Les faux-sauniers de Lavalduc : projets pour un étang à la fin de l'Ancien Régime (original) (raw)
1992, Bulletin des Amis du Vieil Istres, n°14, p. 48-62
Introduction « Il est décidé que l'étang de Lavalduc va ruiner la Basse-Provence en la privant de ses cultivateurs. La quantité du sel qui s'y forme est un ameçon (sic) auquel le pauvre ne peut résister ». Ainsi débute le constat désabusé dressé en août 1769 par le subdélégué de l'intendant à Istres, Jean-Baptiste-Gaspard Cappeau, à l'intention de l'intendant du roi en Provence, le marquis des Gallois de la Tour 1. Pour la deuxième année consécutive, des troubles liés à des enlèvements illégaux de sel de l'étang de Lavalduc menaçaient de secouer la région istréenne. Cet étang avait pourtant très tôt figuré comme l'une des providences de la région, par le sel qui s'y formait naturellement, ainsi que dans les étangs voisins. C'est probablement pour l'exploiter que fut créé au VII e siècle av. J.-C. le comptoir étrusque de Saint-Blaise 2. Le géographe Strabon confirme, au début de notre ère, l'importance de cette production : « Au milieu de cette plaine [la Crau], on trouve de l'eau, des sources salées et du sel » 3. L'exploitation de ces étangs de Crau perdure au Moyen-Age, et Lavalduc est sans doute le plus important d'entre eux : un acte, qui serait d'époque mérovingienne, mentionne la présence de huit salins dans ce secteur 4. Le plus ancien document concernant Istres, une charte de l'an 966, fait don à l'abbaye de Montmajour de possessions dépendant de cette cité, dont des salins, qui ne sont malheureusement pas nommés 5. Lorsque le comte de Provence, Charles d'Anjou, instaure à son profit un monopole sur le sel au milieu du XIII e siècle, confisquant toute la production pour la revendre à ses sujets après taxation-c'est la gabelle-, il subsistera quelques exceptions accordées par le maître de la province : Charles II concède ainsi en 1304 au seigneur de Fos le droit de tirer un profit limité de ses anciens marais salants 6 , et la reine Jeanne, en 1379, reconnaît aux Istréens le droit de prendre librement du sel à l'étang de Lavalduc 7. Le salin de Lavalduc est encore utilisé au XVI e siècle, en liaison avec ceux d'Istres et d'Engrenier 8 , mais l'activité s'arrête au siècle suivant : la Ferme Générale, chargée de recouvrer la gabelle pour le compte du roi de France, obtient par deux arrêts du conseil du roi des 29 (*) Alors que l'actualité met le problème du devenir de l'étang de Berre à l'ordre du jour, il me paraît amusant de relater la polémique soulevée, voici deux siècles, autour d'un autre étang de notre région, et sur laquelle les passions sont désormais éteintes