Calcaire Research Papers - Academia.edu (original) (raw)

Appuyée sur des archives variées, cette brève contribution à une histoire de la pierre de Bidache insiste sur les formes de sa consommation: emploi dans l'architecture, usages artisanaux. Par certaines de ses utilisations, cette pierre, dont les marchands identifient plusieurs variétés, participe avec plus ou moins de force à un complexe jeu de distinction sociale.
Nous concentrerons nos observations sur la pierre qui s'extrait non loin de la Bidouze (en laissant de côté le calcaire du coniacien, dit de "Bidache", tiré et employé dans d'autres secteurs, en Pays Basque ou en Béarn), parce qu'elle est la "pierre de Bidache" des hommes du XVIIIe siècle; en revanche, nous analyserons des cas d'utilisation de la pierre bidachote puisés dans l'ensemble des pays de l'Adour maritime et nous lancerons même quelques regards vers les Antilles. La pierre de Bidache a une bonne réputation globale, mais ses qualités et son aspect varient en fonction des bancs, aussi pour le commerçant comme pour son client existe-t-il plusieurs pierres de Bidache, qui toutes ont des usages, plus ou moins engagés dans le jeu de la représentation sociale.
I. L'inégale valeur d'une bonne pierre
Dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du règne minéral des environs de Dax, Borda d'Oro décrit, avec les mots de son temps, quelques-unes des caractéristiques géologiques essentielles du calcaire bidachot et nous livre de ce fait les fondements naturels de toutes les constructions culturelles, tant matérielles que symboliques, auxquelles participent la pierre de Bidache au XVIIIe siècle. D'une manière générale, le produit des carrières de la principauté de Gramont est assez estimé, car il ne manque pas de qualités, telles sa dureté et sa résistance "aux gelées et aux vicissitudes de l'air"; cependant, dès qu'est prise en compte la variété des bancs, le tableau s'obscurcit quelque peu pour le gros de la production. Si une partie des calcaires locaux possèdent un grain d'une finesse satisfaisante et prend "assez bien le poli", la majorité d'entre eux "présentent des molécules grossières et écartées les unes des autres", cependant qu'une autre caractéristique de la morphologie locale, l'inclusion abondante de silex dans les bancs de pierre de Bidache, pèse fort lourd dans l'édification des catégories commerciales. En effet, la présence abondante de cette roche siliceuse déclasse irrémédiablement une part de la production, pour des motifs esthétiques, puisque en ces temps où se prise une sobre élégance régulière, "la couleur de cette matière et ses inégalités qui demeurent nécessairement quand on l'a taillée font un mauvais effet dans les bâtiments" (ce silex qui accroche l'œil est appelée la teigne par les ouvriers). Aussi la belle pierre uniforme, dont les nuances de gris varient du blanchâtre au bleuté, est-elle suffisamment peu commune pour être particulièrement recherchée et pour constituer un matériau de bon prix, capable de participer pleinement au jeu de la distinction sociale: "quand la propreté est recherchée dans l'extérieur des édifices, la pierre mêlée de silex n'y est point admise et on a le plus grand soin d'insérer dans les conventions qu'on fait avec les marchands de pierre que celle qu'ils fournissent ne sera point teigneuse.