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Jeux paralympiques et parasport : facteurs de risque et prévention des blessures (original) (raw)

Lancer de ballon en basket-fauteuil lors des Jeux paralympiques d’Atlanta en 1996. Australian Paralympic Committee/Sport The Library © Wikimedia Commons

Le nombre de blessures survenues chez les compétiteurs des Jeux paralympiques, et plus généralement chez des athlètes en parasport, est suffisamment important pour mettre en évidence des facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques.

Des facteurs de risque intrinsèques, physiologiques et psychologiques, augmentent la prédisposition à la survenue de blessures. Ils dépendent de la déficience de l’athlète, que celle-ci soit liée à la spasticité (augmentation du tonus musculaire), à des troubles liés une lésion de la moelle épinière (atteinte médullaire), à une absence partielle ou totale d’un membre, à une altération du contrôle du tronc du fait d’une perturbation de la fonction de muscles abdominaux et du dos.

Quant aux facteurs de risque extrinsèques, ils sont indépendants de l’athlète, mais liés aux caractéristiques de la discipline sportive pratiquée : la charge d’entraînement, l’équipement utilisé, la propulsion du fauteuil, la prothèse, les conditions environnementales (en particulier la chaleur et l’humidité).

Interaction des facteurs intrinsèques et extrinsèques

C’est l’interaction des facteurs intrinsèques et extrinsèques qui contribue à la survenue de blessures chez les para athlètes. « Ainsi, chez un athlète blessé médullaire qui pratique le basket-fauteuil, qui a déjà dans la vie quotidienne une surutilisation de l’épaule, et présente donc un facteur de risque intrinsèque, se surajoute un facteur de risque extrinsèque, à savoir l’utilisation, répétée et à un niveau intense, du fauteuil. Tout ceci renforce la contrainte sur l’articulation de l’épaule, ce qui va augmenter le risque de blessure ou de problèmes musculo-squelettiques chez ce para athlète », précise Alexis Dupuy, doctorant au pôle médical sportif du CREPS (Centre de ressources et d’expertise de la performance sportive) d’Auvergne Rhône-Alpes de Vichy et premier auteur d’un article, publié en juillet 2024 dans l’American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation, qui fournit une vue d’ensemble des blessures observées chez les para athlètes, selon leur handicap, dans des disciplines overhead et fauteuil.

Spasticité

La spasticité se traduit par une faiblesse musculaire, une activation majorée des muscles antagonistes (qui s’opposent aux muscles agonistes qui réalisent le mouvement). « Plusieurs études ont montré que la spasticité s’accompagne d’une diminution de l’amplitude articulaire, d’une altération de la puissance, d’une mauvaise coordination entre muscles agonistes et antagonistes à l’origine d’un déséquilibre musculaire. Cela ajoute un stress supplémentaire à des muscles qui vont être constamment contractés, ainsi qu’à des articulations et des tendons. Cette augmentation du tonus musculaire liée à la spasticité peut être un facteur de risque potentiel de blessure chez les athlètes avec paralysie cérébrale ou ceux avec une lésion médullaire », ajoute Alexis Dupuy.

© Flickr

« Il existe chez certains para athlètes pratiquant des sports overhead ou en fauteuil roulant un déséquilibre au niveau de l’épaule qui est relativement important entre les muscles effecteurs, agonistes, et les muscles freinateurs, antagonistes. En étudiant les muscles rotateurs de l’épaule, nous avons observé que certains para athlètes ont des rotateurs internes qui sont très musclés par rapport aux rotateurs externes, ce qui déséquilibre fortement l’épaule et peut aboutir à des blessures de cette articulation et à des tendinopathies. Nous avons également pu constater que l’existence dans cette population d’une asymétrie de force de 10 %, voire de 15 %, entre l’épaule dominante et l’épaule non dominante est un facteur de risque avéré de blessure par surutilisation », précise le Pr Sébastien Ratel du laboratoire AME2P (Adaptations Métaboliques à l’Exercice en conditions Physiologiques et Pathologiques) de l’université Clermont Auvergne et co-auteur de l’article récemment paru dans l’American Journal of Physical Medicine & Rehabilitation. Et d’ajouter qu’ « il importe donc de faire une évaluation qui permet de poser un diagnostic et ensuite adapter une préparation physique pertinente pour renforcer les muscles rotateurs externes de l’épaule affaiblis et étirer les rotateurs internes qui seront rétractés à force d’être utilisés ». D’où l’importance de conduire un monitoring régulier pour éviter les blessures chez ces para athlètes.

