Pathé Marconi à Chatou. De la musique à l’effacement des traces (original) (raw)

Barthes et la musique : perdre, se perdre (Christian Bourgois)

Barthes fait de la musique un « texte » particulier, un texte qui s'évide et qui est, par-là même, le symbole de tout texte : il exhibe l'absence, la face cachée du signe, celle du « sens » qui ne peut s'atteindre et qui est d'autant plus impossible que c'est en tant que forme, que signifiant, qu'il échappe. En effet, si le signifiant seul n'existe pas – et telle est la thèse de Saussure –, la musique offre un exemple unique de glissement perpétuel du signe vers le signifiant. L'auditeur a, plus que dans les autres arts, le sentiment d'une absence du signifié, le sentiment d'une absence du sens dans la lettre. Les écrits de Barthes sur la musique comme lieu de séparation du signifiant et du signifié, compris ici comme une éthique de la perte serviront de transition entre une approche « lettriste » de l'art et une appréhension des oeuvres particulières comme des machines à penser, qui répondent à une question théorique qu'elles ont elle-même contribué à poser. La musique chez Barthes a trait au langage et au corps. Du " Grain de la voix " à " La musique, la voix, la langue " , en passant par " Rash " , " Aimer Schumann " et " Le chant romantique " , les articles sur la voix, le lied, Panzéra ou Schumann déclinent tous un double motif : l'ineffable ou l'impossibilité du discours sur la musique d'une part, le rapport au corps de cette dernière d'autre part. Comment parler de la musique? Comment dire ce lieu où s'annule la frontière entre imaginaire et symbolique, où les catégories linguistiques se dévoilent dans la pureté d'un rapport direct du signifiant au référent – un rapport direct de la langue au corps (le « grain ») ? Autrement dit, comment dire la langue pure? Ces écrits sont également l'affirmation d'un goût, il manifeste le rejet du général. Une autre série de textes, qui rejoint « Rash » et « Aimer Schumann », sur l'amateur et la pratique du piano, mettent en valeur la même place première du corps personnel, le même rejet du grégaire, le primat de la légèreté, du naturel. Le primat, en réalité, d'une certaine « perte ». Il semble que la « perte », dans son double sens d'égarement spatial et d'objet soustrait, soit le concept fédérateur de cette pensée de la musique. Une parenthèse semble nécessaire à propos de ce que Barthes nomme « musique » : sous sa plume il s'agit de la musique qu'il aime ; l'autre musique, celle qu'il n'aime pas, n'est pas cette musique de la perte. Elle ne manque rien : elle est pleine, expressive, grégaire, dotée de ce qui manque à LA MUSIQUE. Mais paradoxalement, c'est ainsi à partir d'une « musique » non généralisée comme telle que Barthes va élaborer une pensée de la musique qui est une pensée d'autant plus philosophique ou conceptuelle qu'elle porte sur la place du signe dans l'art. C'est qu'en réalité, il y a là dans l'opposition entre la musique (qu'aime Barthes) et le reste qui n'est pas de la musique, un sophisme : la 5 e de Mahler (que Barthes n'aime pas) est de la musique, même si le discours prétend qu'il s'agit de « fausse musique ». Et lorsqu'on glose le « goût musical de Barthes », nous ne développons pas un discours particulier sur certaines oeuvres, au sein d'une analyse plus générale, mais abordons une donnée qui englobe en réalité tout le discours. Le commentaire sur l'écriture de Barthes est enfermé lui-même dans le fait qu'écrire sur la musique c'est en réalité écrire sur UNE musique – il n'empêche que le glissement de l'une à l'autre est constant, chez lui comme chez nous.

