Anthropology of Time Research Papers (original) (raw)
Le géographe n'est plus le savant du Petit Prince de Saint-Exupéry, qui écrivait « des choses éternelles » mais un scientifique obligé d'observer et d'analyser des mondes en mutation, des agencements plus labiles, fragiles et temporaires... more
Le géographe n'est plus le savant du Petit Prince de Saint-Exupéry, qui écrivait « des choses éternelles » mais un scientifique obligé d'observer et d'analyser des mondes en mutation, des agencements plus labiles, fragiles et temporaires dans une période d'incertitudes sanitaires, sociales, économiques et environnementales. L'action aménagiste et l'urbanisme sont naturellement impactés et concernés par ce glissement qui nécessite le déploiement d'un « urbanisme chronotopique » et une « politique des rythmes » pour une « ville malléable et réversible ». La dimension temporelle a longtemps été négligée par les chercheurs, les édiles et les aménageurs, bien qu'elle constitue une clé d'entrée majeure pour la compréhension et la gestion des sociétés, un enjeu collectif essentiel pour les hommes, les organisations et les territoires en termes de dialogue sociétal, de développement durable et de qualité de la vie. Les villes ne sont pas des structures figées mais des entités qui évoluent selon des rythmes quotidiens, hebdomadaires, mensuels, saisonniers ou séculaires, mais aussi en fonction d'évènements, d'accidents et d'usages parfois difficiles à articuler. Notre société revoit ses rapports à l'espace et au temps, à l'urgence, à la vitesse, au travail, aux loisirs, à la mobilité, au bien-être et à la « nature » obligeant citoyens, chercheurs, politiques et praticiens à s'adapter. L'effacement progressif de l'unité de temps, de lieux et d'action des institutions entraine de nouvelles hybridations, l'apparition d'arrangements, assemblages et configurations temporaires : développement d'événements urbains (nuits blanches, fête des lumières…), occupation saisonnière des espaces publics (Paris plage, marché de Noël…). Face aux difficultés, on voit l'explosion des formes d'habitats précaires (campements, bidonvilles…), les mobilisations politiques (Occupy Walt Street, ZAD, Nuits debouts, ronds-points des gilets jaunes…) ou appropriations artistiques et créatives qui contribuent à l'émergence d'une pratique réversible de la ville. Au-delà de ces émergences, la question du temps s'invite peu à peu dans les agendas de la recherche, de l'urbanisme et des politiques publiques. Dans la recherche, les outils de représentations dynamiques ont notamment permis de faire émerger une approche « chronotopique » où le « chronotope » est défini comme « lieux de confluence de la dimension spatiale et de la dimension temporelle ». Après les avancées des années 70 (horaires variables, heure d'été, calendriers de vacances scolaires par zone…) Il a fallu attendre la fin des années 1990 en Italie et le début des années 2000 en France avec les expériences des bureaux du temps pour que se déploient des politiques temporelles. Au-delà de ces expérimentations territoriales, on assiste également à un certain renouveau des approches prospectives, à l'irruption de notions comme la réversibilité, l'improvisation, l'hybridation, le développement d'innovations sociétales et de modes d'intervention sous forme de plateformes, de tiers-lieux et aux premiers pas d'un « l'urbanisme tactique », « temporaire » ou « transitoire » stimulé par le déconfinement.