Concernant la déficience d’un membre, les patients amputés sont très exposés au risque de blessures de surutilisation et aux douleurs, notamment au niveau des moignons. La puissance maximale nécessaire pour la performance est dépendante de la capacité de transmission de l’énergie cinétique. Dans les disciplines overhead et fauteuil, l’épaule est un maillon essentiel de cette chaîne cinétique dans la mesure où elle assure la transmission de la force jusqu’à la main. Ce schéma moteur est plus ou moins perturbé selon le niveau d’amputation de l’athlète, avec pour conséquence que le transfert de puissance ne se fait pas correctement.

« En cas d’amputation unilatérale, il y a donc une perte de masse corporelle. Cela provoque un ajustement du contrôle de l’équilibre pour bien maintenir le centre de gravité au-dessus des jambes. Il en résulte un déséquilibre de force entre le côté résiduel amputé et le côté controlatéral. Une amputation unilatérale va ainsi créer une instabilité sur la colonne vertébrale. On observe ainsi fréquemment une hyper-extension de la colonne lombaire chez ces athlètes amputés pour compenser la limitation de flexion aux sites de la prothèse, ce qui majore les douleurs dans le bas du dos. Ce phénomène compensatoire est souvent associé à des torsions au niveau du tronc, qui n’est alors pas vraiment dans l’axe, à des scolioses et des élévations de l’épaule, avec une épaule controlatérale plus haute que la normale. Ces asymétries structurelles perturbent donc la transmission de la force et expliquent les déséquilibres que l’on observe entre le côté résiduel et controlatéral ».

On observe une incidence élevée de blessures, en particulier de l’épaule, chez les para athlètes avec paralysie cérébrale. Cela n’est pas surprenant dans cette population dans la mesure où ces personnes dépendent essentiellement des membres supérieurs dans les activités de la vie quotidienne, la propulsion du fauteuil, des tâches de port et de transfert de charges. Il se produit donc un stress répété sur la coiffe des rotateurs, qui désigne un ensemble de quatre tendons qui s’attachent sur la tête de l’os du bras (humérus) et la recouvrent à la manière d’une coiffe. Ces tendons sont ceux des muscles supra-épineux, infra-épineux, petit rond et sous-scapulaire.

Muscles rotateurs de l’épaule

Volley-ball assis © Wikimedia Commons

Comme l’explique Alexis Dupuy, le paradoxe de l’épaule tient au fait que cette articulation doit à la fois être stable et mobile. Cette stabilité est surtout assurée par la coiffe des rotateurs. La contraction de ces muscles est essentielle pour assurer lors des mouvements de l’épaule la compression tête de l’humérus dans la cavité glénoïde de la scapula, autrement dit au niveau de la surface articulaire de l’omoplate. « Lors d’un service au volley ou d’une frappe au tennis, les rotateurs vont être principalement sollicités avec les deltoïdes et d’autres muscles lors du geste. À ce moment-là, le bras est projeté vers l’avant. Mais encore faut-il que celui-ci soit retenu, car sinon il y a risque de luxation. Ce sont les muscles rotateurs externes qui assurent la stabilité de l’épaule. Alors que les rotateurs internes se contractent en réduisant leur taille lors d’un service ou d’un smatch, les rotateurs externes vont se contracter en même temps qu’ils s’étirent ».