Depuis Varèse jusqu’aux arts audio : Espaces d’un héritage

Aujourd'hui, on doit se rendre compte, un peu partout, car je le répète depuis près d'un demi-siècle au risque d'importuner les gens, que mon but a toujours été la libération du son et d'ouvrir largement à la musique tout l'univers des sons. J'ai commencé très jeune à enfreindre les règles, conscient même alors qu'elles m'empêchaient d'accéder à ce monde merveilleux-cet Univers en perpétuel expansion. Edgard Varèse-1939 1 Faire violence à la musique Parmi les influences diffuses et globales devenues arrière-fond de la création sonore au vingt-et-unième siècle, Edgard Varèse se trouve encore aujourd'hui régulièrement cité comme une des principales figures tutélaires dans laquelle se retrouvent nombre d'artistes du son. Comme certains autres acteurs historiques-tels Alexandre Mossolov, Georges Antheil ou Luigi Russolo pour la première partie du vingtième siècle en particulier, mais tout autant John Cage ou Erik Satie-Varèse reste un jalon marquant par le rôle inédit qu'il donne à l'activité musicale dans son époque, et ce d'une façon qui lui est propre. Le portrait que nous gardons de Varèse aujourd'hui est celui d'une force de l'imagination qui a fait violence à la musique. Par la volonté d'un individu qui se dresse face aux conventions, l'activité musicale devient un acte de différenciation radicale et se fantasme comme création de son propre paradigme. Le geste varésien demeure celui de cet affranchissement de la musique, de cet effort pour la porter au-delà de ses propres règles : plus loin que la note vers la beauté de la matière sonore, plus loin que l'espace harmonique vers les promesses de l'espace myriaphonique de l'écoute. Au fil des témoignages des créateurs actuels, on comprend que Varèse n'a pas seulement réalisé une oeuvre originale faisant date dans les livres d'histoire. Il a contribué sa vie durant, dans sa confrontation aux technologies naissantes du vingtième siècle, à rendre performatives les potentialités de médiums dont l'impact sociohistorique n'était pas encore envisagé : potentialités techniques médiatrices d'un bouleversement plus profond. En ce sens, l'action de Varèse constitue historiquement une des amorces principales du glissement des conceptions musicales, et pourrait se reconnaître comme une origine majeure de la diffraction des pratiques sonores qui nous entourent aujourd'hui, indistinctement savantes et populaires, musicales et non-musicales. Dans le moment même où son action créatrice actualisait l'affirmation d'une personnalité indéniablement charismatique, elle paraît avoir concouru au déplacement tellurique d'une épistémê que l'on pouvait, et pourrait encore croire fixe et connue : celle de la musique. Au lendemain du prophète Aujourd'hui, que l'on observe la musique contemporaine, les tenants des musiques improvisées 1 1 Edgard Varèse, Causerie prononcée lors du séminaire d'études musicales avancées de Princeton, in Georges Charbonnier, Entretiens avec Edgard Varèse, éditions Pierre Belfond, Paris, 1970, p. 83.

Mathieu D’Astous : Ou l’Exploration des méandres humains et musicaux

Liaison, 2007

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Sur les traces… à plus d’une voix

Escritura e Imagen, 2012

Este artículo se cuestiona, desde una voz plural, el lugar estratégico que juega el psicoanálisis en el pensamiento de derrida. ¿acaso no sostienen ambos un comprometido y continuado pensamiento de la "huella"? Conceptos claves del psicoanálisis como Nachträglichkeit, Verspätung, inconsciente, Unheimlichkeit serán revisitados desde la herencia propiamente derridiana, para terminar postulando un nuevo parentesco.

Mimésis, Heuristique musicale : sur les traces d’Aristote

Le mandala et ses figures dans la modernité artistique, 2021

fr/, date de consultation. Ce document a été généré le 01 décembre 2021. La revue Déméter est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution Pas d'Utilisation Commerciale 4.0 International. Université de Lille Centre d'Études des Arts Contemporains, EA 3587 Ricardo Mandolini L'exégèse des textes de Platon, Aristote et Hegel a été le sujet d'articles antérieurs 1. De cette exploration nous sommes revenus avec la certitude que les deux idéalismes analysés, platonique et absolu, présentent des incohérences par rapport à la mimésis. Ceci nous a permis de concentrer notre attention sur la conception du Stagirite. Vingt siècles avant Alexander Baumgarten, fondateur de l'esthétique moderne, la mimésis inscrite dans La Poétique d'Aristote légitime une épistémologie de l'art basée sur ses propres règles, différentes de celles de la logique, où ce qui l'emporte n'est pas la vérité mais la démarche de la conviction de l'artiste. Notre recherche actuelle, « Mimésis, Heuristique musicale : sur les traces d'Aristote », abandonne l'exégèse des textes pour mettre en pratique les conséquences dérivées de la mimésis aristotélicienne. Nous commençons par l'incorporation des fictions à la réalisation artistique. Tout d'abord, il faut débroussailler les fictions philosophiques et scientifiques des artistiques. Ces dernières, que nous appellerons transitionnelles en utilisant la terminologie du psychologue Donald Winnicott, nous permettent d'établir des réalités intermédiaires entre le sujet créateur et l'oeuvre qu'il crée. Nous repérons les fictions transitionnelles non-immersives, celles où les frontières entre le créateur et sa réalisation se trouvent bien définies, et les transitions immersives, où l'artiste glisse de façon involontaire dans un monde de significations superposées à la réalité. À partir de ce moment, le travail s'achemine vers la spécialité musicologique. L'Heuristique musicale est présentée par la suite, en expliquant son contexte, ses objectifs, ainsi que sa nécessité d'existence comme complément des analyses dérivées de la sémiologie de la musique. En fermant la forme, l'une des propositions de l'Heuristique musicale est expliquée. Il s'agit de la reconstruction d'oeuvres musicales contemporaines, conséquence dérivée de la mimésis d'Aristote.