Suède – Finlande (Mondiaux 2011, finale) (original) (raw)

La fin des complexes

2011-05-15-Suede-Finlande-3464La Finlande veut exorciser ses démons. Dix ans de défaites en match officiel contre la Suède, incluant la plaie béante de Helsinki et le souvenir cuisant de Turin. Il s’agissait lors des JO italiens de la dernière finale de la Finlande, et cette fois encore, le destin lui fait croiser la route de la Suède, dans un derby nordique qui reste le plus traditionnel du hockey international.

Après un match très offensif pour la médaille de bronze, les spectateurs s’attendent à un duel plus fermé, comme il est de coutume entre ces voisins. Leur dernier affrontement en finale d’un championnat du monde en 1998 a laissé le souvenir de la finale la plus ennuyeuse de l’histoire (1-0 et 0-0). L’affrontement prend forme dès les premières minutes : ligne bleue bien gardée avec un message physique, marquage homme à homme en zone défensive, partie d’échecs tactique entre rivaux qui connaissent toutes leuts combinaisons respectives.

Les styles de jeu s’affirment tout de même dans leurs particularités. La protection de palet des Suédois est exceptionnelle, à l’instar des jeunes David Rundblad et Mattias Tedenby, capables de se dessiner des itinéraires touristiques dans la zone offensive sans que jamais les défenseurs ne puissent les arrêter. De son côté, la Finlande joue de façon plus directe, avec un jeu vertical qui n’aboutit cependant qu’à des tirs excentrés. Les jaunes semblent plus efficaces pour ce qui est des intrusions dans l’enclave, même si la défense adverse est suffisamment bien placée pour les empêcher de lancer dans de bonnes conditions.

La pénalité d’Ekman-Larsson à deux minutes de la fin du premier tiers-temps est une démonstration d’infériorité numérique à la suédoise, coupant les solutions de passe puis ouvrant tout d’un coup la vue du gardien dès lors qu’un lancer est inévitable.

2011-05-15-Suede-Finlande-3437En deuxième période, les gamins suédois confirment leur avantage en un contre un. Rundblad feinte Komarov d’un déhanché, tandis que le petit mais costaud Tedenby se débarrasse de Niskala. Le moment le plus chaud a quand même lieu au niveau de la cage suédoise, quand Viktor Fasth repousse à la verticamle un tir de Pyörälä et perd de vue le palet. Quand celui-ci retombe, c’est Persson qui écarte le danger.

Le seul atout individuel finlandais visible pour l’instant la vitesse de Juhamatti Aaltonen, qui se fait accrocher par Krüger. Durant ce second avantage numérique, Janne Pesonen est le premier Finlandais à accéder au slot, mais Fasth a la jambière solide. La pénalité a donné de l’élan aux bleus, qui maintiennent leur pression à 5 contre 5. Ils dominent pour la première fois de la soirée… et encaissent un but à ce moment-là, un lancer balayé de Magnus Pääjärvi-Svensson dans la lucarne opposée (1-0). S’il marque le but décisif contre la Finlande, les commentateurs télé suédois s’obstineront encore longtemps à appeler uniquement « Svensson » celui qui a fait le choix d’utiliser son autre nom de famille, celui qui trahit ses origines finlandaises, pour la NHL qui lui enjoignait de choisir.

Une fois qu’ils sont menés au score, les Finlandais se mettent aussi à prendre leurs premières pénalités. Le séjour en prison de Nokelainen n’est pas loin de provoquer une double peine. La déviation dans le slot de Patrik Berglund sur service de Pääjärvi est imparable… sauf par le poteau !

La Finlande paraît en difficulté depuis le but qui a totalement brisé son élan. Elle peine à construire, et se fait prendre en compte quand elle se découvre. Ne serait-elle pas en train de se complaire dans son vieux complexe d’infériorité face aux Suédois ? Il lui faudrait un jeune sans complexes capable de tenter et de réussir des gestes improbables, un junior qui n’aurait encore jamais perdu de finale, et pourquoi pas qui viendrait d’en gagner une avec le HIFK. Cette pépite existe, c’est Mikael Granlund bien sûr. Son centre ayant été chassé du point d’engagement, il gagne lui-même une mise au jeu en zone défensive, fonce au but en contre-attaque et se fait accrocher par Petrasek en entrant dans l’enclave. Le témoin est donné en supériorité numérique à l’autre joueur-phare de la Finlande dans ce tournoi, le nouveau buteur Jarkko Immonen : son slap en lucarne est ravageur (1-1), surtout à sept secondes seulement de la sirène !