On comprend donc qu’une rotation externe trop faible peut créer une instabilité de l’articulation car la tête de l’humérus ne sera alors plus parfaitement centrée par rapport à la cavité de l’omoplate, ce qui augmentera le risque de blessure ou de douleurs. Dans un tel cas, des tendons de la coiffe des rotateurs peuvent être piégés (impingement, en anglais) dans des structures osseuses sur lesquelles ils vont frotter. De fait, des lésions de la coiffe des rotateurs sont fréquentes chez les para athlètes avec paralysie cérébrale, le pincement de tendons de la coiffe des rotateurs lors de mouvements (dénommé syndrome d’impingement) étant considéré comme le principal mécanisme responsable.

Contrôle du tronc

Agência Brasil Fotografias. Wikimedia Commons

Un autre élément critique est à considérer dans la survenue des douleurs de l’épaule chez les para athlètes : la stabilité du tronc. C’est surtout le cas chez les blessés médullaires qui, selon le niveau de paraplégie ou de tétraplégie, ont perdu incomplètement ou totalement le contrôle du tronc, ou l’ont au contraire conservé. Il a été ainsi montré que le nombre de blessures est plus élevé chez des escrimeurs en fauteuil que chez les sportifs valides de la même discipline. De plus, les para athlètes escrimeurs qui ont un faible contrôle du tronc ont plus de blessures que les escrimeurs en fauteuil qui ont un contrôle du tronc intact. Ces résultats confirment l’hypothèse déjà mentionnée de la perturbation des maillons de la chaîne de transmission cinétique. En effet, il n’y a alors plus du tout, ou beaucoup moins, de transfert de l’énergie cinétique par le tronc, ce qui crée des contraintes supplémentaires et induit des déséquilibres musculaires au niveau de l’épaule.

Les facteurs de risque extrinsèques comprennent la charge de travail interne et externe. La première correspond à la réponse physiologique de l’athlète à l’entraînement. Celle-ci est mesurée par la fréquence cardiaque, le demande énergétique ou le taux de perception de l’effort physique par le sportif. La charge de travail externe quantifie le stimulus qui s’exerce sur l’athlète, tel que la distance parcourue dans le bassin, la distance en course à pied, en vélo, ou encore le nombre de services ou de lancers en tennis ou basket fauteuil. « Chez le para athlète, déjà assez exposé aux blessures, une charge de travail trop élevée peut augmenter les asymétries musculaires ou majorer les compensations associées à la déficience, ce qui augmente le risque de blessures de surutilisation. Par conséquent, à l’entraînement, un changement rapide de cette charge de travail peut compromettre la stabilité de l’épaule et augmenter le risque de blessure », résume Alexis Dupuy. D’où l’importance de réaliser, semaine après semaine, un suivi des variations de la charge de travail afin de limiter le risque de blessure.

Propulsion en fauteuil

© Wikimedia Commons

La propulsion en fauteuil est un autre un élément influant sur le risque de blessure chez le para athlète. Celui-ci est souvent beaucoup fléchi vers l’avant.

Des études ont montré une association entre les douleurs à l’épaule et les cinétiques de propulsion de la main courante pour faire avancer le fauteuil. Plus précisément, il a été montré une association entre la sévérité de la douleur à l’épaule et une plus grande flexion du thorax, une plus grande abduction gléno-humérale (omoplate vers le dehors) et à plus grande amplitude de rotation interne de l’omoplate. Or on sait que l’augmentation de l’abduction gléno-humérale et de la rotation interne de l’omoplate réduit l’espace sous-acromial dans lequel chemine l’ensemble des tendons des rotateurs de l’épaule. Cette mécanique cinétique augmente donc un stress mécanique sur les tissus de l’épaule. Il peut ainsi se produire un pincement sous-acromial (subacromial impingement), les tendons frottant sur les structures osseuses.

On le voit, la cinématique de la propulsion du fauteuil du para athlète, certes différente d’un sport à l’autre, souligne son impact sur le risque de blessures.

Conditions environnementales

Les para athlètes avec une déficience d’un membre, atteints de sclérose en plaques ou blessés médullaires, font face à des problèmes de thermorégulation et d’hydratation. Ils ont une baisse de perception de la température et une diminution de la capacité à réguler leur température interne du fait d’une baisse de la sudation et d’une moindre capacité à dissiper la chaleur dans les environnements chauds et lors d’efforts intenses.

