Générer la forme en biologie: une caractéristique du processus développemental ? (original) (raw)

La question qui consiste à se demander comment la forme est générée repose sur l'étude de la morphogenèse -du grec : morphê (µορφή) pour « forme » et genesis (γένεσις) pour « naissance, formation, production ». Le terme sert, depuis le XIX e siècle, à caractériser le processus qui, en biologie, permet d'expliquer le développement des structures caractéristiques des espèces vivantes. Pourtant, dès l'Antiquité (Aristote, De la génération des animaux), l'examen des structures visibles des êtres vivants constitue un objet d'étude privilégié pour le premier « philosophebiologiste 1 » qui s'attache à décrire et à théoriser l'ontogenèse et l'organisation progressive de ces êtres vivants. Si Platon, quant à lui, entendait par le terme grec eidos (εἶδος) la forme d'une chose dans l'esprit et, considérant les idées comme des substances éternelles, situait la forme au-dessus de la matière, Aristote récuse une telle conception et place sur le même plan forme et matière. Plus précisément, il considère que la forme (µορφή : qui constitue, selon lui, l'aspect extérieur d'un objet) s'oppose à la matière. Dans un même temps, il considère que l'idée ou le mouvement -l' eidos donc -, porté par le sperme du mâle, « in-forme » la matière inerte. Mais en distinguant deux modes de génération, le déploiement de structures déjà préexistantes du développement de novo, et en prenant partie pour la seconde thèse, il suggère alors la possibilité d'une structure (ou d'une forme) émergente à partir de la matière. En argumentant de la sorte, il est le premier philosophe à adopter un présupposé d'ordre « rationnel » quant à la forme : il ne se réfère ni à l'activité d'un démiurge, comme dans le Timée de Platon, ni à un quelconque récit mythique, comme chez les présocratiques, pour rendre compte de la genèse de la forme. Une telle démarche rationnelle quant à la genèse de la forme des êtres vivants ne réapparaîtra qu'à la fin du XVI e siècle à travers les travaux sur la génération du médecin et physiologiste William Harvey, Exercitationes de generatione animalium (1651).