Université de Sherbrooke : des cours dans des églises et en plein air (original) (raw)
(Sherbrooke) Ce ne sont pas toutes les universités qui tiennent leur session d’automne à distance. Depuis lundi, 60 % des cours sont donnés en présence des étudiants à l’Université de Sherbrooke (UdeS). Parfois dehors, parfois dans des églises.
C’est le double, ou plus, du pourcentage de présentiel dans les autres grandes universités : 25 % à Concordia, autour de 30 % à l’UQAM, à l’Université de Montréal et à l’Université Laval. À McGill, la plupart des cours se donnent à distance.
Quelle est la recette de l’établissement sherbrookois ?
Pour commencer, il a eu l’idée d’éclater le campus, soit en encourageant les cours à l’extérieur, soit en louant des espaces hors campus, comme la chapelle des Petites Sœurs de la Sainte-Famille. « Je suis gâtée. Imaginez : je pourrais être dans un gymnase, je suis dans une chapelle ! », lance la professeure en politique appliquée Catherine Côté, devant ses étudiants assis à leur bureau dans cette salle de classe qui ne ressemble à aucune autre.
Je m’ennuyais des étudiants, de les voir pour vrai. La fonction d’enseignant, c’est d’avoir un lien, de pouvoir parler, de voir les réactions des gens.
Catherine Côté, professeure en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke
La chapelle, avec son haut plafond jaune et turquoise, est l’un des cinq sites qui s’ajoutent au campus de l’UdeS cet automne pour offrir un enseignement en personne au plus grand nombre, malgré la pandémie et son lot de mesures sociosanitaires. Il y a aussi des classes dans la cathédrale Saint-Michel, l’église Marie-Médiatrice, l’église Saint-Boniface et l’ancien immeuble du quotidien La Tribune.
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La chapelle est l’un des cinq sites hors campus loués par l’Université de Sherbrooke.
Mais ce qui est encore plus inusité, c’est les cours à l’extérieur. Inutile de préciser que ce ne sera pas possible au cœur de l’hiver, mais seulement en septembre et octobre, quand la météo est favorable. L’important, c’est que cela va permettre d’amorcer la session de bonne façon en créant des liens et un sentiment d’appartenance.
L’école dehors
« Il se passe quelque chose en présence qu’on peut plus difficilement créer à distance, explique la vice-rectrice aux études, Christine Hudon. Donc, on se dit que ces premières semaines où on va avoir eu ces interactions pour les gens qui sont à distance, ça va permettre de tisser des liens, d’apprendre à se connaître et de développer un sentiment d’appartenance. »
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Christine Hudon, vice-rectrice aux études de l’Université de Sherbrooke
Cette idée de faire l’école dehors ne date pas d’hier. À l’UdeS, des professeurs et des chargés de cours le faisaient déjà, de façon un peu spontanée.
« La grande différence, c’est qu’on a fait les fiches, qu’on a mis du WiFi et qu’on a équipé le personnel pour certains sites de micros », énumère Mme Hudon.
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Des étudiants suivent un cours dehors dans l’une des 11 classes extérieures aménagées en prévision de la session d’automne.
Spécialiste de la pédagogie en plein air, le professeur Jean-Philippe Ayotte-Beaudet a mis la main à la pâte.
« C’est quand même assez excitant pour nous parce que ça fait presque quatre mois qu’on prépare les classes extérieures, dit-il en pleine rentrée. Il y a trois mois et demi, c’était un projet fou d’avoir des classes extérieures sur le campus en contexte de pandémie. Ça fait longtemps qu’on attend ce moment-là. »
Ces classes extérieures sont-elles là pour de bon ?
« Très certainement », assure la vice-rectrice.
La pédagogie en plein air, c’est de plus en plus populaire dans les écoles primaires et secondaires. À l’université, ça se faisait moins. On veut documenter les effets des cours à l’extérieur, on veut interroger les étudiants et le personnel enseignant qui en aura fait l’expérience pour voir ce qui fonctionne bien et ce qui mérite moins d’être essayé à l’extérieur.
Christine Hudon, vice-rectrice aux études de l’Université de Sherbrooke
« Les deux guides qu’on a développés, on les a mis en accès libre, donc les autres universités et les cégeps peuvent les reprendre, les remanier, les mettre à leur main, c’est là pour circuler », ajoute la vice-rectrice.
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Des étudiants suivent un cours en plein air.
La pandémie n’aura donc pas eu que du mauvais. « Elle a vraiment permis à la pédagogie en plein air de s’imposer comme une des solutions dans le domaine de l’éducation », se réjouit Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, de la faculté d’éducation.