Chez les athlètes amputés, la contrainte exercée sur le moignon peut induire une usure plus importante de l’interface entre le moignon et la prothèse, ce qui se traduit par des irritations cutanées qui peuvent induire des lésions des tissus mous. Ces risques sont élevés dans les environnements extrêmement chauds et/ou humides, dans la mesure où l’air ne s’évacue pas facilement au niveau de l’interface parfaitement adaptée entre le moignon et la prothèse du para athlète. Par ailleurs, les environnements chauds induisent des températures interne et cutanée plus élevées chez les para athlètes tétraplégiques que chez les sujets valides. « Ces facteurs environnementaux peuvent induire chez le para athlète un risque de déshydratation, de spasmes musculaires, une incapacité à prendre part à l’entraînement, des crampes et une augmentation du risque de blessure », résume Alexis Dupuy.

On le voit, les para-athlètes présentent des profils de blessures particuliers en raison de leur handicap sous-jacent et de la discipline pratiquée. Le risque de blessure est aussi fonction de l’équipement sportif.

Basket en fauteuil

© Wikimedia Commons

Les études épidémiologiques les plus nombreuses sur les blessures des para athlètes sont celles conduites auprès de joueurs de basket fauteuil, discipline créée en 1946 comme moyen de réadaptation des soldats américains de la seconde Guerre mondiale. Cette épreuve a eu lieu pour la première fois en 1956 lors des Jeux Internationaux de Stoke Mandeville (Royaume-Uni).

Le basket-fauteuil est sport paralympique depuis les Jeux paralympiques d’été de 1960 organisés à Rome. Deux équipes de cinq joueurs s’affrontent pendant 40 minutes, soit quatre quarts-temps de 10 minutes. Les athlètes qui y participent sont notamment des blessés médullaires, des personnes présentant des séquelles de poliomyélite, des amputés, des paralysés cérébraux.

La première étude sur l’épidémiologie des blessures survenues lors des Jeux paralympiques de Londres en 2020 avait montré que les basketteurs en fauteuil constituent le second groupe d’athlètes en fauteuil le plus souvent blessés (12 blessures pour 1 000 athlètes-jours), après les compétiteurs de football à 5 (22,4 blessures pour 1 000 athlètes-jours).

Les basketteurs en fauteuil ont un risque élevé de lésions de surutilisation, en particulier de l’épaule, du fait d’usage fréquent de la propulsion du fauteuil roulant. Ce sport overhead sollicite énormément l’articulation de l’épaule.

De plus, la posture assise des basketteurs, notamment des paralysés cérébraux, associe une bascule du bassin en arrière, une position de la tête en avant et une cyphose (courbure) de la colonne vertébrale thoracique. Cette posture impose une bascule vers l’avant de la ceinture scapulaire, constituée de l’ensemble des os qui relient les épaules au tronc, ce qui génère un stress supplémentaire sur le cou et le haut du dos. Par rapport aux athlètes ayant un contrôle du tronc, ceux sans contrôle du tronc utilisent plus souvent le fauteuil, ce qui entraîne un stress accru pour les membres supérieurs et des douleurs de l’épaule.

Concernant les blessures des membres inférieurs, le basket fauteuil comporte un risque élevé de fractures par contact direct ou par chute. Dans la mesure où les lésions de la moelle épinière s’accompagnent d’une perte de densité osseuse sous le niveau de la lésion médullaire, le risque de fractures est plus élevé.

Laura Hale © Wikipedia

Une étude allemande, publiée en 2023 dans la revue en ligne BMC Sports Science, Medicine and Rehabilitation, a porté sur 60 des 117 joueurs de la ligue nationale de basket fauteuil. Ces para sportifs ont été suivis durant l’intégralité d’une saison. La plupart des blessures concernaient l’épaule (32 %), suivies de la colonne cervicale (17 %) et de la main (13 %). Environ les deux-tiers des blessures étaient dues à une surutilisation. L’incidence des blessures a été plus élevée chez les femmes que chez les hommes.

