Près de Tanger, visite de La Fiermontina Ocean, l'hôtel le plus attendu du Maroc (original) (raw)
Le 1er juin, La Fiermontina Ocean invitera les voyageurs à une immersion dans la vie traditionnelle marocaine. Plus qu'un hôtel, un univers imaginé par Yasmina et Fouad Filali, en hommage à leur grand-mère, Antonia Fiermonte. Visite en avant-première.
C'est à Mezgalef, non loin de Larache, à 85 kilomètres au sud de Tanger. Un village oublié des dieux, où les enfants se baladent pieds nus et où les hommes labourent à la charrue. Qu'importent les plages d'or et les vagues mousseuses. Mezgalef est un endroit que l'on fuit, avec plus ou moins de succès. L'Espagne est si proche, 14 kilomètres à peine. Certains périssent en mer, d'autres disparaissent simplement, laissant seules au village et sans moyens de subsistance celles qu'on appelle « les veuves blanches ». Quand Yasmina Filali et son frère Fouad tombent amoureux de la région, en 1992, ils découvrent un arrière-pays coincé au Moyen Âge. Les hommes vivent de la pêche tandis que les femmes cheminent des heures sous un soleil de plomb pour s'en aller quérir quelques bidons d'eau potable.
En 2007, ils y font construire deux maisons. Quinze ans plus tard, les trois villages Mezgalef, Dcheir et Cherouah ont changé. Lentement. Ici, le temps s'écoule au gré des vents et des saisons. À Dchier, les constructions de pierre et de terre ont été repeintes en bleu et en blanc, 8 kilomètres de canalisations ont été installés, l'école du village a été réhabilitée. Il ne reste plus qu'à trouver un instituteur. Fouad Filali, pour cela, a une idée : lui bâtir une maison.
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Poursuivre le voyage d'Antonia
Visite de La Fiermontina
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« Il ne suffit pas d'injecter des fonds pour faire évoluer les mentalités ; nous cherchons à responsabiliser les habitants », commente sobrement Yasmina. Une philosophie qu'elle développe depuis trente ans à la Fondation Orient-Occident, qui vient en aide aux réfugiés en leur offrant un emploi, un rôle social, en d'autres termes, un espoir. C'est ainsi qu'est née, il y a trois ans, l'idée de la Fiermontina Ocean. Propriétaires de la Fiermontina Lecce, berceau de la collection, et de la Fiermontina Paris, Yasmina et Fouad Filali décident d'investir ce bout de paradis atlantique. Leur rêve le plus ambitieux et le plus personnel.
Car il s'agit de suivre l'itinéraire de leur grand-mère adorée, l'éblouissante Antonia Fiermonte, peintre, violoniste, muse du couturier Lanvin, tragiquement décédée à 42 ans, partie d'Italie pour Paris, et enfin le Maroc, où Antonia la catholique rencontrera le cadi, docteur de la loi coranique, au fils duquel elle mariera sa fille. « L'absence d'Antonia ne fait que renforcer sa présence. En imaginant la Fiermontina Ocean, nous nous sommes dit : voilà donc ce que nous sommes venus chercher ici. Une façon de poursuivre son voyage. »
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En juin, 15 suites (dont 11 avec piscine à débordement sur l'océan) et deux villas familiales permettront à chacun de participer à cette quête. Car il s'agit bien d'une odyssée intérieure à laquelle sont conviés les hôtes. Quatre maisons traditionnelles et un spa ont été bâtis au cœur même de Dcheir. Le résultat d'une pédagogie payante, deux ans de rencontres avec le mokadem (représentant du pouvoir religieux) et les habitants pour les convaincre de s'associer au projet. Un travail de formation ensuite. Des cuisinières de Casablanca et Rabat sont venues partager leurs connaissances afin de contredire le destin des villageoises, contraintes de trouver un emploi dans les usines de sardine de Larache.
