Festival Classica: puissant «Titus» (original) (raw)
Le Festival Classica, qui a débuté depuis une semaine à Saint-Lambert, affichait dimanche l’ultime opéra de Mozart, La clemenza di Tito, un tour de force servi par une distribution remarquable.
On avait fini par penser que présenter un opéra à Montréal, ou dans les environs, en temps pandémique était chose illusoire ou impossible. Le Festival Classica a relevé le défi et sauvé l’honneur de la métropole en matière lyrique avec un grand opéra de Mozart en version mise en espace, comme Le barbier de Séville de Rossini de l’Opéra de Québec (ce dernier sans public) il y a une semaine.
L’opéra en concert était, dans les derniers mois, la formule qui s’imposait, en vain, à ceux qui avaient pouvoir et mandat de continuer à nourrir les amateurs, à faire vivre nos chanteurs, à mobiliser ces derniers autour de projets et à entretenir ainsi leur moral et leurs voix.
En forme
La pratique musicale de haut niveau nécessitant entraînement et « compétitions », il y a de quoi redouter l’après-pandémie pour de nombreux chanteurs. Les prestations que nous avons entendues jusqu’ici lors de webdiffusions sont pourtant majoritairement excellentes. Il en a été ainsi dimanche à Saint-Lambert, où nous avons retrouvé les voix des solistes de cette production comme nous les avions en mémoire.
Deux rôles masculins (Sesto et Annio) étant travestis, La clémence de Titus requiert un plateau féminin équilibré. Non seulement il l’était, mais il avait aussi une étonnante puissance, Sophie Naubert faisant (presque) le poids face à Florence Bourget, décidément admirable (on l’a déjà dit dans Mahler), alors qu’Anna-Sophie Neher se montrait éclatante aux côtés d’une Karina Gauvin en grande forme dans le rôle de la méchante. Tout cela avait beaucoup d’abattage. AntonioFigueroa, ayant gagné en étoffe, mise sur les atouts de son beau timbre et devient crédible en Titus, Marc Boucher assumant bien le rôle de Publio, sorte de policier du régime.
Le remplacement des récitatifs par une narration en français (Thomas Lussier, volubile et spirituel, qui résume l’action et le contenu des airs) est un choix pragmatique intéressant : les récitatifs de Süssmayr n’ont rien de chefs-d’œuvre, et cela permet au public de suivre sans programme ni surtitres. Mais les rares « récitatifs accompagnés » sont de Mozart, et le « Quelle horreur, quelle trahison » à l’acte II, face-à-face capital de Titus avec lui-même, fait les frais du traitement, alors que celui, de même acabit, de Vitelia avant « Non piu di fiori » est maintenu.
La mise en espace se résume simplement à forcer la présence, logique, d’un protagoniste muet quand un autre s’adresse à lui. Mathieu Lussier et Arion ont bien fait les choses. Ce projet était possible, car l’instrumentation de La clémence est plus modeste que d’autres. Excellent choix, excellente réalisation. Il suffit d’avoir des idées et d’oser !