Échos somatiques : poïétique des personnages-écrivains bessoniens (original) (raw)

Littérature et vocalité chez Xenakis ou comment traiter des abîmes

Intersections: Canadian Journal of Music, 2014

Le mythème du Chaos est étudié à travers les oeuvres vocales de Xenakis. Il est représentatif de l’histoire, des préoccupations et de la sensibilité « contemporaines » (de la fin du XXe siècle) : bien que s’inspirant de l’Antiquité grecque, le traitement du texte oscille entre les pôles de l’abstraction pure et de l’expression signifiante. Furieux, tempétueux, le chaos xenakien peut résulter du traumatisme, de la folie, de la guerre, désigner l’état de ce qui n’a pas de forme, la béance, le déluge, la genèse, la perdition, être transition, processus, représenter l’Origine ou la Fin du monde. Ainsi le compositeur a-t-il voulu « traiter des abîmes » par la vocalité soliste ou chorale, remonter à « toute la richesse cosmique, mais chaotiquement ». Cet article ouvre un diptyque dont le second volet s’intitule « La Grande Mère néolithique dans Serment-Orkos » (publié par le Centre Iannis Xenakis, Université de Rouen). Le postulat est le suivant : les sciences dites du « chaos » et de la ...

Créateurs et créatures de séries télévisées : une poïétique du personnage

2019

Il existe un espace entre l’auteur et son personnage. Ce lieu est celui de la creation, or scenaristes et showrunners eux-memes evitent consciencieusement de l’aborder dans leurs entretiens et leurs temoignages : comme l’electricite qu’utilise le Dr Frankenstein dans le roman de Mary Shelley pour donner vie a sa creature, ce qui donne vie au personnage audiovisuel apparait aux createurs comme une energie magique qu’ils ne comprennent pas. Pourtant, la question de cette poietique particuliere aux personnages est d’autant plus pregnante en serie que ceux-ci y ont une importance majeure, assurant la cohesion du texte et sa richesse. Nous nous sommes ici concentres sur dix showrunners americains contemporains et leurs series. En nous reposant d’une part sur leur intuition, notamment au travers des divers entretiens donnes au cours de leurs carrieres, et d’autre part sur une analyse des series terminees ou de leur bible, nous tentons dans cette these de conceptualiser cette « magie ».

Les chroniques zoliennes – hybrides textuelles

Anna Kaczmarek-Wiśniewska, Quêtes littéraires nº 6, 2016 : Hybride(s)

The journalistic part of Emile Zola’s work is often neglected by critics who usually focus on the writer’s novels and other texts of fiction. Nonetheless, these writings worth readers’ and critics’ attention because of their originality based on their hybrid character. This hybridism concerns their narrative forms, including ‘classical’ press chronicles, causeries (a kind of chat with the potential reader) and confidences of real or fictive persons. The identity of their author is also hybrid, combining some traits of a romantic, a positivist and a materialist. The outcome of such a mix of various attitudes towards the reality is a set of uncomparable texts of both anthropological and documentary value.

Cosmo-poéthique et écologie de la parole. Sur Erri De Luca et Jean-Claude Pinson

Ecozon@, 2024

Parus respectivement en 2013 et 2015, la Poéthique de Jean-Claude Pinson et La parole contraria (La parole contraire) d'Erri de Luca questionnent le savoir-faire, le savoir-dire et le savoirêtre, expérimentant une littérature du moi en son environnement, qui ne se distingue pas de la vie et de ses choix éthiques. Au cours de vingt ans de réflexion à propos de la poésie pour Pinson, et plus récemment pour De Luca, lors de sa défense contre l'accusation d' "incitation au sabotage" du TGV Lyon-Turin, chacun éclaire dans son essai la question de ce que peuvent des voix singulières, de leur possibilité de vivre hors des cadres dominants. Ils posent ainsi de façon comparable la question d'une écologie de la parole repartant du sens des mots pour réinventer librement le monde, une voie cosmopoéthique qui rompt avec le conformisme, nomme les désaccords qui l'en séparent et peut contribuer à redessiner l'espace public.

LE RÈGNE DU SÉMIOTIQUE : Fondement de la poéticité du langage romanesque chez Ken Bugul

RELIEF - REVUE ÉLECTRONIQUE DE LITTÉRATURE FRANÇAISE, 2011

LE RÈGNE DU SÉMIOTIQUE : Fondement de la poéticité du langage romanesque chez Ken Bugul Le règne du sémiotique dans le langage a pour effet le passage au premier plan des formes du langage que sont notamment la musicalité et les jeux de mots. C'est vrai pour Ken Bugul qui a affirmé que : « La langue maternelle, c'est des sentiments, des odeurs, des sonorités, des attouchements. C'est la langue de ma mère et non la langue de la mère de tout le monde ». Certes, le signe ne perd pas sa signification, mais il subit la domination du caractère poétique du langage qui le porte.

