Entre scientifique et pittoresque : l’intervention du genre dans l’écriture hybride de Marie de Ujfalvy-Bourdon (original) (raw)

L’invention du genre dans le journal de Marie-Edmée

Presses universitaires de Provence eBooks, 2012

« Si j'étais homme ! » combien de jeunes filles nées vers le milieu du XIX e siècle, s'exclamèrent-elles ainsi ? Marie-Edmée Pau, Geneviève Bréton 1 ou Marie Bashkirtseff 2 signifiaient de la sorte, dans le secret de leur journal, leur révolte contre un ordre social qui les brimait 3. Cependant, parmi elles, seule la première rejeta la perspective du mariage, destinée ordinaire des femmes. Dans son journal, qui couvre la seconde décennie du Second Empire, « si j'étais homme », revient comme un leitmotiv 4. Il est vrai que cette fille et soeur de soldats appartenait à un milieu dans lequel le premier sexe était survalorisé : le modèle de la masculinité se forgea en partie, au XIX e siècle, sur le modèle militaire 5. Élevée dans le culte de la gloire et de la patrie, Marie-Edmée souffrait de vivre en un temps et dans un pays où la voie de l'héroïsme était barrée aux femmes 6. Mais son malaise semble aller au-delà : « Mon âme n'est pas dans mon corps 7 » écrivit la diariste dans un poème composé le soir de ses dix-huit ans. Puis elle ajoutait : « Ah ! si j'étais un homme ». Le « trouble de soi » exprimé ici est donc un « trouble dans le genre. » Il peut sembler paradoxal de l'aborder sous l'angle de l'invention. Marie-Edmée était contemporaine de Karl Heinrich Ulrichs (1825-1894), qui, le premier, postula à partir de son propre cas l'existence d'un troisième sexe ainsi défini : « avoir une âme de femme dans un corps d'homme », ou « une âme d'homme dans un corps 1 « Si j'étais homme, j'aurais aujourd'hui une belle et noble occasion d'être un peu nécessaire à mon pays en allant entre tant d'autres de mon âge me faire tuer. Hélas ! la loi salique nous atteint partout, jusque dans la mort. » écrit-elle le 20 juillet 1870, le lendemain de la déclaration de guerre. Geneviève Bréton,

Caroline Cazanave (dir.), L'Épique médiéval et le mélange des genres

Cahiers de recherches médiévales et humanistes. …, 2008

L'introduction de Caroline Cazanave fait le point, d'une manière très précise, sur l'un des enjeux fondamentaux de ce colloque : l'art du mélange a fait partie de l'épique français dès ses origines, la définition de « chansons de geste tardive » ne doit pas être comprise dans le sens de la dégénérescence d'un phénomène qui à son origine était pur, mais dans une perspective strictement chronologique. L'article d'ouverture de François Suard appuie ces considérations sur la base des trois textes épiques médiévaux les plus anciens : la

L'identité hybride dans 'Tous les hommes désirent naturellement savoir' (2018) de Nina Bouraoui

2020

Dans Tous les hommes desirent Naturellement savoir (2018) de Nina Bouraoui mene la recherche de son identite. Une identite hybride qui nait d’une nature lesbienne et qui se construit avec les experiences de l’enfance, en Algerie, et de l’adolescence, en France. Utilisant la memoire, la narratrice effectue une recherche personnelle pour repondre a la question philosophique : « Qui suis-je ? ». Pour trouver la reponse, Bouraoui commence son ecriture en present, ce qui nous place dans le contexte de sa recherche et qui permet de comprendre l’argumentaire et la connexion thematique du livre. La division s’etablit entre « Se souvenir », « Devenir », « Etre » et « Connaitre ». Le roman se termine en annoncant un avenir incertain et reflete un passe dont nous sommes tous heritiers. L’objectif de cet article, L’identite hybride dans 'Tous les hommes desirent naturellement savoir' (2018) de Nina Bouraoui , c’est de decouvrir de quoi se compose l’identite de la narratrice.