2011-05-15-Suede-Finlande-3341La confiance des Finlandais est décuplée en retournant les vestiaires, et ils passent devant par leur quatrième ligne. Petteri Nokelainen bloque une passe de David Petrasek contre la bande en zone neutre, effectue un une-deux avec Antti Pihlström et marque dans le haut du filet (1-2). Mikko Koivu part en échappée et tente toujours le même mouvement, vers la droite, mais Viktor Fasth a été « briefé ». Faut-il voir dans ce manque de variété une grave occasion gâchée ? Sûrement pas. Sur l’action suivante, Aaltonen fore-checke Fernholm en fond de zone, échange le palet avec Komarov à la ligne bleue et passe en retrait au second poteau à Niko Kapanen, le non-buteur par excellence… dont le tir est détourné dans les filets par le défenseur suédois (1-3). La chance sourit enfin à la Finlande dans une finale !

Erixon retient l’intenable Mikael Granlund derrière la cage. La pénalité est tuée et la Suède peut enfin s’occuper d’essayer de remonter son retard. Les bleus n’attendent que ça pour partir en contre-attaque. Granlund déborde de nouveau Petrasek, même si au lieu de servir Pesonen il tente un tir trop centré sur le gardien. Quand aucun arbitre ne voit une crosse haute nette de Komarov au visage de Petrasek, les Suédois comprennent qu’ils n’ont aucune chance. Il ne reste que quatre minutes, et à cinq contre cinq, la Finlande verrouille trop bien sa zone.

Les dernières minutes sont même une apothéose. Mikael Granlund utilise la bande pour faire une passe en entrée de zone qui revient vers Janne Pesonen devant la cage (1-4). Tout juste élu MVP du Mondial, Viktor Fasth prend un mauvais but : un lancer de Mika Pyörälä qui lui passe sous le bras (1-5). Après un tir du poignet en angle d’Antti Pihlström qui finit en lucarne, la Suède subit même une correction qui prend des proportions humiliantes (1-6).

Granlund est grand ! Immonen est immense ! Kapanen est capable… de marquer ! Les vainqueurs de 1995 ont leurs héritiers. Le capitaine Mikko Koivu peut soulever la coupe, il a suivi l’exemple de son grand frère Saku il y a seize ans. Jukka Jalonen est le premier entraîneur finlandais champion du monde. La Finlande n’a plus à craindre d’affronter la Suède, mais au contraire à se réjouir de cet adversaire, le seul contre qui elle gagne des finales. Un jour de gloire où tous les buteurs avaient des noms finlandais.

Désignés joueurs du match : Magnus Pääjärvi-Svensson pour la Suède et Mikko Koivu pour la Finlande.

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Commentaires d’après-match

Magnus Pääjärvi (attaquant de la Suède) : « Les Finlandais ont gagné le match en même temps qu’ils ont égalisé en toute fin de deuxième période. Ça les a revigorés et ils nous ont brisés dès le début de la troisième période. Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà pris cinq buts dans la dernière période. Notre jeu s’est subitement décomposé. On était venu ici pour l’or. Peut-être que dans quelques mois j’aurais un retour positif de ce championnat mais pour l’instant tout est merdique ! »

Rickard Wallin (capitaine de la Suède) : « Les Finlandais ont attendu que nous commettions des fautes en zone neutre, on a perdu le palet et ils ont marqué. Lorsqu’ils ont pris l’avantage au score, ils ont alors pu jouer comme ils le voulaient. À l’inverse, nous n’avons pas joué assez bien pour que nous puissions leur mettre la pression et pouvoir les mettre en danger. »

Jarkko Immonen (attaquant de la Finlande) : « Même en rêve je n’aurais jamais imaginé planter autant de buts. On a très bien joué, surtout en supériorités numériques dont on a su tirer profit. On y a cru, on était convaincus d’avoir un groupe fort et on ne s’est résigné à aucun moment. On s’est efforcé de bien patiner et de prendre la mesure de l’adversaire physiquement. Les buts rapides que l’on a inscrits en début de troisième tiers ont sonné le réveil de notre superbe résultat. C’est la victoire de toute l’équipe. J’ai été très ému pendant l’hymne finlandais. C’est un immense honneur d’être le meilleur buteur du tournoi. »

Jukka Jalonen (entraîneur de la Finlande) : « Notre équipe a montré une énorme force de caractère. Ce n’est pas facile de retourner la situation dans une finale serrée et dans laquelle ce sont les défenses qui dominent. Je suis fier de notre groupe. Il a très bien joué auparavant, il a offert le meilleur ce soir. »

