Eastern Roman Empire Research Papers (original) (raw)
Abstract: Le village de Shahba, devenu la colonie romaine de Philippopolis, est situé à quatre-vingt dix kilomètres au sud de Damas et à vingt kilomètres au nord de Suweida’ en Syrie du Sud. Sa notoriété et son développement sont dus à... more
Abstract: Le village de Shahba, devenu la colonie romaine de Philippopolis, est situé à quatre-vingt dix kilomètres au sud de Damas et à vingt kilomètres au nord de Suweida’ en Syrie du Sud. Sa notoriété et son développement sont dus à l’empereur Philippe l’Arabe qui a transformé la petite bourgade où sa famille s’était installée, en une petite, mais riche cité de 244 à 249 lors de son règne.
La mosaïque polychrome qu’on pourrait appeller mosaïque de la « Fête Nocturne Pannychis » - à cause de sa représentation personnifiée - a été quelque peu oubliée par la littérature scientifique. On trouve cependant quelques brèves descriptions dans les travaux de J. Balty, de J.-Ch. Balty, de H. Hatoum, de L. Abad Casal, de H. Sichterman et d’A. Kossatz-Deismann. À ma connaissance, elle n’a été publiée que par petits fragments. Seul J.-Ch. Balty, dans un article du LIMC consacré à la personnification abstraite d’Euphrasia, propose une rapide interprétation de la mosaïque en expliquant le sens des mots « pannychis » et « euphrasia ».
La mosaïque de Pannychis n’est plus malheureusement en place, on peut néanmoins supposer, vu le thème représenté, qu’elle devait probablement orner une salle à manger (triclinium ou œcus).
Cette mosaïque rectangulaire, abritée au musee de Shahba, est composée d’une large bordure géométrique, de six petits panneaux représentant des personnifications inscrites sur les cotés courts du tapis, et d’un grand tableau central avec une effigie des trois Grâces (Charites) mis en valeur dans une belle bordure géométrique de ruban torsadé. Les tableaux angulaires représentent les Quatre Saisons. En commençant par l’angle gauche dans la rangée inférieure et en suivant le mouvement contraire à celui des aiguilles d’une montre, les Saisons sont placées en ordre suivant : Theros (l’Été), Methoporon (l’Automne), Heimon[e] (l’Hiver) et Ear (le Printemps). Entre l’Été et l’Automne, l’artiste a placé le buste de la personnification féminine de Pannychis – de la Fête Nocturne. Entre les personnifications du Printemps et de l’Hiver, le portrait en trois quart de la personnification féminine d’Euphrasia – (la Gaîté, la Joie dans un festin, la Réjouissance) a été placée.
Quel sens se cache derrière toutes ces images et à quelle idée elles font allusions ? Si le tableau central est le plus grand, il n’est que complémentaire par rapport aux panneaux latéraux. La clé du programme de la mosaïque est la personnification de Pannychis – de la Fête Nocturne. La personnification de la Gaîté – Euphrasia fait son pendant.
Que sait-on de ces faites nocturnes que les citoyens romains hellénisés en Orient célébraient en se réunissant en grand nombre ? Une source inestimable dans la recherche sur l’histoire des mentalités grecques sous la domination romaine est l’auteur grec d’Éphèse connu sous le nom d’Artémidore de Daldis, spécialiste de l’oniromancie. Il est célèbre grâce à son manuel d’interprétation des rêves (Onirocriticon) rédigé probablement à Éphèse à la fin du IIe siècle. Artémidore parle des Fêtes nocturnes vues dans les rêves. La fête nocturne est célébrée très joyeusement par ses participants. C’est une fête bruyante avec danse et musique. C’est l’occasion pour tout le monde de se rassembler et de faire de nouvelles connaissances. De plus, cette fête permet aux jeunes de dépasser certaines interdictions et d’exprimer leurs sentiments. Les nouveaux couples formés durant cette fête nocturne peuvent confirmer leur engagement par un mariage. Artémidore effectue des rapprochement entre la Fête nocturne et la réunion de personnes, le mariage, la gaîté, la bonne humeur, l’abondance et l’acquisition des biens (pour les pauvres). Le Pannychis et l’Euphrasia sont présents ensemble dans le texte d’Artémidore comme sur la mosaïque de Philippopolis. Sa description met l’accent sur des éléments caractérisant la Fête Nocturne : la joie, la bonne humeur et l’abondance (de la table et des boissons) que les fêtes offrent aux participants. La signification des Charites est complémentaire de celle qui est évoquée par les personnifications de Pannychis et d’Euphrasia. Le tableau de la mosaïque de Philippopolis fait sans doute allusion aux fêtes nocturnes que le propriétaire envisageait d’organiser, et sans aucun doute organisait dans sa demeure.
La mosaïque de la Fête Nocturne de Philippopolis qui ornait probablement un triclinium rappelle ce qu’on rencontre dans d’autres salles à manger chez les riches propriétaires. La théorie du caractère allusif à la vie de l’aristocratie de l’époque romaine (et de ses nouveaux riches) dans la décoration interne des maisons et des villa a de plus en plus de partisans parmi les chercheurs. La mosaïque de Philippopolis ressemble à la décoration des salles à manger qui évoquent la fête, les festins, la boisson, la bonne nourriture, la musique et la danse, tout les ingrédients d’un banquet réussi.