Hercules Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
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L'Antiquité dans l'univers du bodybuilding : une injonction à quelle(s) virilité(s) ? De nombreuses études ont abordé le bodybuilding sous l'angle de la construction des rôles sexuels, masculin ou féminin 1. Construction problématique, dans la mesure où le body / building, comme son nom l'indique, est une pratique visant à modeler un corps construit qui s'éloigne souvent du corps naturel de départ dans l'optique de le rendre conforme à une image mentale de corps idéal. La pratique du bodybuilding peut en effet intervenir comme une réponse concrète à l'insatisfaction éprouvée devant un corps au naturel jugé trop faible, ancrant l'individu dans les limites de sa part la plus animale et la moins contrôlable. Cette insatisfaction est encore majoritairement le fait de la gent masculine (même s'il existe un bodybuilding au féminin de plus en plus actif), influencée par une sorte de « mythe viril » (J-J Courtine) qui lie la virilité à la masse musculaire : l'homme n'est pas qu'un pénis, il est aussi du muscle. L'influence de ce mythe est aujourd'hui mesurable à l'aune de la fréquentation croissante des salles de musculation par les jeunes gens et surtout les jeunes hommes avides de transformer leur corps pour acquérir une stature plus virile. Les réseaux sociaux, surtout Facebook et Instagram, servent de plate-formes autothuriféraires à ces jeunes bodybuilders 2. Ils y postent des photos témoignant des différentes étapes de leur progression, ou bien des parallèles choc présentant leur corps « avant » et « après » leur transformation physique (parfois qualifiée d' « extrême » tant les résultats sont spectaculaires). Deux tendances s'observent : il s'agit soit de perdre la graisse en trop, qui donne au corps masculin des caractéristiques féminines (seins, poignées d'amour), soit au contraire de gagner en masse musculaire ; un corps trop frêle et fin pourrait là encore s'apparenter à une morphologie plus féminine. Pour être un vrai mec, travaille tes pecs (au risque de trop travailler le haut du corps et pas assez les jambes : on croise ainsi régulièrement des hommes qui sont de véritables armoires au niveau du torse et des épaules, mais avec des jambes à la Donald Duck). L'exaltation de ce nouveau corps est également l'occasion d'une promotion de valeurs traditionnellement associées à la virilité : force, courage, détermination, goût de l'effort, capacité à supporter la douleur sans pleurer (boys don't cry, c'est bien connu). « No pain no gain » est la maxime qui pourrait figurer au fronton de tous les gymnases des temps modernes : tout le monde n'a pas la chance de Peter Parker, qui se réveille un beau matin et découvre, à la place de son corps rachitique d'adolescent geek binoclard, un physique d'athlète aux abdominaux bien dessinés plus adapté à ses aventures en tant que Spiderman. Pour devenir « énorme et sec » (et non plus « énorme et gras »), selon l'expression fort distinguée du youtubeur Tibo Inshape (jeune bodybuilder toulousain donnant des conseils de musculation sur sa chaîne), la discipline personnelle doit donc être à la mesure de l'ambition. Les méthodes proposées pour parvenir à de telles fins ne manquent pas, et sont surtout centrées sur l'utilisation du poids de son propre corps : méthode Lafay, Callisthenics, pour développer à la fois la beauté (κάλλος / kallos) et la force (σθένος / sthenos), tiens tiens, déjà du grec. Un exemple avec ce jeune homme : https://www.youtube.com/watchv=4K7w0uw9syQ&index=23&t=106s&list=LLZSFMNUa20tDg2 1n-_HBCuw Le youtubeur Kévin Tran, cofondateur de la chaîne « Le rire jaune » est quant à lui plutôt adepte de la méthode américaine Insanity, qui, comme son nom l'indique, exige un entraînement assez sale (avalanche de pompes, burpees, squats, étirements...). C'est qu'il était las de son surpoids : il a ainsi lancé le très évocateur hashtag #frombouddhatoapollon. La vidéo bilan donne une idée de son 1 Comme le remarque Taina Kuninnen dans son article « Bodybuilding et sacralisation de l'identité » , Ethnologie française (vol.34), p. 320. 2 Le bodybuilding ne se confond pas avec la musculation, qui est un moyen et non une fin : on peut vouloir acquérir du muscle pour pouvoir accomplir une tâche pénible (certains métiers exigent de soulever de lourdes charges), ou bien travailler un muscle en particulier dans le cadre d'une autre pratique sportive (rugby, football, tennis...). Le bodybuilding quant à lui permet de construire un corps musculaire esthétique, où l'apparence du muscle en soi et en-dehors de toute utilisation concrète est l'objectif à atteindre. Dans cette perspective, les adolescents ou jeunes hommes qui construisent leur corps en se rendant à la salle de sport peuvent être considérés comme des bodybuilders amateurs.