Chanson d'Aiquin Research Papers - Academia.edu (original) (raw)

La Chanson d’Aiquin a longtemps été tenue pour un rameau mineur de la geste carolingienne. L’apparente naïveté de ses prétentions historiques, la rudesse de son style, la qualité médiocre de son unique manuscrit ont rebuté une critique... more

La Chanson d’Aiquin a longtemps été tenue pour un rameau mineur de la geste carolingienne. L’apparente naïveté de ses prétentions historiques, la rudesse de son style, la qualité médiocre de son unique manuscrit ont rebuté une critique qui s’est souvent contentée d’en faire de brèves mentions dans des études portant sur l’ensemble du genre ou de s’intéresser à son localisme breton. Le présent ouvrage veut donc, pour la première fois, proposer une étude d’ensemble de cette chanson méconnue, considérée comme un système sémiotique dont on peut chercher à proposer une interprétation globale, originale et cohérente. L’auteur relance d’abord l’enquête sur les rapports d’Aiquin et de l’Histoire, dont il montre la complexité et l’intelligence : par un écrasement structurel conscient, l’œuvre, sous couvert de rappeler la domination viking de la Bretagne aux IXe et Xe s., cherche à représenter le contexte historique où elle s’élabore et qui la motive, l’affrontement des Plantagenêts et des Capétiens pour la possession de l’Armorique, au tournant des XIIe et XIIIe s. S’appuyant sur un système travaillé d’allusions au corpus épique, elle fait exister la voix autonome de la Bretagne héroïque, politique, épique. Puis, utilisant et testant les outils d’analyse de la technique littéraire des chansons développés ces dernières décennies, l’auteur se livre à une étude systématique des formes de la Chanson : le vers, interrogé dans sa structure rythmico-syntaxique ; mais aussi, exhaustivement, la laisse, dans ses rapports avec la prosodie et la structuration du récit ; les formules et les motifs stéréotypés du genre. Il met ainsi en évidence les faiblesses, mais aussi les aspects singuliers, parfois même raffinés, de la technique narrative, rhétorique et lyrique de l’œuvre. Enfin, une troisième partie conjoint étude des stéréotypes génériques et approfondissement de l’interprétation : car Charles est crédité, dans Aiquin, de deux grands miracles décisifs, mais dont l’analyse montre qu’ils sont probablement ironiques. Manière de renvoyer, sans doute, deux impérialismes dos à dos afin de mieux exalter non seulement l’autonomie de la Bretagne, mais encore une morale du contemptus mundi, joliment instillée dans l’ensemble du poème.