Military Deployment Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
La mer Rouge revient sur le devant de la scène, comme artère stratégique du grand commerce mondial entre Méditerranée et océan indien, mais aussi comme interface entre la péninsule arabique et l'Afrique. Aux puissances ex-coloniales qui... more
La mer Rouge revient sur le devant de la scène, comme artère stratégique du grand commerce mondial entre Méditerranée et océan indien, mais aussi comme interface entre la péninsule arabique et l'Afrique. Aux puissances ex-coloniales qui se disputèrent son contrôle, verrouillé au nord par le canal de Suez et au sud par le détroit de Bab el Mandeb, viennent désormais s'ajouter les puissances régionales, engagées dans un jeu de go complexe où alliances et rivalités s'entremêlent et multiplient les risques de conflits. Le canal de Suez, un enjeu ou un atout ? Le canal de Suez, une des principales ressources de l'Egypte (environ 5 milliards de dollars par an), est l'objet de projets visant à accroître ses capacités. En un an, il a été approfondi et en partie doublé de manière à accélérer l'écoulement de son trafic. Il en est attendu des revenus passant à 12 milliards de dollars par an. Cet effort est complété par des projets de zones franches, de villes nouvelles, de ports sur le folfe de Suez, de tunnels et de ponts 1. La présence de François Hollande à l'inauguration du doublement du canal en août 2015 puis l'intérêt manifesté par la Russie à la création d'une zone industrielle, avaient pour toile de fond la préoccupation liée au terrorisme du mouvement « Province du Sinaï » lié à l'Etat islamique, dont les activités menacent l'activité touristique 2 mais aussi potentiellement le trafic du canal. Mais ces projets avancés dans l'urgence, sans étude de faisabilité ou de marché, et ne procédant pas d'engagements fermes, ne semblent pas se concrétiser : ils ne répondent en effet ni à une attente de l'économie mondiale, ni à une capacité égyptienne d'insertion gagnante dans l'économie-monde, par manque de qualification et de compétitivité. Le Sinaï, une terre promise ? Aux abords du canal de Suez, la presqu'île du Sinaï et le golfe d'Aqaba font également l'objet de projets d'aménagement de grande ampleur : le Sinaï, province excentrée et exogène de l'Égypte est entré en dissidence, à la fois au nord du fait de la proximité historique avec la bande de Gaza, et au sud de la colonisation du littoral par les implantations touristiques. L'Etat égyptien répond à ce mécontentement en annonçant de nouveaux projets de développement, similaires à ceux envisagés sur la rive orientale du détroit de Tiran : création de zones franches, à vocation touristique et « environnementale » principalement, et cession des deux îles de Tiran et Sanafir à l'entrée du golfe d'Aqaba. Celles-ci serviront de support à un pont maritime reliant l'Égypte à l'Arabie Saoudite, dont on perçoit mal la nécessité. L'ensemble de ces projets n'ont en eux-mêmes que peu d'incidence sur la stabilisation régionale, mais ils symbolisent l'amarrage de l'Egypte à l'Arabie Saoudite et son soutien au leadership saoudien sous la houlette américaine. Mais cette alliance ne prend toute sa dimension que si l'on y ajoute deux partenaires discrets : Israël et la Jordanie, qui envisagent la construction d'un chemin de fer reliant la Méditerranée à l'Arabie saoudite, qui scellera la coopération de ces acteurs dans la reconfiguration régionale à venir : une Sainte Alliance anti-chiite et anti-fondamentaliste sunnite pour aborder l'après-pétrole du Moyen-Orient, en écartant l'Iran et la Turquie. Mais ces projets sont néanmoins hasardeux, en ce qu'ils sont de nature à bousculer les sensibilités et les affinités, sans parler des intérêts, des peuples concernés... 3 1 https://en.wikipedia.org/wiki/Suez_Canal_Area_Development_Project