11 sites extérieurs
En tout, l’UdeS a identifié 11 sites sur le campus où des classes peuvent se donner dehors, certaines déjà plus courues que d’autres. La plus grande, baptisée Le théâtre, avec ses bancs en pierre naturelle sur différents paliers, peut accueillir 100 étudiants. La plus petite ? Seize. La capacité totale de toutes ces classes est de 500.
Les enseignants peuvent les réserver sur une base volontaire. Cela permet à des cours prévus en ligne de se donner dehors et à des cours en classe de déménager à l’extérieur. « Il y a toujours un plan B, soit que le cours se donne à distance ou dans une classe », précise Christine Hudon.
Il existe plusieurs types de classes extérieures : des espaces à ciel ouvert, certains aménagés, des classes sous préau et d’autres sous chapiteau, portant des noms comme L’ingénieuse, La balconnière, La musicienne, La stagiaire ou La brindille.
La vie sociale
« Je voulais avoir un peu d’expérience de vie sociale avec les autres », dit Méliane Castilloux, 20 ans, étudiante de première année au baccalauréat en enseignement de l’anglais, croisée sur le campus.
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Méliane Castilloux, 20 ans, entame son baccalauréat en enseignement de l’anglais.
Je ne connaissais personne dans mon programme. C’est sûr que ça va m’aider d’avoir des cours avec eux et de ne pas être toute seule chez moi.
Méliane Castilloux, étudiante de première année au baccalauréat en enseignement de l’anglais
Alice Parent, 25 ans, étudiante de deuxième année en médecine, apprécie le grand nombre de cours offerts sur le campus. « On a beaucoup de cours pratiques où on a besoin d’être en présentiel », souligne-t-elle.
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Alice Parent
D’autres universités regardent ce que fait l’UdeS, notamment en Montérégie, en Estrie et à Québec.
À Montréal, l’Université Concordia compte offrir quelques cours à l’extérieur cette session.
« Des terrains sur chacun des campus (Loyola et Sir George Williams) comportent maintenant des cercles de distanciation sociale permettant à des groupes ou des classes de poursuivre des activités à l’extérieur tout en respectant une distance de deux mètres », précise la porte-parole Fiona Downey.
L’UQAM a également mis sur pied des initiatives en design et en danse.
« Dans le cas de l’École de design comme dans celui du département de danse, il s’agit d’accentuer et de renforcer, en raison de la pandémie, les projets “in situ” qui sont menés de manière habituelle », nous a écrit Jenny Desrochers, directrice des relations avec la presse.
De son côté, l’Université de Montréal n’a prévu aucun cours à l’extérieur. L’Université Laval a envisagé de le faire, mais n’est pas allée de l’avant. « Ce n’était pas possible de réserver aussi un espace intérieur pour que les étudiants puissent se réfugier en cas de mauvais temps », explique le porte-parole Simon La Terreur.
Il faut dire que l’UdeS, qui compte 30 000 étudiants, dont 16 000 à Sherbrooke, dispose d’avantages sur ces autres universités : des classes plus petites de 100 étudiants maximum, et donc plus faciles à relocaliser, et un très vaste campus, moins limité par les contraintes urbaines.
Mais aussi, peut-être, un autre ingrédient : l’innovation et la volonté.
Clinique de dépistage sur place
Une clinique de dépistage de la COVID-19 est ouverte depuis lundi dernier à l’UdeS pour permettre aux étudiants et aux membres du personnel de se faire tester. Aménagée dans le local d’une résidence étudiante, elle est accessible sur rendez-vous tous les matins de la semaine. « Il n’y a pas de risque zéro, mais on a travaillé très fort pour s’assurer que ce soit sécuritaire, affirme la vice-rectrice aux études, Christine Hudon. Dans l’ensemble, les gens respectent les consignes. Des fois, il faut les rappeler, mais on a des escouades et des brigades. »
Pas d’initiations, mais…
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Les étudiants de la faculté de génie ont eu droit à des activités d’intégration.
Pandémie oblige, l’établissement sherbrookois ne permet pas d’organiser des initiations sur le campus. Mais mardi, lors du passage de La Presse, des étudiants de la faculté de génie, maquillés et costumés, accueillaient les nouveaux au son de la musique, en leur remettant des objets promotionnels, un chandail et des condoms. « En génie, le programme est fait pour qu’on travaille ensemble pour mieux apprendre. Le fait d’avoir la moitié en présentiel, ça permet de se voir, de garder une vie sociale et de s’entraider dans les cours », explique Éloïse Marchal, 20 ans, étudiante en génie informatique.