Siglo de Oro Research Papers (original) (raw)
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La dénomination même de « Siècle d'or », bien que controversée et soumise à caution depuis son émergence, désigne le XVI e et/ou le XVII e siècle comme l'âge d'or de la nation espagnole, celui de l'unification territoriale et religieuse, de la conquête américaine, de l'hégémonie militaire en Europe et du rayonnement culturel des lettres et des arts. Cet âge fondateur a cependant été l'objet, dès la fin du XVII e siècle, d'efforts de propagande contradictoires. Les uns, depuis l'étranger, ont donné naissance à la légende noire d'après laquelle l'Espagne renaissante et baroque incarnait obscurantisme et barbarie sanguinaire sur son territoire et dans ses colonies, sous l'impulsion de monarques monstrueux. Les autres, émanant bien souvent de proches de la monarchie et des secteurs catholiques, ont forgé la légende rose inverse, qui le consacre comme le moment culminant d'une histoire nationale unitaire faisant par la suite l'expérience d'un très long moment de décadence jusqu'à la reprise du pouvoir par Franco. À l'époque contemporaine, la relation des Espagnols à ces siècles est complexe et fluctuante, oscillant fréquemment entre fascination et répulsion pour tel ou tel aspect de cette époque, consacrant l'un ou l'autre de ses artistes selon les valeurs propres au contexte historique et aux engagements idéologiques et/ou artistiques de chacun. Je souhaite proposer une présentation panoramique de quelques grands moments d'interprétation de cette période clé de l'histoire nationale dans l'Histoire des idées du XIX e siècle à nos jours, en cherchant, d'une part, à identifier la présence et l'évolution des différents « lieux de la mémoire collective » 1 au cours du temps et en tentant, d'autre part, de montrer la difficulté à articuler les jugements de valeur portant sur le culturel et ceux portant sur le politique. Avant tout, je voudrais rappeler toute l'importance qu'il faut accorder aux questions de terminologie et de périodisation dans lesquelles se niche l'idéologie. En effet, la lente élaboration du concept de Siècle d'or ne s'est évidemment pas faite sans qu'elle entre en concurrence avec d'autres appellations, soit pour des impératifs de périodisation plus fine — les plus fréquentes, de nos jours, sont l'usage de « Renaissance » pour désigner le XVI e siècle espagnol et celui de « Baroque » pour le XVII e siècle —, soit pour des raisons de conception ou de définition de la ou des périodes retenues — l'Âge Moderne, l'Humanisme, l'Érasmisme, la Contre-Réforme, le Maniérisme,... 1 Je fais ici référence aux « lieux topographiques, monumentaux, symboliques, fonctionnels » tel que les définit Pierre Nora dans « Entre mémoire et Histoire. La problématique des lieux » (Les lieux de mémoire I, La République, Paris, Gallimard, 1984).