Picasso Research Papers - Academia.edu (original) (raw)

La publication du Portrait de l'artiste en saltimbanque, de Jean Starobinski, a mis en lumière un thème cultivé par les artistes depuis le Romantisme : le saltimbanque sert à attaquer l'honorabilité bourgeoise, en même temps qu'il figure... more

La publication du Portrait de l'artiste en saltimbanque, de Jean Starobinski, a mis en lumière un thème cultivé par les artistes depuis le Romantisme : le saltimbanque sert à attaquer l'honorabilité bourgeoise, en même temps qu'il figure le double grimaçant du créateur. L'attention de Starobinski s'est surtout focalisée sur les arts plastiques. Mais un univers avait échappé à l'attention des critiques : c'est celui de la littérature et, plus précisément, du roman. Sa richesse égale sans aucun doute l'importance des témoignages iconographiques, qu'il accompagne et qu'il complète. Car les romanciers, souvent amis des peintres fascinés par le cirque, furent autant qu'eux sensibles à la magie de la piste. Comme l'indique l'exemple de Gustave Kahn et de Gustave Coquiot (les premiers admirateurs, respectivement, de Seurat et de Picasso), le regard des artistes et celui des écrivains se conjuguent au point d'apparaître souvent indissociables. Remettre en lumière les plus beaux de ces romans revient donc à restaurer l'ensemble d'une sensibilité esthétique, qui connut son apogée entre la proclamation de la Troisième République et la Première Guerre mondiale. Depuis le Romantisme, les poètes affirment leur prédilection pour les saltimbanques, en qui ils reconnaissent leur double : Banville, Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Laforgue, Apollinaire, hantent les cirques et les fêtes foraines. Mais c'est entre les deux guerres de 1870 et 1914 que le cirque, comme tous les lieux de plaisir, devient un véritable objet de fiction.
Ce volume restaure l'ensemble d'une sensibilité esthétique : celle qui régna au début de la Troisième République, encore fiévreuse du désastre de Sedan et décidée à s'étourdir, dans Paris vaincu mais qui reste la capitale du cirque. Toutes les écoles littéraires se donnent rendez-vous autour de la piste pour encenser une représentation qui ne ressemble à aucune autre, et surtout pas au théâtre : entraînés par les déclarations de Théophile Gautier, des frères Goncourt, de Barbey d'Aurevilly, de Zola, de Mallarmé, les écrivains glorifient l'authenticité du cirque, ce lieu où les acteurs ne trichent pas et où la médiocrité se solde par la mort.
L'ouvrage est précédé d'une longue introduction sur la présence du cirque dans la littérature depuis le Romantisme, suivie d'une chronologie mettant en rapport, année par année de 1870 à 1914, les principaux événements du cirque avec les événements historiques et artistiques. Chaque roman est entièrement annoté et précédé d'une analyse spécifique. L'ouvrage comprend un index des noms de personnes.