Une récente étude japonaise a analysé les images des épaules, coudes et poignets de dix basketteurs en fauteuil de haut niveau et ceux de sujets contrôles utilisant un fauteuil roulant (âge moyen 30 ans). Les résultats ont été publiés en 2022 dans la revue BMC Sports Science, Medicine and Rehabilitation. Des lésions correspondant à des kystes de différentes tailles ont été observées dans la partie latéro-postérieure de l’extrémité inférieure de l’humérus au niveau du coude. De même, les radiologues ont observé chez ces para athlètes de sévères lésions du ligament triangulaire (aussi appelé TFCC, Triangular Fibro Cartilage Complexe), qui est un ligament tendu, au niveau du poignet, entre l’extrémité distale du cubitus (ulna) et celle du radius.

Chez ces sportifs d’élite, ces deux types de lésions sont probablement dus aux mouvements répétés de propulsion du fauteuil, mais également au fait qu’il est fréquent, lors de chutes à grande vitesse, que le basketteur en fauteuil heurte le sol de ses mains et ses coudes afin de protéger sa tête. Ce faisant, la charge qui s’exerce sur le ligament triangulaire est importante, et ce d’autant plus si l’articulation du coude est bloquée pendant la chute.

Lésions de la coiffe des rotateurs

Publiée en 2023 dans BMC Sports Science, Medicine & Rehabilitation, une étude allemande rétrospective a par ailleurs montré la grande fréquence de lésions des muscles de la coiffe des rotateurs chez les joueurs d’élite en basket fauteuil. Plus précisément, des déchirures du muscle sus-épineux (situé sur la face supérieure de l’omoplate) ont été observées dans 72 % des épaules de ces athlètes de haut niveau, des déchirures de muscle sous-épineux (situé sur la face postérieure de l’omoplate) dans 50 % des épaules et des déchirures du sous-scapulaire (muscle postérieur de l’épaule) dans 39 % des épaules.

Ceci souligne que des lésions de la coiffe des rotateurs sont fréquentes chez les athlètes d’élite en basket-fauteuil et que le principal mécanisme responsable serait un pincement (impingement) de tendons supérieurs de la coiffe des rotateurs lors des mouvements.

Para-natation

© Wikimedia Commons

Un risque particulier peut survenir dans certains para sports : celui d’une commotion cérébrale. Définies par un ébranlement du cerveau lors d’un choc direct sur la tête ou au cou, les commotions cérébrales sont fréquentes dans les para sports tels que le football pour aveugles (cécifoot) où les collisions entre joueurs sont également fréquentes. Elles s’accompagnent le plus souvent de la survenue de troubles neurologiques transitoires.

Une étude a été menée par des chercheurs de l’université allemande du sport de Cologne auprès d’un athlète de para-natation âgé de 19 ans. Mesurant 1,50 m pour 50 kg, il est atteint de dysmélie, c’est-à-dire qu’il présente une anomalie congénitale consistant en l’absence de tout ou partie des membres. Les nageurs dysméliques sont exposés à des impacts répétés à la tête car ils terminent leur course en la frappant contre le mur au lieu de toucher la ligne d’arrivée avec leurs mains. La tête d’un para-nageur atteint de dysmélie subit donc des collisions répétées à la fin de chaque course.

Publiée en janvier 2024 dans le Journal of Science and Medicine in Sport, cette étude a évalué les conséquences neuro-comportementales des impacts répétés de ce para-nageur allemand, membre de l’équipe nationale et compétiteur lors des Jeux paralympiques de Tokyo en 2020. Cet athlète déclarait frapper le mur avec sa tête jusqu’à soixante fois par an lors de compétitions. Les chercheurs ont effectué deux séries de mesures avec et sans impact. La première série a consisté à demander au nageur de parcourir à quatre reprises vingt mètres en cognant la tête contre le chronomètre fixé au mur du bassin de la piscine. Ils ont renouvelé les mesures en impact de la tête contre le mur.

