Mohawk Research Papers - Academia.edu (original) (raw)

La frontière renvoie à des espaces aux natures protéiformes au sein desquels circulent et s'enracinent des êtres dont les repères et référents sociaux, culturels et ontologiques sont bousculés, dont les identités sont constamment en proie... more

La frontière renvoie à des espaces aux natures protéiformes au sein desquels circulent et s'enracinent des êtres dont les repères et référents sociaux, culturels et ontologiques sont bousculés, dont les identités sont constamment en proie à des changements consécutifs à la rencontre avec l'Autre et le non-familier, à l'interaction avec des modes inédits de produire leurs assises dans le monde. Au coeur de cadres parfois tragiques et traumatiques, le regard ethno-anthropologique s'attache particulièrement à décrire et comprendre les constructions identitaires et les rapports qu'entretiennent les migrants avec eux-mêmes, leurs racines et les mondes qu'ils traversent. Cette journée d'étude a pour vocation d'éclairer par comparatisme les multiples dimensions humaines du vécu migratoire avec, en toile de fond épistémologique, la question de savoir dans quelle mesure l'exercice de l'ethnographie et de l'anthropologie de la mobilité peut conduire à une remise en perspective de la discipline.

PROGRAMME

8h00 : Accueil des participants
8h15 : café
8h30-9h00 : inauguration de la journée par Catherine DELCROIX et Hélène MICHEL
9h00 : Introduction scientifique de la matinée par Laurent MULLER, maître de conférences en sociologie, université de Strasbourg, DynamE (Dynamiques Européennes, UMR 7367)
9h15-10h15 :
Matthieu LOUIS, docteur en anthropologie sociale, attaché temporaire d'enseignement et de recherche, université de Strasbourg, DynamE (Dynamiques Européennes, UMR 7367)
« La frontière et le labyrinthe. Trajectoires géographiques et identitaires d’aventuriers du Burkina Faso »
Michel AGIER, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) et directeur d'études à l’EHESS, Laboratoire d’Anthropologie Urbanités et Mondialisation (LAUM-IIAC, UMR 8177)
« L'épreuve de la frontière. Vers un nouveau cosmopolitisme »
10h15-10h45 : débat
10h45-11h45 :
Roberto BENEDUCE, professeur d’anthropologie médicale et psychologique, université de Turin (Italie), Département Cultures politiques et sociétés (Turin), Imaf (Paris), CRESC (Rabat)
« “Les maux à mots” de l’asile. Le droit à exister des réfugiés : entre narrations précaires, violence bureaucratique et nouvelles figures de la mobilité »
Jacinthe MAZZOCCHETTI, professeur d'anthropologie, université catholique de Louvain (Belgique), LAAP (Laboratoire d’Anthropologie Prospective)
« Survivre et devenir dans les îles maltaises : pays-frontière aux contours étanches »
11h45-12h30 : débat
12h30-14h : pause déjeuner
14h-14h15 : Introduction scientifique de l’après-midi par Stéphane de TAPIA, géographe, directeur de recherche CNRS, université de Strasbourg, DynamE (Dynamiques Européennes, UMR 7367)
14h15-15h45 :
Lena INOWLOCKI, professeur de sociologie, Frankfurt University of Applied Sciences (Allemagne)
« Les migrants comme “autres” en Allemagne, ou comment la communication construit les frontières de l’altérité »
Bernard MOIZO, socio-anthropologue, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), directeur du GRED (Gouvernance, Risque, Environnement, Développement, UMR IRD & Université Paul Valéry-Montpellier 3)
« Déplacements et sédentarisations forcés, rupture territoriale et nouvelles identités : un exemple du nord-ouest de l’Australie »
Jean BAFFIE, anthropologue, chargé de recherche CNRS, Maison Asie et Pacifique
« Diasporas chinoises en Asie du Sud-Est : anciennes et nouvelles »
15h45-16h15 : débat
16h15-17h15 :
Olivier SERVAIS, professeur d’anthropologie, université Catholique de Louvain (Belgique), LAAP (Laboratoire d’Anthropologie Prospective)
« Frontières matérielles, frontières virtuelles, réflexion anthropologique à partir de trois ethnographies de terrains numériques »
Gilles GRIENENBERGER, docteur en anthropologie sociale, chargé de cours, université de Strasbourg, SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe, UMR 7363)
« Mobilité et abîme de soi chez les Mohawk de Kahnawake (Canada) »
17h15-17h45 : débat
17h45 : Conclusion de la journée

