François Trémolières, Christian Grosse, Christian Belin, Xavier Bisaro, Bernard Berthod, Catherine Mayaux, Antoine Lion et Isabelle Saint-Martin Table of contents: - Présentation de Ralph Dekoninck et François Trémolières - Christian Grosse, « L'esthétique du chant dans la piété calviniste aux premiers temps de la Réforme (1536-1545) » - Christian Belin, « Le signe du Vendredi Saint. L'esthétique liturgique selon Letourneux » - Xavier Bisaro, « Beauté du chant, laideur du chantre : esthétique du plain-chant et dressage vocal au XVIIIe siècle » - Bernard Berthod, « Retrouver la foi par la beauté : réalité et utopie du mouvement néogothique dans l'Europe du XIXe siècle » - Catherine Mayaux, « Séduction du rite et conversion par l'art, de Huysmans à Claudel » - Antoine Lion, « Art sacré et modernité en France : le rôle du P. Couturier » - Isabelle Saint-Martin, « Art et liturgie aujourd'hui : à propos de six récentes églises parisiennes (1997-2005) »

Rite et liturgie

Hermès, 2005

Dans de nombreuses sociétés, se pratiquent des cérémonies religieuses dont l'efficacité supposée dépend de l'observation correcte du rituel. La façon dont les actions sacramentelles doivent être effectuées est extrêmement standardisée. Les mouvements de mains ou de tête sont prescrits jusque dans les moindres détails et aucune liberté n'y est accordée à l'individu. Le contrôle du comportement requis est souvent très strict et minutieux. Des écarts infimes suffisent à entraîner de terribles châtiments ou des conséquences magiques catastrophiques. On trouve des règles de ce type surtout dans les religions des sociétés simples. Les exemples abondent dans les travaux ethnologiques. Or, ces prescriptions liturgiques extrêmement sophistiquées portant sur des détaüs et dont peut dépendre le salut de la communauté ne sont nullement l'apanage des sociétés archaïques et sans écriture. Au contraire: c'est plutôt dans les sociétés complexes et disposant d'experts spécialisés en matière de rite qu'on trouve le plus haut degré d'élaboration des formes du culte religieux et du contrôle des rituels. Les prescriptions liturgiques définissant la conformité rituelle de l'administration des sacrements, des messes ou de la consécration de l'hostie sont aujourd'hui encore l'objet d'une discipline spéciale de la théologie, la science liturgique, dont l'une des branches a pour objet le contenu spirituel des actions du culte ; elle en étudie l'origine historique et la signification. L'autre branche, la science des rubriques ou rubricaire, définit avec précision la séquence externe de la cérémonie, fixe les gestes à accomplir, les formules des prières, les instruments liturgiques, les parements etc. Les règles relatives à cette matière se trouvent dans les livres liturgiques considérés comme sources primaires 1 comme le missel, le bréviaire, le «rituel», le «pontifical». Outre les consuetudines établies et les avis de liturgicistes reconnus, on relève également d'autres sources dites secondaires de la rubricaire, qui se nourrissent principalement des arrêtés de la Congrégation des rites constituée en 1588, dans une visée manifestement contre-réformatrice, par le pape Sixte V avec la Bulle «Immensa aeterni Dei». Les réformes liturgiques introduites par l'Eglise catholique dans les dernières décennies montrent que les rites,

Une beauté du geste de soin ?

Comment apercevoir de la beauté à travers les gestes souvent techniques posés quotidiennement au sein de nos institutions de santé ? C'est peut être la notion de justesse qui approche le mieux possible ce qui constitue la beauté d'un geste, dans une relation. Au delà des paroles qui tenteraient d'en rendre compte, le silence fait partie de ces moments là. Le geste nous saisit par sa beauté, car il exprime silencieusement ce que nous ne saurions pas dire.