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Clémence Mathieu,Directrice du Musée International du Carnaval et du Masque, Binche (Belgique), Docteur en Histoire de l'art et archéologie. Le carnaval de Binche, petite agglomération de 30 000 habitants située dans la province de... more

Clémence Mathieu,Directrice du Musée International du Carnaval et du Masque, Binche (Belgique), Docteur en Histoire de l'art et archéologie. Le carnaval de Binche, petite agglomération de 30 000 habitants située dans la province de Hainaut en Belgique, à 55 km au sud de Bruxelles, est une tradition qui a contribué à alimenter une identité locale très forte en ses murs, puisque la ville, née au 12 e siècle, accueillit en son enceinte fortifiée, encore toujours en place, la résidence de Marie de Hongrie au 16 e siècle, et fut l'un des centres les plus florissants en matière de confection de dentelle et de prêt-à-porter de luxe 1. Lors des festivités du carnaval de Binche, c'est toute une ville dont le coeur et les pavés battent au rythme du carnaval, et même bien longtemps avant, puisque le carnaval se prépare durant toute l'année (par les futurs acteurs du carnaval, mais aussi par les artisans, les familles, les musiciens). Il s'étend sur les six semaines de préparatifs pré-carnavalesques qui précèdent le Carême pascal chrétien, et qui consistent en des répétitions dominicales en trois étapes : les répétitions de batterie (où les sociétés carnavalesques auditionnent leur batterie dans leur local respectif), les soumonces en batterie (où dès 17h, les sociétés sortent au rythme des tambours et des grosses caisses dans le coeur de la cité), et les soumonces en musique (où un orchestre de cuivres vient se joindre aux batteries) 2. Après des mois de travail en coulisses, des semaines de préparation et de répétitions, le noyau de la fête se concentre lors des Dimanche, Lundi et Mardi gras. Lors du Dimanche gras, les futurs Gilles, Paysans, Pierrots et Arlequins du Mardi gras défilent dans la ville au son des tambours et des cuivres, revêtus de déguisements de fantaisie préparés dans le plus grand secret. Le Lundi gras est consacré aux Binchois qui se déplacent en bandes dans la ville au son des violes et des orgues de barbarie. Le Mardi gras constitue l'apothéose du carnaval, puisque l'on peut finalement voir le Gille tant attendu, défiler. S'il est accompagné des Pierrots, des Paysans et des Arlequins, qui sont trois sociétés d'enfants issus des écoles binchoises, c'est bien le Gille qui est le héros du jour.-Le Gille, « prêtre du rituel » : des origines à la fête actuelle Les règles strictes et codifiées, qui sont énumérées dans les statuts de l'Association pour la Défense du Folklore (A.D.F., créée en 1976) et qui régissent l'apparition en public du Gille, en font un personnage emblématique, presque même héroïque, entouré d'une aura bien spécifique. Ainsi, le Gille ne peut se déplacer sans son tamboureur, ne peut s'asseoir en public, ne peut fumer, ne peut manger en rue, ne peut être ivre, ne peut embrasser sa femme, ni prendre d'enfant dans ses bras. Toutes ces règles contribuent à lui donner une attitude hiératique, l'auréolant de mystère, qui tend à nous rappeler l'aura des « prêtres » des rituels 1 A. GARIN, Binche et le carnaval : Binche, cité impériale, son histoire, son folklore, ses richesses et ses traditions, s.l., 1998, p.15-20. 2 M. REVELARD, Le carnaval de Binche, Tournai, La Renaissance du livre, 2002, p.40-47.