Un genre sous tension: les lettres de Madame Palatine

Littératures classiques, 2010

Le présent article, à la suite de quelques travaux universitaires que l'on estime trop rares en France, vise à mieux faire connaître une épistolière négligée ou méprisée par le XIX e siècle français, lequel, à la suite de Voltaire, avait son idée du Grand Siècle et, comme il se doit, son Panthéon, où n'entre pas Madame, appréciée au mieux comme une commère et une méchante langue 1 . Une espèce de Saint-Simon en jupons débraillés qui n'aurait ni style ni tenue. Peu étudiée par les littéraires et, toutes proportions gardées, par les spécialistes de l'épistolaire, en raison il est vrai des difficultés nombreuses soulevées par l'existence d'une correspondance volumineuse rédigée surtout en allemand, souvent absente donc, des colloques, des ouvrages érudits, des anthologies ou des manuels scolaires, Élisabeth-Charlotte, Princesse Palatine du Rhin, naît dans le Palatinat en 1652 et meurt en France en 1722. Sacrifiée sur l'autel de la politique et des intérêts dynastiques, elle épouse en 1671, à l'âge de 19 ans, le frère unique de Louis XIV avec lequel elle aura trois enfants dont Philippe d'Orléans, le futur Régent. Plus communément appelée Charlotte-Ẻlisabeth de Bavière, et Liselotte pour les intimes, la jeune femme étonne d'abord la Cour de France par ses façons, ses vêtements, son franc-parler. Mais l'idylle ne dure guère. La mise à sac de son pays d'origine par les troupes françaises en 1689 (et les reproches indignés qu'elle s'autorise), ses misères conjugales, sa haine tenace à l'égard de Mme de Maintenon (appelée par exemple « la vieille ordure » ou « la guenon »), ses propos acerbes 2 lui valent très vite de vivre à l'écart du roi -un exil qu'elle égaie pendant un demi-siècle en écrivant chaque jour de longues et nombreuses lettres adressées alors à ce que l'Europe compte de plus prestigieux. Des lettres sans concessions le plus souvent et dont les historiens 3 ont montré la valeur -une valeur que l'on se plaît à (re)découvrir, à l'étranger 4 notamment. Rappelons à larges traits les grandes étapes de la réception du texte. Furent d'abord publiés en 1788 des fragments des Lettres originales de Madame, écrites de 1715 à 1720 au duc de Brunswick et à la princesse de Galles, réimprimées sous un titre différent en 1823. Menzel fut le premier en Allemagne à publier en 1843, soit plus d'un siècle après leur rédaction, les lettres adressées à la famille ou à des proches. Ce texte fut traduit en 1857 par Gustave Brunet. Les années 1861 et 1863 voient la publication d'éditions augmentées. Plus près de nous, en 1981, Olivier Amiel donne au Mercure de France les Lettres de la Princesse Palatine 1672-1722. L'orientation en est explicite : on sait que la collection « Le Temps retrouvé » accueille de préférence des mémorialistes. À cette publication s'ajoutent les travaux de Dirk Van der Cruysse. Vient d'abord une biographie, Madame Palatine, princesse européenne (Paris, Fayard, 1988), couronnée par la Société du XVII e siècle et par l'Académie française ; puis l'édition critique, chez Fayard toujours, en 1989, des grandes lettres françaises de Madame ; enfin, en 1998, en direction de la recherche, Le miroir brisé : le sort des correspondances de Madame Palatine. Un peu plus tard et la même année, en 2004, paraissent deux biographies, l'une de Daniel des Brosses, La Palatine. L'incorrigible épistolière aux 60000 lettres, la seconde, de Françoise Hamel, Fille de France. Sort également en poche une nouvelle édition de la correspondance. Reste à mentionner, fait significatif, deux adaptations théâtrales des lettres en 2007 et en 2008. Ces mouvements de balancier, s'ils ne sont pas inconnus de l'histoire culturelle, doivent être examinés de plus près : ils sont en effet particulièrement révélateurs des tensions et des enjeux consubstantiels au genre 1 Seul Sainte-Beuve fait exception, qui déclare : « Madame est un utile, un précieux et incomparable témoin de moeurs ». 2 Voir Saint-Simon. 3 Voir par exemple Emmanuel Le Roy Ladurie, Annales 38. 4 Voir les travaux de Christine McCall Probes et de William Brooks.

Le genre est « con ». Sur De sel et de fumée d'Agathe Saint-Maur

Voix plurielles, 2022

Cette contribution propose d'analyser la question de l'identité sexuelle et de genre dans le roman De sel et de fumée (2021) d'Agathe Saint-Maur. Sur la base des théories de Jean-Paul Sartre, Amanda Holmes et José Esteban Muñoz, y est exposée une lecture de l'identité sexuelle et de genre des protagonistes, Lucas et Samuel. Les deux jeunes hommes essaient de se détacher de leur environnement homophobe et hétéronormé à l'aide d'une stratégie de désidentification. Plus particulièrement, ils existent à la croisée de différentes identités, qu'ils mettent stratégiquement en avant. Ce refus des cadres normatifs permet la création d'une nouvelle conception du genre, en dehors de la masculinité et de la féminité, dont la désignation proposée est le mot polysémique « con ».