Antti Pihlström (attaquant de la Finlande) : « On a vraiment une belle équipe alors qu’on n’a aucune grande star dans l’effectif. Mais chaque joueur a bossé dur et a tout donné, nous avons un système de jeu propre, je pense que c’est ce qui explique notre performance. C’est le plus grand succès de ma carrière. »

Niko Kapanen (attaquant de la Finlande) : « S’il on regarde les troisièmes périodes, on peut dire que l’on a fait un excellent tournoi. Je crois qu’on les a toutes gagnées, ça a été notre point fort. Nous ressentons des sentiments exceptionnels. J’ai déjà joué quelques finales, j’ai eu l’argent et enfin je peux savourer l’or. C’est incroyable ! »

Anssi Salmela (défenseur de la Finlande) : « On n’a peut-être pas les meilleurs joueurs mais on a la meilleure équipe. On a joué en groupe soudé et on mérite le titre. C’était un championnat plein de joueurs de qualités. C’est la victoire de tout le monde, pas seulement de l’équipe mais aussi de toute la Finlande. Ça fait quinze ans qu’on attendait la médaille d’or. Je suis super heureux que ça m’arrive à moi. On va fêter ça à la manière finlandaise : on va boire. Je peux vous garantir qu’on va picoler tout et n’importe quoi ! On a derrière nous une très longue saison qu’on conclut avec l’or autour du cou. On n’a pas volé une fête grandiose. »

Suède – Finlande 1-6 (0-0, 1-1, 0-5)
Dimanche 15 mai 2011 à 20h30 à la Ondrej Nepala Aréna de Bratislava. 9166 spectateurs.
Arbitrage de Darcy Burchell (CAN) et Brent Reiber (SUI/CAN) assistés de Chris Carlson (CAN) et Kiel Murchison (CAN).
Pénalités : Suède 8′ (2′, 4′, 2′) ; Finlande 4′ (0′, 4′, 0′).
Tirs : Suède 33 (12, 11, 10) ; Finlande 32 (13, 9, 10).

2011-05-15-Suede-Finlande-3901Évolution du score :
1-0 à 27’40 » : Pääjärvi-Svensson
1-1 à 39’53 » : Immonen assisté de Pesonen et Koivu (sup. num.)
1-2 à 42’35 » : Nokelainen assisté de Pihlström
1-3 à 43’21 » : Kapanen assisté d’Aaltonen et Komarov
1-4 à 56’41 » : Pesonen assisté de Granlund
1-5 à 57’16 » : Pyörälä assisté de Koivu et Salmela
1-6 à 59’05 » : Pihlström assisté de Lajunen

Suède

Gardien : Viktor Fasth.

Défenseurs : Carl Gunnarsson (-2) – David Petrasek (A, -2, 2′) ; David Rundblad – Staffan Kronwall ; Daniel Fernholm (-1) – Tim Erixon (-2, 2′) ; Oliver Ekman-Larsson (-1, 2′).

Attaquants : Martin Thörnberg (+1) – Patrik Berglund (A, +1) – Magnus Pääjärvi-Svensson (+1) ; Loui Eriksson (-2) – Niklas Persson (-2) – Robert Nilsson (-1) ; Mattias Tedenby (-1) – Marcus Krüger (2′) – Jakob Silfverberg ; Mikael Backlund (-1) – Rickard Wallin (C, -3) – Mattias Sjögren (-3) ; Jimmie Ericsson (-2).

Remplaçant : Erik Ersberg (G). Absents : Anders Nilsson (G), Nicklas Grossman (ligaments du genou), Andreas Jämtin (surnuméraire).

Finlande

Gardien : Petri Vehanen.

Défenseurs : Anssi Salmela (+3) – Sami Lepistö (+2) ; Jyrki Välivaara (+1) – Janne Niskala (+1) ; Pasi Puistola – Ossi Väänänen (+1) ; Topi Jaakola – Lasse Kukkonen (A_, en photo_).

Attaquants : Tuomo Ruutu (A, +1) – Mikko Koivu (C, +1) – Mika Pyörälä (+1) ; Leo Komarov (+1) – Niko Kapanen (+1, 2′) – Juhamatti Aaltonen (+1) ; Janne Pesonen (+1) – Jarkko Immonen (+1) – Mikael Granlund (+1) ; Antti Pihlström (+1) – Petteri Nokelainen (+1, 2′) – Jani Lajunen (+1).

Remplaçant : Teemu Lassila (G). Absents : Niko Hovinen (G), Janne Lahti (surnuméraire), Jesse Joensuu (surnuméraire).