Auctions Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
Le 9 mai 1928 à l’hôtel Drouot, André Breton assiste à la vente de la collection du peintre et écrivain allemand Walter Bondy et achète 1 120 francs une statuette en bois sculpté représentant une divinité à long bec, la tête surmontée... more
Le 9 mai 1928 à l’hôtel Drouot, André Breton assiste à la vente de la collection du peintre et écrivain allemand Walter Bondy et achète 1 120 francs une statuette en bois sculpté représentant une divinité à long bec, la tête surmontée d’une haute coiffure, provenant de la vallée du Sepik, en Nouvelle-Guinée. Trois ans plus tard, cet objet est à nouveau livré aux enchères lors de la vente de « Sculptures d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie » qu’André Breton organise avec Paul Éluard, les 2 et 3 juillet 1931. La statuette est adjugée 700 francs à l’écrivain français membre du groupe surréaliste, Georges Sadoul.
Figure totémique encore pourvue de ses ornements de vannerie et de coquillages, cette pièce requiert les faveurs des surréalistes, d’abord pour sa valeur psychopompe et ensuite pour son origine lointaine et évocatrice. L’analyse, qualitative et quantitative, de la réception de cette statuette ouvre sur une appréhension plus précise de l’évolution du goût pour les objets océaniens ainsi que sur le rôle actif d’André Breton et de Paul Eluard dans les échanges internationaux. En effet, la moins-value, obtenue au moment de la revente de la statuette, montre à quel point son activité de courtage est soumise à des aléas. Cet exemple met également en lumière le processus de « transcontextualisation », c’est-à-dire la pérégrination symbolique et économique d’une pièce qui, à travers l’Océanie, l’Allemagne et la France, devient, tour à tour, objet religieux, bibelot susceptible de plus-value et support de réflexion surréaliste.
Grâce à une analyse exhaustive des ventes parisiennes d’objets dits « primitifs », durant l’entre-deux-guerres, il est alors possible de mesurer la spécificité de cet exemple, en analysant la constitution – et la circulation plus ou moins lucrative – des collections d’arts premiers, par les artistes et les poètes surréalistes.