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Ibn Khaldûn ou Ibn Khaldoun (1332-1406)1 est un savant à la dimension universelle et un des auteurs les plus importants relevant du patrimoine intellectuel de l'humanité. Six siècles après sa mort, il demeure plus que jamais d'actualité... more

Ibn Khaldûn ou Ibn Khaldoun (1332-1406)1 est un savant à la dimension universelle et un des auteurs les plus importants relevant du patrimoine intellectuel de l'humanité. Six siècles après sa mort, il demeure plus que jamais d'actualité dans le domaine des sciences sociales. Auteur d'un immense livre de l'histoire universelle (le livre des Exemples) elle-même précédée d'une introduction, la Muqaddima où il expose sa philosophie de l'histoire et ses théories politiques, sociales et anthropologiques. Il y propose une extrêmement riche théorie de l’histoire, de la politique, de la société et de la civilisation humaine dans cette oeuvre monumentale qui dépasse même la notoriété propre du Livre des Exemples.

En tant que fondateur d'une discipline scientifique dans la Muqaddima appelée “société et civilisation humaine”, Ibn Khaldûn a conceptualisé une série de phénomènes universels qu'il a observés attentivement dans le domaine social, politique, juridique et a fait preuve de beaucoup de soin et de minutie en utilisant ces concepts de manière cohérente en exposant ses théories. La Muqaddima, qui est quasi une véritable encyclopédie des sciences sociales, est un trésor scientifique qui peut être une source pour les dimensions théoriques et pratiques de la société, de l'État et du droit dont l'humanité a tant besoin aujourd'hui. En tant que juriste expert en théorie de l’État et en droits de l’homme, mon attention pendant mes lectures de la Muqaddima a été notamment attirée par l'actualité de ses théories qui concernent la science politique et le droit public.

On peut parler à travers le monde d'un degré élevé de reconnaissance et d'admiration de l'oeuvre d'Ibn Khaldûn par les historiens, juristes, sociologues, politologues et anthropologues, etc. Pendant ma recherche, j’ai observé combien ses analyses si modernes de la société et de la civilisation pouvaient fasciner nombre de ses lecteurs. Les qualifications telles que le génie de la science sociale, le fondateur de la sociologie, le père de l'économie moderne, un brillant penseur, le penseur de la société et de la civilisation, etc. démontrent l'admiration que des académiciens et des chercheurs des différentes disciplines éprouvaient à son endroit. Mais à y regarder de plus près, on se rend compte qu'Ibn Khaldûn n'a pas été intégré à la place qu’il méritait par les universités de ce monde dans l'enseignement des sciences sociales. Il n'existe malheureusement pas de stratégies et de politiques conçues à partir de l'oeuvre d'Ibn Khaldûn, dans les domaines politiques et juridiques.

Comme Ibn Khaldûn toujours actuel et vivant, le fait de l'État, également, ne cesse d'être d'actualité. Ses concepts et théories fournissent des clés pour saisir le monde actuel. C’est la raison pour laquelle j’ai pensé qu’il est le temps approprié pour traiter l’État du perspectif de ce penseur de renom. Parce que notre penseur aux multiples facettes saisit et décrit la totalité du phénomène de l’État. En effet, l’élément central de la théorie de la société et de la civilisation de notre penseur est l'État comme réalité sociale par excellence.

L’État est généralement considéré, à tort, comme une création des sociétés occidentales. L’oeuvre d’Ibn Khaldûn, démontre l’ancienneté et l’universalité de l’État et il peut constituer une contribution innovante à la théorie de l’État.

À mon avis, le fait qu'il fût un penseur d'une période pandémique et qu’il attirât l'attention sur les effets dévastateurs qu’une pandémie mondiale peut provoquer sur les sociétés, les États et la civilisation humaine en général devrait le rendre plus important encore que les autres penseurs politiques universels de l’histoire.

Il me paraît que l'une des causes essentielles de cette négligence relève de l’insuffisance de traductions de sa Muqaddima en français et en d'autres langues pour refléter à sa juste mesure le contenu exact et technique des concepts fondamentaux de l'auteur. C'est la raison pour laquelle j’ai utilisé une méthode inédite dans ce travail. Avant toute chose, j’ai défini les concepts fondamentaux du domaine de travail, s’agissant notamment de ceux de la théorie de l'État et de la science politique. Par la suite, j’ai recherché les termes employés dans les trois traductions existantes en français ainsi que dans les oeuvres et articles correspondants. Enfin, j ai choisi ma propre traduction en prenant en compte le texte originel en Arabe et en utilisant cette terminologie tout à long du travail de manière permanente et cohérente.

Le résultat m’a paru plus satisfaisant pour mieux comprendre les théories politiques et d'État de notre penseur. J’ai voulu quand même à partager cette approche notamment avec les chercheurs des autres sciences sociales intéressés par la pensée d'Ibn Khaldûn pour profiter davantage de l’immense océan de son savoir et de ses riches théories. Ils peuvent adopter cette méthode pour leur propre domaine.

Permettez-moi enfin de m'acquitter de ma dette de remerciement à l'égard de mon collègue Alain Grellet, magistrat de liaison français, pour sa lecture du texte de mon projet de livre et pour m’avoir fait de précieuses recommandations.

Je souhaite vivement voir ce modeste travail pouvoir en susciter d’autres tout en encourageant la connaissance directe de la Muqaddima par un large public.