Roman Rota Research Papers - Academia.edu (original) (raw)
Si les séparations devant les cours ecclésiastiques ont déjà suscité des travaux pour la période moderne, l’intervention des juridictions romaines est moins connue, sinon par quelques travaux (Gabriella Zarri, « Le mariage tridentin. Les... more
Si les séparations devant les cours ecclésiastiques ont déjà suscité des travaux pour la période moderne, l’intervention des juridictions romaines est moins connue, sinon par quelques travaux (Gabriella Zarri, « Le mariage tridentin. Les doutes des évêques et la Sacré Congrégation du concile » in Cl. Gauvard, A. Stella (dir.), Couples en justice, 2013, p. 99-122, ou encore Simona Feci, « Cause matrimoniali nella documentazione del tribunale della Sacra Rota Romana (secolo XVII) », Annali dell’Istituto storico-germanico in Trento, XXXI, 2005, pp. 189-224). Mes sources sont les décisions des auditeurs de la Rote et les positiones causarum, ainsi que la documentation extérieure à la Rote et permettant d’éclairer le procès.
Je propose d’approfondir deux cas de demande de nullité de mariage présentés devant la Rote romaine, tous deux concernant des femmes de l’aristocratie espagnole sous Philippe II : doña Luisa de Cárdenas Carrillo y Albornoz, mariée à Diego de Silva y Mendoza, fils cadet de la princesse et du prince d’Eboli ; et doña Antonia de Portocarrero y Cárdenas, mariée à don Felipe de Guzman y Aragon, fils du 7e duc de Medina Sidonia. Ces femmes ont un lien à travers leurs maris, la mère de Felipe de Aragon étant la sœur du duc de Francavilla.
J’envisagerai ces procès sous l’angle de la stratégie judiciaire des acteurs. Dans le cas de Luisa de Cardenas, c’est le mari qui tente de discréditer la Rote, considérant que l'auditeur Seraphin Olivier-Razali rapporteur de la cause, lui est contraire parce qu'il est proche du roi de France. Doña Antonia de Portocarrero, elle, demande d’abord l’annulation du mariage pour motif d’impuissance de son mari, puis change de tactique et allègue les menaces de son père, ce qui lui permet de décharger la responsabilité de sa belle-famille. Ces stratégies permettent de mesurer l’ampleur de ce qui était en jeu dans ces demandes d’annulation, sur le plan matériel naturellement (ces deux femmes étant des héritières de la fortune paternelle, l’annulation du mariage signifie, pour la famille du mari, la perte de terres et de revenus considérables) mais peut-être encore plus au niveau symbolique : l’honneur et la réputation du mari et de sa famille.