Anthropologie De Terrain Research Papers (original) (raw)

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Partie à Pékin en février 2010 pour mon premier terrain de thèse, je ne possédais aucune formation anthropologique. Je ne disposais que des quelques outils de l'ethnographie appris en cursus général, comme les notions de l'observation participante et le carnet de terrain. Comme beaucoup des sinologues rencontrés me l'ont reproché, je n'avais pas non plus de formation sinologique. Pire encore, face à une des religions les plus complexes de l'Extrême-Orient, je n'avais aucune connaissance concernant les phénomènes religieux. En arrivant, je me suis donc mise simplement à observer un temple et ses usagers, tout en sachant que je ne pouvais pas, sur l'instant, comprendre ce qui s'y jouait. Pour autant, cela ne m'empêchait pas de noter le plus de choses possible et de tenter de nouer des relations avec les usagers. Brève présentation du temple observé 1 Le taoïsme est une religion qui comprend plusieurs écoles ou courants, dont l'un est essentiellement monastique et l'autre composé de prêtres dont la fonction est transmise héréditairement au sein de familles. Au XII e siècle, le fondateur de la branche de la porte du dragon (Longmen), appartenant au courant monastique Quanzhen 全真 (c'est-à-dire « de la complète perfection ») devenu aujourd'hui dominant dans le Taoïsme chinois, a refondé ce temple à partir d'un autre temple qui existait préalablement, mais qui était dévolu à des pratiques plus populaires. Le Baiyunguan 白云观, (Temple des Nuages Blancs), est donc devenu le centre de l'école Quanzhen et de la pratique du taoïsme monachiste dans la Chine d'aujourd'hui. Du point de vue de son architecture, le temple se constitue d'un ensemble de cours organisées autour d'un axe central, donnant sur les salles de cultes consacrées à de nombreuses divinités. Les prêtres déambulent dans les cours ou aident les fidèles dans les salles : ces derniers prient et accomplissent toutes sortes d'offrandes, avec de l'encens, du papier monnaie (offrandes brûlées) ou font juste une visite touristique du temple. I La connaissance par corps Dans ce temple, selon les concepts de l'anthropologie classique depuis Malinowski, je m'adonnais donc à l'observation participante. Les seules connaissances auxquelles je pouvais me référer étaient celles concernant les croyances taoïstes historiques, dont j'avais déjà un certain nombre d'aperçus par mes lectures documentaires ; en effet, peu de recherches avaient été faites sur la vie monastique contemporaine du courant Quanzhen. De ce fait, je saisissais mal les références et les significations des pratiques des enquêtés. J'ai commencé à découvrir des lieux tout à fait étrangers à mes références, des corps très différents les uns des autres mais identifiables d'après leurs gestes, leurs vêtements, leurs attitudes, leurs fonctions dans le temple (fidèles, prêtres ou administratifs). Je n'avais pas non plus de place assignée ou même définissable dans ce temple et les enquêtés ne semblaient pas vraiment comprendre ma position. Cependant la polysémie des phrases que j'utilisais pour dire que je faisais de la 1 Sur le temple du Baiyunguan cf. Goossaert, Vincent, The Taoists of Peking, ch. 3 « The taoists of the Baiyun Guan », pp.135-168.