Les silences synesthésiques du roman naturaliste

2018

L'urbanisation, l'industrialisation et la médiatisation ont, au cours des dernières décennies, favorisé l'émergence d'une écologie du son qui étudie les relations entre l'être humain et son environnement acoustique. Elle souligne également les méfaits de la pollution sonore et établit ce faisant une distinction entre un paysage sonore et un paysage silencieux, ce dernier devenant le refuge d'un environnement saturé de sons et de bruits. Teintées de notre sensibilité contemporaine 1 , les représentations artistiques fournissent nombre d'exemples d'espaces idéalisés, préservés de toute pollution sonore, à l'instar des paysages idylliques pastoraux, des représentations romantiques de la nature, ou encore des grands espaces sauvages, vierges de toute présence humaine, de la wilderness ou du nature writing nord-américains. La phénoménologie et la sémiotique du son permettent néanmoins de nuancer la manière dont les représentations littéraires ou picturales « artialisent » 2 la perception paysagère. Si le silence est par définition l'absence de bruit et de parole, cet état demeure introuvable dans la nature. Le silence s'avère plutôt un phénomène purement théorique privé de toute existence ontologique en ce que la présence du sujet, le plus souvent contemplateur ou alors privé de certaines capacités perceptives ou énonciatives, semble constitutif du paysage silencieux. Si Michel Serres explique que la parole « anesthésie les cinq sens » 3 , le silence, à l'inverse, contribue à les libérer. Unir silence et synesthésie semble donc évident et important, car tous deux problématisent la perception de l'environnement sensoriel et témoignent du lien intime et mystérieux entre le sujet et la nature. L'histoire littéraire suggère également un lien entre silence et synesthésie dans la mesure où le romantisme et le symbolisme constituent les terrains d'investigation privilégiés des recherches portant sur les représentations de ces cas particuliers de la perception sensorielle. Au cours de la seconde moitié du XIX e siècle, le réalisme et le naturalisme développent cependant une esthétique et une poétique paysagères particulières qui visent à se démarquer des représentations lyriques et romantiques dont ils dénoncent « la projection fallacieuse de l'affectivité » 4 et de la subjectivité humaine sur la nature. Dans le contexte décrit ci-dessus, le lecteur contemporain observe, dans l'écriture réaliste et naturaliste, le même tiraillement entre une représentation subjective et idéalisée, et une description objective et méthodique de l'espace environnant. L'analyse de la description romanesque, à l'aide d'une phénoménologie et d'une sémiotique de la lecture, permet de décrire certaines particularités sémiologiques du silence, des sons, de la synesthésie et de la polysensorialité, à partir desquelles il est également possible de définir une poétique descriptive naturaliste. L'étude des descriptions littéraires d'expériences synesthésiques et d'espaces silencieux est ainsi menée dans la double perspective d'une microlecture sémiologique et de la contextualisation des textes dans l'histoire des poétiques. Deux romanciers naturalistes, nés la même année en 1840, serviront de comparaison, à savoir Émile Zola et Thomas Hardy. Alors que l'étude des sons et des sens n'est pas inédite chez ces deux auteurs, qui ont par ailleurs 1 Alain Corbin met en garde contre l'« anachronisme psychologique » qui consiste à appliquer une sensibilité et une subjectivité contemporaines à un objet hors de son contexte et de sa culture somatiques.

Mythopoétique comparée du corps déchiré dans la littérature postcoloniale

Pensée, pratiques et poétiques postcoloniales contemporaines, 2018

Communication prononcée au colloque international « Qu'est-ce que la pensée postcoloniale ? », 23-25 novembre 2015, Université des Antilles, Pôle Martinique, Schoelcher Publié dans Pensée, pratiques et poétiques postcoloniales contemporaines, p. 141-170 R. Solbiac (dir.), L'Harmattan, Paris, 2018. La mythopoétique ne pose pas la question de la « fabrication » des mythes, ou même la question de leur « sens » intrinsèque (ce serait plutôt le rôle de la mythocritique), elle étudie la fictionnalisation de ces mythes par la littérature. La littérature, en effet, reprend les mythes, les adapte, les déplace, cela dans un but qui dépasse la simple stylisation, et traduit plutôt la volonté de s'inscrire dans des problématiques universelles, d'en modifier l'éclairage ou la portée. Naturellement donc la littérature postcoloniale-si l'on veut bien définir par ce mot une littérature mondialisée dont l'Europe n'est plus le centre 1-s'est emparée des mythes, de tous les mythes, aussi bien ceux des traditions ancestrales extra-occidentales que des mythologies gréco-latines pour ne citer qu'elles (Grusinski : 289). L'intérêt de la mythopoétique est de prendre la mesure de ces traductions mythiques globalisées qui s'opèrent dans la littérature, et de témoigner de la pensée nouvelle, décentrée, qu'elles manifestent. Un mythe nous paraît caractéristique de la pensée postcoloniale : celui du corps déchiré, ce que les Grecs nommaient diasparagmos. Que la torture physique et morale soit un leitmotiv de la littérature postcoloniale, cela se comprend aisément, en rapport aux graves humiliations que les colons dominants ont infligées aux peuples soumis, à une déshumanisation qui a imprimé ses stigmates à la peau et aux membres. Mais il s'en faut encore que la dénonciation, légitime, 1 Et pas uniquement une littérature post-coloniale, au sens historique (avec tiret), qui concentrerait les littératures des différentes décolonisations survenues après la Deuxième Guerre.