Holacracy Research Papers - Academia.edu (original) (raw)

Mathieu Detchessahar appelle, dans le chapitre précédent, à un renouvellement des espaces de discussion et à l’avènement d’un management par la discussion qui serait fondé sur un nouveau substrat matériel et de nouvelles conceptions et... more

Mathieu Detchessahar appelle, dans le chapitre précédent, à un renouvellement des espaces de discussion et à l’avènement d’un management par la discussion qui serait fondé sur un nouveau substrat matériel et de nouvelles conceptions et pratiques de la communication (le dialogue), de la prise de décision (la collégialité) et de l’autorité (la subsidiarité). Parmi les formes émergentes d’organisation, l’une d’entre elles semble, au premier abord, formuler la promesse de ce renouveau : l’entreprise libérée promue aujourd’hui par Brian Carney et Isaac Getz.
Si l’entreprise libérée s’affirme comme une alternative aux modes de management et d’organisation traditionnels du travail, c’est-à-dire à la bureaucratie wébérienne et à ses principes organisateurs incarnés par la hiérarchie, pour faire court, elle partage en réalité la même finalité que d’autres initiatives en matière de management participatif avant elle (t.q. le management socio-économique, la sociocratie ou l’holacratie), à savoir : rendre les travailleurs plus autonomes et responsables. Tout comme ces autres formes d’organisation du travail, l’entreprise libérée questionne la régulation sociale du travail au sens large : en matière de gouvernance, de gestion des ressources humaines, d’exercice du pouvoir ou encore de transformation des métiers d’encadrement. Elle s’en distingue, en revanche, en plaçant au cœur de son projet la figure d’un leader libérateur totalement dévoué au développement d’une vision partagée du projet de libération en question. Les ingrédients du processus de libération (l’autonomie, la confiance, la capacité des travailleurs à choisir leur leader et à co-définir les règles du jeu) présagent un dialogue renouvelé. Pourtant, à maints égards, le dialogue apparaît comme un impensé des entreprises dites libérées.
C’est donc à une enquête originale que ce chapitre s’est livré, avec l’ambition d’explorer les espaces de dialogue sur le travail au sein de ces entreprises libérées. Le caractère émergent du phénomène nous a poussés à procéder en trois étapes distinctes. D’abord, nous tenterons de caractériser le dialogue dans l’entreprise libérée à partir des fondements et des caractéristiques de ce projet de libération tel qu’envisagé par ses concepteurs. Ensuite, en mobilisant différents matériaux empiriques, nous caractériserons les espaces de dialogue tels qu’observés dans ces organisations particulières. Finalement, nous serons amenés à identifier les zones d’ombre qui subsistent dans la pratique du dialogue et dans l’instauration d’un management par la discussion dans ces contextes spécifiques.