French colonialism Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
Dans le cadre d'une recherche sur le rôle des opinions publiques dans les relations internationales, cette étude en deux temps (« le protectorat français sur Tahiti » ; « l'affaire Pritchard») vise à faire le point sur la mise en place du... more
Dans le cadre d'une recherche sur le rôle des opinions publiques dans les relations internationales, cette étude en deux temps (« le protectorat français sur Tahiti » ; « l'affaire Pritchard») vise à faire le point sur la mise en place du protectorat français puis la crise franco-anglaise d'août 1844, dont Tahiti fut le prétexte, sinon l'enjeu, et le pasteur Pritchard à la fois le détonateur et l'amplificateur. Cet épisode, qui mit à mal la première Entente cordiale, malmenée au même moment par le bombardement de Tanger et de la prise de Mogador, ne peut pas se comprendre, bien entendu, sans tenir compte des relations franco-anglaises sur le temps long. La crise orientale de 1840, les French wars, les rivalités coloniales dans l'Atlantique : sans remonter jusqu'à la guerre de Cent Ans, tous ces maillons de la chaîne, sans jamais avoir de rapport direct avec Tahiti, activent tous leur mémoire chez les acteurs des évènements de 1843-1844, dans la mesure où il est toujours question, dans le Pacifique, de rivalité maritime et impériale franco-anglaise. La prise en compte des problématiques domestiques, françaises et anglaises, dans les années 1840, ne sont pas moins nécessaires à l'intelligence de l'affaire Pritchard. La monarchie de Juillet, et notamment ce « moment Guizot », qui ne se résout pas à libéraliser le régime en élargissant la représentation nationale, cherche à l'insatisfaction intérieure des compensations glorieuses. Significativement, quelques pages avant d'évoquer sa décision d'implanter la France dans le Pacifique, pour y assurer à sa marine des mouillages, et débarrasser ses départements des bagnards, Guizot évoque dans ses mémoires « tout le prix comme tout le charme de cette sympathie générale qu'on appelle la popularité » 1 . Pas plus que la Restauration ne s'est sauvée par la prise d'Alger, Guizot ne trouva en Polynésie le salut de la Monarchie de Juillet. Dépassé par ses agents locaux, et obligé de présenter ses excuses à l'Angleterre, il y gagna seulement le sobriquet de « lord Guizot » et Louis-Philippe l'image d'un roi qui avait préféré payer Pritchard plutôt que de sauver l'honneur de la nation. Quant à l'opinion anglaise, qui semble endosser la responsabilité des mauvaises passions chauvines et anti-françaises, face à la modération de lord Aberdeen, il serait aisé de démontrer que son agressivité, loin d'être un bellicisme, exprimait essentiellement une terreur obsidionale, face à un impérialisme français mal évalué. Il est vrai que la publication par le prince de Joinville, au printemps 1844, d'une note sur l'état des forces navales françaises dans la Revue des deux mondes, sous couvert d'un anonymat qui ne le dissimulait guère, n'avait pas aidé l'opinion anglaise à se rassurer. Les acteurs locaux, qui ont fait plus que relayer l'impérialisme d'État, en outrepassant leurs instructions, ont utilisé les passions populaires pour faire pression sur leurs gouvernements respectifs. Mais il ne sera essentiellement pas question de ce temps long ou des problématiques domestiques dans notre exposé ; nous leur ferons place dans les travaux que nous évoquions plus haut. Le but de cette étude est de déplacer le point de vue d'analyse vers le Pacifique. Seule la connaissance des sociétés locales, et l'appréhension des distances entre la scène 1 GUIZOT (François), Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, Tome XIII, 1841-1847, Paleo, 2006