L’œuvre et les phénomènes. Le Baudelaire de Benjamin (original) (raw)
2014, Revue italienne d’études françaises
Conférence prononcée à l'occasion de la Journée d'études sur Walter Benjamin « Les outils de la critique », organisée par K. Genel et G. Raulet en avril 2014 à l'Université Paris-Sorbonne. 1 Le titre que j'ai voulu donner à cette contribution sur le Baudelaire de Benjamin-L'oeuvre et les phénomènes-peut être compris de plusieurs manières. D'abord, ce titre souligne l'importance des liens entre l'oeuvre littéraire de Baudelaire et son époque, comme l'indique expressément le sous-titre que Benjamin aurait voulu donner au livre sur Baudelaire : Ein Lyriker im Zeitalter des Hochkapitalismus (Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme) 1. Souvent, notamment dans la section N du Passagen-Werk-dont le Baudelaire aurait dû fournir un « modèle en miniature » 2-ou dans les Thèses sur le concept d'histoire, Benjamin a essayé d'élucider les présupposés épistémologiques de ces liens. Ce titre se réfère aussi au fait que ce livre n'existe pas, que l'oeuvre manque ou qu'elle est restée inaccomplie. Il indique alors le décalage entre l'oeuvre absente et les traces plus ou moins dispersées, plus ou moins élaborées que son écriture partielle nous a léguées. 2 Mais le titre peut être compris en un autre sens. « Das Werk ist die Totenmaske seiner Konzeption » (« L'oeuvre est le masque mortuaire de sa conception »), écrit Benjamin dans Einbahnstraße 3. C'est la dernière des treize thèses sur la « technique de l'écrivain », publiées pour la première fois en octobre 1925 dans Die literarische Welt. Toute oeuvre, semble suggérer l'aphorisme de Benjamin, qu'elle soit accomplie ou inaccomplie, est un phénomène. Elle est le phénomène visible, la trace, plus ou moins lisible, de son idée, en quelque sorte sa « facies hippocratica ». Selon la théorie de l'allégorie élaborée dans l' Origine du drame baroque allemand, l'oeuvre serait le « paysage primitif pétrifié » de son L'oeuvre et les phénomènes. Le Baudelaire de Benjamin Revue italienne d'études françaises, 4 | 2014