Mort de Dalida : le 3 mai 1987, la chanteuse se suicide (original) (raw)

La dépeignant comme une chanteuse aux « rengaines faciles et paroles souvent indigentes » qui, sur scène, « utilisait trop généreusement le play-back », mais aussi actrice « digne et émouvante dans le Sixième Jour », Jean-Luc Macia livrait aux lecteurs de la Croix, le 5 mai 1987, un portrait en demi-teinte de la star qui venait de « tirer sa révérence, 13 ans avant l’an 2000, année visée par elle pour ses adieux ».

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Dalida, le stress derrière le strass (La Croix du 5 mai 1987)

Par Jean-Luc Macia

Yolande Gigliotti, venue d’Égypte, avait connu le succès il y a trente ans avec « Bambino ». Depuis elle avait accumulé les tubes, les drames, les expériences pseudo-philosophiques. Elle vient de tirer sa révérence brusquement à 54 ans, 13 ans avant l’an 2000, année visée par elle pour ses adieux.

« La vie m’est insupportable, pardonnez-moi. » C’est après avoir écrit ce message pathétique, probablement samedi soir, que Dalida absorbait une dose massive de barbituriques. On devait découvrir dimanche après-midi le corps de la chanteuse dans son appartement de la rue d’Orchampt à Montmartre.

Dalida avait déjà tenté une première fois de se suicider il y a vingt ans, également un week-end, dans une période particulièrement noire de sa vie : son ami, le chanteur Luigi Tenco, s’était tiré une balle dans la tête quelques jours plus tôt.

Une tournée triomphale en Turquie

Cette fois rien de semblable : elle rentrait d’une tournée triomphale en Turquie, ses vrais débuts au cinéma avaient été, il y a quelques mois accueillis avec force louanges et la chanteuse ne manquait pas de projets, dont Cléopâtre, un opéra-rock sur lequel elle travaillait activement. Saura-t-on jamais ce qui a provoqué cette nouvelle fêlure, irrémédiable ?

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Depuis trente ans, elle faisait partie du Paf (paysage audiovisuel français), Dalida, et son succès n’était pas cantonné à l’Hexagone. Fille d’immigrants italiens en Égypte, Yolande Gigliotti avait été élue en 1954 Miss de son pays d’adoption. Doublure de Joan Collins dans la Terre des pharaons, le film d’Howard Hawks, où elle croisa un autre figurant promis à un avenir d’importance, Omar Sharif, elle tint ensuite un rôle dans un film qui n’a pas laissé grande trace, le Masque de Toutankhamon d’un certain Marco de Gastyne. Elle ne devait revenir au cinéma que trente-deux ans plus tard.

Édition spéciale du journal télévisé d’Antenne 2 consacré à la mort de Dalida, le 4 mai 1987.

C’est qu’entre-temps, elle s’était installée en France, devint chanteuse et connut de suite un immense succès avec son enregistrement de Bambino, adapté d’un tube italien.

Épaulée par Lucien Morisse, dont elle fut l’épouse pendant six ans, et par Bruno Coquatrix, Dalida devait enchaîner les succès les uns après les autres : rengaines faciles, vite teintées des premiers accents du yéyé, paroles souvent indigentes, sauf quand, elle interprétait Brel (Quand on n’a que l’amour) ou Ferré. Qui se souviendra de stupidités comme Gondolier, Ciao Ciao Bambina ou Chauds les marrons ? Elle symbolisait alors à la fois la chanteuse à accent et la midinette qui avait réussi.

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Commença, au milieu des années 60, la fameuse période noire de sa vie : divorce d’avec Lucien Morisse, triste aventure avec Luigi Tenco, suicide raté, amours tumultueuses avec le faux comte, et vrai escroc, Richard Chamfray. Dalida va alors réagir de deux manières. Sur le plan du spectacle, en se donnant un nouveau rôle de meneuse de revues, à grands renforts de strass, où elle jouait à merveille de ses longues jambes, mais qui lui valut quelques tristes polémiques (une affiche malheureuse pour un spectacle au Palais des Sport), puis la révélation que sur scène la chanteuse utilisait trop généreusement le play-back.

Parallèlement, avec une vie privée déchirée, disait-elle, par les journaux à scandale ; elle se rabattit sur la psychanalyse, puis sur une bouillie pseudo-philosophique où Kant et Teilhard de Chardin voisinaient avec l’astrologie. Était-elle suffisamment solide pour effectuer, ainsi qu’elle l’avait avoué, « le plus beau voyage qu’un être humain puisse faire : au bout de lui-même » ?

Un soutien à la candidature de François Mitterrand en 1981

Pourtant ses disques continuaient de se vendre, on la voyait encore à la télévision, son engagement derrière la candidature de François Mitterrand en 1981 fit beaucoup parler elle. Et surtout sa composition de « mamma » égyptienne, digne et émouvante dans le Sixième Jour de Youssef Chahine, fut saluée unanimement comme une réussite et comme le début possible d’une nouvelle carrière sur les plateaux de cinéma.

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Dans une interview récente, elle avait, promis de ne faire ses adieux qu’en l’an 2000. Dans l’une de ses dernières chansons, elle souhaitait mourir sur scène. Promesse et espoir de cenvention ? Ou bien vertiges devant l’artifice d’une carrière qui, au fond, ne devait guère satisfaire cette intelligente ? « Ce qui recule l’âge à l’infini, devait-elle dire un jour, c’est le désir permanent de réussir. » Dalida n’a pas attendu l’an 2000 pour tirer sa révérence, elle n’est pas morte sur scène et son âge a cessé de reculer. Cia, ciao bambina.

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