Prostitution dans le Centre-Sud de Montréal - Le groupe Stella n'apprécie pas les opérations policières (original) (raw)
Un redécoupage du Centre-Sud en zones désignées pour les prostituées de rue, où les policiers «n'achalent plus personne»: le groupe communautaire Stella réclame encore la décriminalisation des «métiers du sexe», quitte à y aller trottoir par trottoir.
Contrairement à ce qu'affirmait récemment le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le groupe d'aide aux prostituées est férocement opposé aux opérations clients qui sont menées depuis deux ans dans le Centre-Sud. Plutôt que de cibler les vendeuses de sexe, les policiers arrêtent les acheteurs. Le SPVM se targue d'un taux de succès parfait. Aucun des 198 clients mis en accusation l'an dernier n'a remis les pieds dans le quartier.
Selon Claire Thiboutot, directrice de Stella, ces opérations plongent (sans jeux de mots) les prostituées dans un cercle vicieux. Elles fuient les rues achalandées, se replient sur les ruelles et les cours privées pour satisfaire aux besoins pressants de leurs clients. Elles alimentent ce faisant la colère des citoyens. La rareté des clients les pousse à sauter sur le premier venu, au risque de tomber sur un prédateur sexuel. «Les femmes s'isolent et se rendent plus vulnérables en raison des opérations clients», affirme la directrice de Stella, un organisme qui vient en aide à environ 450 prostituées sur une base régulière.
Mme Thiboutot réclame plutôt la création de zones de travail: un coin de rue ici, un bout de trottoir là dans tous les quartiers où la prostitution de rue est déjà enracinée. «On parle d'une réelle acceptation [du fait] que des personnes font de la prostitution, dit-elle. C'est une solution temporaire en attendant la décriminalisation.»
La suggestion est appuyée par le Réseau juridique VIH/sida, selon qui le statut criminel de la prostitution contribue «à marginaliser les travailleuses du sexe et à les tenir à l'écart de la société». L'idée d'aménager des zones de travail doit être débattue devant le Comité montréalais sur la prostitution de rue. Un tel projet ne pourra être mis en place sans l'assentiment des citoyens, des commerçants et des policiers, reconnaît Mme Thiboutot.
Les policiers ont déjà fait leur nid. «Les recherches prouvent que les zones désignées sont prises d'assaut par le crime organisé et les filles à moindre coût. C'est une solution qui ne sera pas efficace à moyen terme», a dit l'inspecteur Mario Leclerc, membre de la direction de la gendarmerie. M. Leclerc propose plutôt la mise en place d'une unité d'intervention d'urgence en toxicomanie calquée sur le modèle qui prévaut en santé mentale. Les prostituées de rue, souvent affligées par la dépendance aux drogues, pourraient ainsi trouver de l'aide à toute heure du jour. «Donnez-nous une équipe terrain pour venir en aide aux filles, réclame l'inspecteur Leclerc. On ne peut pas les laisser comme elles sont. C'est inacceptable comme société.»