Husserl Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
"Pour rendre hommage à mon Maître, je veux aujourd’hui interpréter quelques pages de son grand livre sur La Joie spacieuse, afin de dégager le type de phénoménologie qui était le sien, pleinement inscrit dans le projet phénoménologique... more
"Pour rendre hommage à mon Maître, je veux aujourd’hui interpréter quelques pages de son grand livre sur La Joie spacieuse, afin de dégager le type de phénoménologie qui était le sien, pleinement inscrit dans le projet phénoménologique inauguré par l’invention husserlienne de l’intentionnalité. L’intentionnalité de Chrétien est une intentionnalité paradoxale, surplombée et gouvernée par l’excès de ce qui se donne au sujet, mais où le sujet a à son tour la capacité d’accueillir, dans et par la joie, cet excès qui se donne, et qui se donne à lui. Ce n’est pas tant une faculté qu’une disposition affective, la joie, qui permet la dilatation de l’âme de telle sorte qu’elle accueille ce qu’elle ne peut pas accueillir, qu’elle reçoit ce qu’elle ne peut pas recevoir. Alors, la phénoménologie est le lieu paradoxal de la réconciliation de l’intériorité et de l’extériorité, du fini et de l’infini, que la joie assemble dans leur infinie séparation, séparation qui se trouve in fine vaincue par la phénoménalité même. C’est une figure positive de ce qu’on peut appeler « psycho-théologie », c’est-à-dire la possibilité dialectique de l’accueil dans l’intériorité de l’infinie transcendance, malgré et dans la séparation. Or je voudrais poser à Chrétien la question suivante, à partir de Kant : n’y a-t-il pas, plus profondément dans la phénoménalité, une idée de Dieu plus ancienne, qui a toujours précédé la joie spacieuse, qui rend l’intériorité malade de son infinité et qui coupe l’intentionnalité à sa racine, qui soit de la non intentionnalité à la racine de l’intentionnalité, une pathologie où seule l’angoisse, avant la joie, peut répondre, et que Levinas, après Schelling, avait dû bien finir par entrevoir dans Autrement qu’être ? En objectant ainsi le traumatisme originaire et non intentionnel de l’idée de Dieu, au prix d’une spéculation difficile, je souhaite mettre au jour par contraste la dimension phénoménologique de la pensée de Chrétien, l’hymne à la joie qui la soutient et qui ne l’a fait jamais rompre, en fait, avec la doctrine husserlienne de l’intentionnalité."