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"L’étude du lien qu’entretient la pratique rhétorique de Bossuet prédicateur avec la « rhétorique des peintures » euphorique et efflorescente étudiée, notamment, par Marc Fumaroli, invite à s’interroger sur la dette de Bossuet à l’égard... more

"L’étude du lien qu’entretient la pratique rhétorique de Bossuet prédicateur avec la « rhétorique des peintures » euphorique et efflorescente étudiée, notamment, par Marc Fumaroli, invite à s’interroger sur la dette de Bossuet à l’égard des rhétoriques jésuites de son temps. Or celle-ci s’avère éminemment problématique ; de fait, la prédication de Bossuet conjoint certes de multiples traits formels relevant de cette « rhétorique des peintures », mais elle ne paraît pas portée par le souffle confiant qui accompagne celle-ci chez la plupart des auteurs jésuites. C’est de cet héritage complexe qu’il est ici question, non pour proposer une étude de cas isolée, mais parce que l’exemple de Bossuet, à la fois enclin à une rhétorique spectaculaire et contempteur très augustinien des sens, aussi prompt à émailler ses textes de maintes figures qu’à revendiquer une anti-rhétorique et à louer la raison en des termes parfois fort cartésiens, concentre en lui-même des traits fort éclairants pour l’étude rhétorique de l’âge classique en France. Son exemple permet en particulier de reconsidérer le rapport qui s’établit entre ces entités hautement problématiques que sont le baroque et le classicisme, ou, si l’on préfère éviter ces notions et s’en tenir à une terminologie moins problématique, entre la rhétorique jésuite romaine (à supposer qu'elle soit unifiée) et une rhétorique d’inspiration plus augustinienne.
Contre la diversitas – fût-elle, en dernière instance, ordonnée au retour vers l’Un –, la prédication de Bossuet obéit à un mouvement centripète. Contre l’efflorescence de formes et de thèmes, elle vise le resserrement de tout l’être, rassemblé et tendu vers la vérité dans son unicité. Contre l’émerveillement euphorique devant la Création, elle met en scène la méditation douloureuse. Contre l’accès médiat au Créateur, elle met en place les conditions censées favoriser le retour à un accès immédiat au vrai. De la rhétorique des peintures, Bossuet, décidément, ne conserve que les traits formels. La temporalité qui est la sienne, à l’échelle cosmique comme à l’échelle individuelle, n’est pas celle de l’expansion, de la floraison, mais celle, augustinienne, de l’irrémédiable corruption. La rhétorique des peintures (s’il s’agit encore d’elle) que pratique Bossuet, loin d’accompagner le mouvement d’éclosion perpétuel de la Création, tente de prendre à rebours l’éloignement du vrai qui peu à peu gagne tout homme : l’univers de Bossuet est moins celui, plein et continu, du mouvement perpétuel d’Aristote, que celui des Idées platoniciennes et du pessimisme augustinien. Augustiniser une rhétorique jésuite : tel n’est pas le moindre des défis que se lance la prédication de Bossuet.

Exploring the relationship between Bossuet’s preaching rhetorical practice and the euphoric and efflorescent “rhetoric of paintings” highlighted by Marc Fumaroli is an invitation to scrutinize Bossuet’s debt to the Jesuit rhetorics of his time. This proves to be a very complex question. Indeed, Bossuet’s preaching shares many formal features with this “rhetoric of paintings”. However, it is not animated by the confident spirit which many Jesuit authors associate with it. This article thus deals with this complex heritage – not as an isolated case study, but because, Bossuet’s example condenses two major aspects of the Early modern French rhetoric. On the one hand, the combination of a very spectacular rhetoric and a very Augustinian suspicion towards the senses. And on the other, the tendency to use many figures of speeches while claiming, sometimes in very Cartesian terms, the rejection of rhetoric and the sole legitimacy of reason. Bossuet’s example thus offers an opportunity to revisit the link between two highly problematic notions, i.e. baroque and classicism – or between a Jesuit Roman rhetoric (if such a unified rhetoric exists) and a rhetoric more inspired by Augustinianism.
Against the diversitas – be it eventually turned back towards the One –, Bossuet’s preaching obeys a centripetal force. Against the efflorescence of forms and topics, it aims to gather the whole self and to orientate it towards the unique truth. Against the euphoric wonder at Creation, it stages a painful meditation. Against the mediated access to the Creator, it implements conditions supposed to encourage an immediate access to truth. In fact, Bossuet only keeps the formal features of the “rhetoric of paintings”. His concept of time, whether at a cosmic or individual level, is not time as expansion or flowering, but, in a more Augustinian way, time as irremediable corruption. The “rhetoric of paintings” (if it still deserves this name) Bossuet practices, far from accompanying the perpetual blooming of Creation, tries to fight the alienation from truth every man gradually experiments. Bossuet’s world is linked to Plato’s Ideas and to Augustine’s pessimism – far from Aristotle’s full and continuous universe and its perpetual movement. To “augustinianize” a Jesuit rhetoric therefore appears as one of Bossuet’s preaching’s challenges."