L'Union européenne autorise 19 OGM et met tout le monde en colère (original) (raw)
Publié le 24 avril 2015 à 23h08, mis à jour le 25 avril 2015 à 09h55
Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne. PHILIPPE HUGUEN/AFP
Le feu vert donné par la Commission n'est pas du goût des États opposés aux organismes génétiquement modifiés. Le projet de réforme qui l'accompagne fâche les États-Unis et l'industrie chimique.
C'est une décision qui ne satisfait presque personne. L'Union européenne a autorisé ce vendredi l'importation et la commercialisation de 19 organismes génétiquement modifiés (OGM), sans que les Etats membres ne se soient mis d'accord sur une proposition de réforme leur permettant d'interdire ces fameux OGM sur leur territoire respectif. La France, les écologistes et les Etats-Unis sont vent debout contre cette autorisation immédiate, qui s'impose à tous les pays. Explications.
C'est quoi ces OGM?
L'autorisation concerne 19 organismes génétiquement modifiés (OGM), dont 17 destinés à l'alimentation animale et humaines et 2 sont des fleurs, des œillets précisément. Dans la liste figurent onze produits de la multinationale américaine Monsanto - plusieurs variétés de soja, maïs, colza et coton - et huit autres sont des produits de la firme américaine Dupont et des groupes allemands Bayer et BASF.
Pourquoi la Commission les autorise-t-elle maintenant?
Ces demandes d'autorisation étaient en attente depuis plusieurs années. Mais les Etats membres n'avaient pas réussi à se mettre d'accord sur leur importation et leur commercialisation. Aucune majorité qualifée ne s'étant dégagée, c'est donc la Commission qui a hérité de la décision finale à prendre et qui a donné son feu vert. Résultat, l'autorisation de ces 19 OGM est immédiate, vaut pour dix ans et s'impose à tous les Etats, y compris à ceux qui s'y sont opposés.
Mais que faire si un pays ne veut pas de ces OGM? Pour rassurer les 19 Etats anti-OGM, la Commission vient de proposer, il y a tout juste deux jours, une réforme qui permettrait à la fois de rendre plus facile l'importation d'OGM au niveau européen tout en permettant aux Etats membres qui le souhaitent d'en interdire ou d'en restreindre l'utilisation sur leur propre territoire. Autrement dit, si les gouvernements européens approuvent cette réforme, chacun pourra ensuite faire ce que bon lui semble sur son territoire.
Selon un responsable européen impliqué dans le dossier, le président de la Commission «était obsédé par l'accumulation d'autorisations d'OGM bloquées». Jean-Claude Juncker a donc «fait sa proposition et a lancé les autorisations sans attendre que les Etats prennent position. Si sa proposition est rejetée, il aura beau jeu de dire qu'il a présenté une solution et que les Etats et le Parlement ne sont pas capables de s'entendre», explique ce responsable.
Les écolos dénoncent «un cadeau aux lobbies»
Pour les Verts, cette proposition n'est qu'hypocrisie: même si chaque Etat membre a la liberté d'interdire les OGM sur son sol, ces derniers pourront facilement se retrouver dans nos assiettes, disent-ils en substance. «Dans une zone de libre circulation des marchandises, la possibilité laissée aux Etats d'interdire ensuite ces OGM sur leur territoire est un leurre», écrivent les deux porte-paroles d'EELV, Julien Bayou et Sandrine Rousseaux, dans un communiqué. «Les porcs et les jambons produits avec des aliments transgéniques en Pologne ou en Espagne se retrouveront sans aucune difficulté dans les rayons des grandes surfaces des autres pays. Il n'y aura en effet aucune possibilité de mettre en place des contrôles efficaces», estiment-ils. Pour EELV, «l'acceptation d'un tel système par les dirigeants européens est non seulement un cadeau fait aux lobbies mais également une insulte faite aux consommateurs européens majoritairement opposés à la consommation d'OGM». L'eurodéputé écologiste français José Bové s'est pour sa part déclaré «scandalisé» par cette décision et a appelé le Premier ministre français Manuel Valls à «se montrer très ferme en interdisant ces OGM en France».
La proposition fâche aussi la France et les Etats-Unis
Moins critique, la France, via sa représentation permanente à Bruxelles, a dénoncé la manière d'agir de l'Europe, sans se prononcer sur le fond: «Dix-sept OGM alimentaires autorisés par la Commission sans attendre un accord du Conseil et du Parlement européen sur sa proposition de réforme, ça signifie qu'elle est inutilisable et donc que c'est une fausse option», a jugé sur Twitter l'ambassadeur adjoint, Alexis Dutertre.
17 #OGM alimentaires autorisés par @EU_Commission sans attendre accord Conseil/PE sur opt out proposé, donc pas utilisable = faux opt out.
— Alexis Dutertre (@AlexisDutertre) 24 Avril 2015
Pour des raisons complètement différentes, les Etats-Unis se sont opposés à aux nouvelles règles envisagées par l'UE. «Nous sommes satisfaits que la Commission agisse sur des demandes qui lui avaient été soumises il y a longtemps mais ce n'est pas un remède de proposer aux Etats membres de pouvoir interdire des produits qui ont été jugés sans risques par les propres scientifiques de l'Union européenne», a poursuivi M. Mullaney.
Les entreprises transgéniques applaudissent
Les représentants du secteur ont en revanche salué une mesure très attendue. «Les éleveurs européens utilisent beaucoup les produits des cultures génétiquement modifiées pour l'alimentation de leur bétail et il est important de leur accorder la liberté du choix», a affirmé l'association européenne EuropaBio. «Il y a plus de 40 demandes d'OGM supplémentaires pour l'importation encore en suspens dans le système», a insisté l'association des producteurs de biotechnologies, qui représente notamment les intérêts de Monsanto et Bayer.
OGM: où en est-on?
Cette décision porte à 75 le nombre des OGM pour l'alimentation animale et humaine autorisés à l'importation pour la commercialisation dans l'UE. Un seul OGM est actuellement autorisé pour la culture, le maïs MON810 de Monsanto. Le tourteau de soja est la principale source de protéines pour le bétail. L'UE en a importé 18,5 millions de tonnes en 2013, selon les données de la Commission. 90% des importations proviennent de quatre pays - Etats-Unis, Brésil, Argentine et Paraguay - et sont génétiquement modifiés.