RESUME :
À l'heure où les frontières et les migrations humaines suscitent toutes les attentions médiatiques et politiques, nous souhaitons mener et communiquer une réflexion collective dépassionnée en conviant autour d’une table ronde des chercheurs dont les savoirs s’attachent particulièrement à décrire et à comprendre les productions identitaires inhérentes aux mobilités contemporaines.
Le déplacement humain est toujours, a minima, l’expérience d’une perte de repères : celui qui s’aventure dans l’Ailleurs, hors des limites de ses habitudes, de l’espace du connu, perd la maîtrise d’une rhétorique sociale et culturelle qui, ordinairement, lui permettait de s’ancrer au monde et d’assurer sa propre continuité dans le quotidien, temporalité familière et ritualisée, transparente à sa compréhension, où les codes de la relation à autrui allaient de soi.
L’Ailleurs, quant à lui, renvoie à un espace de l’incertitude identitaire, où de nouvelles relations au monde, à l’Autre et à soi-même sont à re-produire, à réinventer, à recréer. Comme l’écrit justement Fr. MICHEL, « voyager, c’est d’abord se risquer à l’altérité, à la nouveauté, à l’étrangeté, à l’inconnu, à l’incommensurabilité » . Par conséquent, dès lors que l’individu se trouve projeté hors de chez lui, transplanté dans la marge de ses assises sociales et culturelles, et ce quelles que soient les raisons initiales, il se confronte à des bouleversements anthropologiques, des énigmes de soi à résoudre, un projet de vie à définir.
La mobilité se déploie dans et au travers des territoires et de lieux de transit ou de fixation plus ou moins temporaire (tels les camps, les foyers, les ghettos, les « milieux d’aventuriers », etc.), parfois avec l’appui de réseaux translocaux et diasporiques qui escortent les trajectoires circulatoires. Cependant, si la migration – prise ici dans son acception la plus dépouillée, en tant que déplacement humain – est toujours affaire de mobilité spatiale, elle est également mouvement de l’identité.
En effet, balloté au sein de paysages sociaux et culturels inédits, le migrant entreprend toujours quelque part de s’ajuster à ses nouveaux contextes, à s’adapter en débrouillant les mystères d’un nouveau monde donné d’emblée comme obscur, opaque, inintelligible, un espace où ses référents primordiaux ne lui suffisent plus à se retrouver. L’altérité vécue catalyse de fait des transformations identitaires au cœur de situations qui, parce que caractérisées par l’incertitude et par des horizons plus ou moins ouverts, sont propices à des médiations créatrices d’identités individuelles et collectives inédites et originales. Ces dernières s’inscrivent au cœur de seuils qui représentent les lieux privilégiés de la rencontre des mondes et de l'élaboration de rapports dynamiques entre un Soi, un Nous et un Eux en ajustement permanent.
Nous retiendrons ici les acceptions anthropologiques énoncées par M. AGIER de la frontière qui qualifie « les lieux incertains, les temps incertains, les identités incertaines, ambiguës, incomplètes, optionnelles, les situations indéterminées, les situations d’entre-deux, les relations incertaines » et qui « dans ses formes élémentaires, est la rencontre entre un avant et un après (la frontière temporelle), entre un soi et un autre (la frontière du monde social et du sensible), et la relation entre un ici et un là-bas (la frontière des lieux) » .
En d’autres termes, de la pratique de la frontière, celle de l’interstice et de la marge anthropologique dont les dimensions empiriques sont souvent traumatiques voire tragiques, résultent des productions (poiésis) narratives de soi qui se développent consécutivement à la rencontre de l’Autre, à l’accroissement des termes culturels et sociaux du récit personnel et, par incidence, du champ du devenir. Saisir l’identité en mouvement (l’identité-ipse) et les multiples déclinaisons ethnographiques des situations de frontière surgit comme l’un des enjeux méthodologiques et épistémologiques centraux pour prétendre investir du regard ethno-anthropologique le champ de la mobilité. Et ce regard, ne serait-il pas au final celui le plus à même de décrire et de comprendre une condition humaine qui serait universelle à tous les êtres qui arpentent l’Ailleurs ?
En appréhendant le passage de frontières aux natures protéiformes ainsi que l’enracinement des êtres au sein de ces espaces incertains se dévoilent de nombreux champs de réflexion (autour de l’altérité, des représentations et des valeurs, des corps et des passions, des processus d’acculturation et de cosmopolitisation, de l’intégration, des politiques migratoires et de gestion des populations, du conflit, des parcours et des trajectoires biographiques, etc.) qui contribuent à éclairer les multiples dimensions anthropologiques de l’exercice de la mobilité et de la vie au sein des territoires de l’Ailleurs. Dès lors, cette journée d’échanges poursuit l’ambition de mettre en perspective et de comparer des expériences migratoires contemporaines, contraintes ou volontaires, à partir d’ethnographies situées en divers lieux de la planète (Europe, Afrique, Asie, Amérique, Océanie) en vue de contribuer à l’élargissement des savoirs sur les faits anthropologiques relatifs au paradigme migratoire.
Les actes de cette journée de communication scientifique seront mis en ligne et feront l’objet d’un travail éditorial finalisé par la publication d’un ouvrage collectif.

Mise en ligne en date du 25 mai 2017 : http://www.canalc2.tv/video/14579