Un travail d'écoute enfin, initié par Martín Burt, à l'origine de la Fundación Paraguaya et auteur du best-seller Who Owns Poverty ?. Le principe est simple : dans un cahier, chaque famille évalue son niveau (ou plutôt son « sentiment ») de pauvreté et les moyens indispensables pour s'en extraire, de l'ouverture d'un compte en banque à la scolarisation de ses enfants.
Petit déjeuner au village
Le petit déjeuner préparé par les femmes du village voisin pour La Fiermontina Ocean. Eric Martin / Le Figaro Voyage
La Fiermontina se veut donc vertueuse et exemplaire. La production légumière et fruitière (salade, tomates, avocats, fèves, etc.) cultivée entre les oliviers permet au domaine d'être autosuffisant, le poisson est acheté aux pêcheurs, seule la viande vient de Larache. De petites Jeep électriques permettront de se déplacer sur le domaine. Mais ces efforts seraient vains si les clients n'étaient associés à la philosophie des lieux. D'où l'idée de « villas intelligentes », intégrées aussi bien au paysage qu'à la sociabilité locale. Le matin, les hôtes auront le loisir de déguster le petit déjeuner préparé à tour de rôle par les femmes du village : « Les maîtresses de maison reçoivent chez elles, raconte Yasmina, c'est un moment important, où les rôles sont inversés. »
Ce matin-là, à Dchier, Ikram (qui signifie générosité en darija) nous accueille dans une maison peinte de chaux blanche et bleue. Il est 9 heures, un soleil timide éclaire la cour où le petit déjeuner a été dressé – miel, baghrir (crêpes mille trous), amlou (pâte à tartiner d'amandes, miel et huile d'argan), olives, confiture maison, fromage de chèvre frais, gâteaux à la cannelle… À côté, le four à pain de la voisine commence à fumer. Chaque famille possède le sien. Fouad Filali aimerait bâtir un four à pain collectif, où les femmes se retrouveraient, un lieu d'échange, une agora.
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Quand on vient de Tanger, on ne peut qu'être aspiré par le silence irréel qui habite ces lieux. À la nuit venue, le ciel explose d'étoiles et les vents chantent les louanges de l'horizon. Combien de temps reste-t-il avant que cet endroit protégé soit saccagé par le tourisme de masse ? Convaincus de l'urgence (et lassés des quads qui prenaient les dunes fragiles pour des circuits de F1), Fouad et Yasmina sont parvenus à faire classer 9000 hectares en parc naturel, une invention française. Il a aussi été convenu avec les bergers que les troupeaux nettoieraient les forêts pour éviter les incendies, principaux dévastateurs de la flore.
Fouad et Yasmina ne sont pas les seuls à lutter pour la biodiversité de la région de Larache. À une vingtaine de minutes de la Fiermontina, existe un jardin extraordinaire, imaginé il y a trente-cinq ans par l'écrivain et botaniste italien Umberto Pasti. Cet homme a le pouvoir de changer la poussière en or vert. Chez lui, les cactus piqués de fleurs rubis et les rosiers grimpants célèbrent les amours de la pierre et du végétal : une utopie sublime et insensée, irriguée par un puits de 120 mètres de profondeur. Décidément, les rêves fous poussent bien au Maroc, quand ils sont baignés par l'océan.
La Fiermontina Ocean ouvre ses portes le 1er juin 2023. 11 suites, 2 villas, 4 maisons. À partir de 250 € la nuit pour une maison au village, et 550 € pour les villas océan. Hammam traditionnel et café maure dans le village rural de Dchier, 2 restaurants (italien et marocain), beach club, salle de séminaire de 60 personnes. Le tout dans un milieu naturel sauvegardé, situé à 40 minutes du village portuaire Asilah, réputé pour sa médina, ses fresques murales et son festival de musique estival. Visite de la demeure d'Umberto Pasti sur demande auprès de l'hôtel.