Brève histoire juridique du faux en art (original) (raw)

2018, Journal des sociétés, n°160-1

Réviser la décevante loi Bardoux de 1895 sur les fraudes artistiques est une nécessité et requiert de revenir à la définition du crime de faux, construite par la doctrine médiévale à partir de l’héritage romain : le faux est l’altération de la vérité commise dans le but de tromper et au préjudice d’autrui. Cette notion pénale de faux commence d’être appliquée à l’art dès la Renaissance ; mais pendant toute la période moderne, les fraudes artistiques par usurpation de la signature, par copie…, même découvertes, ne furent condamnées d’un point de vue moral et judiciaire que rarement et tardivement. C’est à partir du milieu du XIXe siècle, dans un contexte d’essor du marché de l’art, que le substantif « faux », emprunté au droit pénal, s’impose dans la langue française pour désigner les fraudes artistiques. C’est aussi à partir de ce moment-là qu’un arsenal législatif disparate, encore de mise aujourd’hui, est mobilisé pour sanctionner lesdites fraudes dont sont victimes artistes, amateurs et collectionneurs : contrefaçon, dol civil, escroquerie… Cet arsenal est ensuite complété par la loi de 1895 mais ses nombreux défauts ont réduit quasiment à néant son intérêt et son application. C’est donc en s’inspirant des anciens juristes et de l’article 441-1 du Code pénal que la fraude artistique devrait être définie comme l’altération frauduleuse de la vérité d’une œuvre ou d’un objet d’art (paternité, datation, provenance, origine, matériau), commise par quelque moyen que ce soit au préjudice d’autrui. Pareille définition permettrait d’embrasser et de sanctionner les multiples faux en art.