Il s’avère que les impacts répétés à la tête chez les nageurs para-natation avec absence de membres s’accompagnent d’une réduction des fonctions neuro-comportementales. Les résultats montrent également une diminution de leurs scores de mémoire de travail entre avant et après les impacts, ainsi qu’une augmentation de leur temps de réaction.

Les chercheurs rapportent avoir observé après la série d’impacts de la tête contre le mur une diminution de l’oxygénation cérébrale dans les cortex frontaux pendant la tâche de mémoire de travail. Aucune différence de ce type n’a été constatée en l’absence d’impact. Il semble donc que les fonctions comportementales et cérébrales soient affectées par des impacts répétés à la tête chez les para-nageurs atteints de dysmélie d’une manière similaire à ce qui est observé après des commotions cérébrales survenant lors de chocs liés à la pratique sportive dans d’autres sports. Plus généralement, bien que les données dans ce domaine soient très limitées, on estime que 9 % des para athlètes, tous sports confondus, sont sujets à des commotions cérébrales.

En avril 2024, des spécialistes allemands en physiologie du sport ont analysé 13 études. Publiée dans le German Journal of Sports Medicine, cette revue systématique de la littérature scientifique a notamment montré que le basket-ball en fauteuil, le cécifoot, la para-natation et le para-judo sont les sports les plus fréquemment associés à la survenue d’une commotion cérébrale, en particulier la para-natation avec 0,5 à 0,6 commotion pour 1 000 heures d’exposition au sport du para athlète. En outre, les athlètes malvoyants ont développé 1,24 commotion pour 1 000 heures d’exposition sportive.

Développer des programmes de préventionReconnaître les divers profils de blessure est essentiel pour mettre en œuvre une prévention efficace afin de garantir la sécurité du para sportif. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires en matière de prévention des blessures, plusieurs pistes peuvent être envisagées.

Ainsi, pour les para athlètes souffrant d’une pathologie neuromusculaire, un programme de prévention des blessures devrait intégrer un renforcement musculaire ciblant à la cuisse les quadriceps et d’autres muscles des membres inférieurs, ce qui permet d’optimiser le transfert de force. Dans d’autres cas, on peut utiliser des dispositifs de soutien tels qu’une orthèse cheville-pied ou une attelle, pour augmenter la mobilité et réduire la spasticité. Pour les para athlètes blessés médullaires, l’accent doit être mis sur le renforcement de l’épaule pour réduire les lésions de surutilisation.

« D’autres possibilités existent comme l’optimisation de l’assise et de la posture dans le fauteuil afin de réduire la contrainte sur l’épaule. Pour les athlètes amputés, un travail de gainage des muscles du dos et abdominaux peut être intéressant pour réduire le risque de douleurs dorsales qui peuvent être majorées sur des amputations de membre inférieur. Sans oublier bien sûr une optimisation de l’interface moignon-prothèse qui s’avère cruciale pour limiter l’irritation de la peau et les blessures traumatiques surtout lorsqu’il fait chaud et humide. Enfin, les techniques de pre-cooling, consistant à faire baisser la température interne avant exercice, sont particulièrement utiles chez les athlètes blessés médullaires », conclut Alexis Dupuy en soulignant que « chaque para athlète est unique et que des approches personnalisées sont essentielles pour réduire le risque de blessure ».

Impossible de conclure ce panorama de l’épidémiologie des blessures lors des Jeux paralympiques et en parasport sans évoquer le cas des blessures factices. C’est avec le prétexte d’une blessure que le taekwondoïste iranien Saeid Sadeghianpour a refusé de se présenter pour affronter l’Israélien Adnan Milad, ce qui a valu à ce dernier une victoire par défaut. Quand la blessure a bon dos…

**Marc Gozlan (**Suivez-moi sur X, Facebook, LinkedIn, Mastodon, BlueSky, et sur mon autre blog Le diabète dans tous ses états‘, consacré aux mille et une facettes du diabète – déjà 70 billets).

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https://bjsm.bmj.com/content/47/7/426.long

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