Jets privés : 40% des vols à vide ? | TF1 INFO (original) (raw)
Publié le 10 mars 2023 à 17h10
Le député EELV Julien Bayou souhaite que l'Assemblée débatte d'une interdiction des jets privés.
Sa consœur LFI, l'eurodéputée Leïla Chaibi, déplore que ces avions volent à vide 40% du temps.
Un chiffre marquant, dont on retrouve la trace dans des publications d'acteurs de l'aviation d'affaires.
Les jets privés seront-ils bientôt interdits en France ? C'est en tout cas ce que souhaite Julien Bayou. Le député écologiste voudrait profiter de la niche parlementaire d’Europe Écologie-les Verts, prévue le 6 avril, pour que cette proposition soit débattue à l’Assemblée nationale. Sans doute trouvera-t-il des soutiens parmi l'opposition, chez LFI en particulier.
À travers une série de messages postés sur ses réseaux sociaux, l'eurodéputée de la France insoumise Leïla Chaibi a fustigé (nouvelle fenêtre) l'aviation d'affaire et mis en avant son impact environnemental. Elle avance aussi un chiffre marquant : à l'en croire, les trajets en jets privés "se font à vide" très régulièrement, "40% du temps". Une ineptie à ses yeux, qui doit amener la puissance publique à agir. "Il faut ramener les élites les pieds sur terre", lance-t-elle.
Un chiffre ancien, mais qui vient des acteurs du secteur
L'élue ne précise pas la source du chiffre qu'elle avance, mais on constate en quelques clics qu'elle est loin d'être la seule à y faire référence. Le député de la Nupes Aurélien Saintoul le mentionnait par exemple dans l'hémicycle en novembre dernier, tandis que l'on en trouve régulièrement mention dans des articles de presse.
D'où provient cette estimation ? On en retrouve l'origine dans une publication de la National Business Aviation Association (NBAA), une organisation qui rassemble de très nombreux acteurs de l'aviation d'affaires et qui cherche à la faire "prospérer aux États-Unis et dans le monde". En 2016, la NBAA publiait un rapport (nouvelle fenêtre) de 108 pages consacré à l'impact économique de l'aviation d'affaires en Europe. Elle soulignait le temps économisé par les usagers des jets privés par rapport aux liaisons traditionnelles, mais précisait qu'une partie des vols n'étaient pas pris en compte dans les calculs, car effectués à vide. "Les données exclusives d'un grand courtier de l'aviation d'affaires [...] ainsi que celles de l'EBAA (European Business Aviation Association) indiquent que 41 % de tous les vols de l'aviation d'affaires en 2014 étaient des vols à vide, qui ne peuvent pas être pris en compte dans cette analyse", pouvait-on lire.
Ce chiffre présente l'inconvénient d'être assez ancien, mais est jugé d'actualité par des acteurs du secteur, contactés par TF1info. Provenant d'une organisation qui fait au quotidien et depuis 1947 la promotion de l'aviation d'affaires, il y a assez peu de motifs poussant à douter de sa fiabilité. En effet, une structure comme l'EBAA n'aurait aucun intérêt à évoquer dans ses travaux un chiffre plus élevé que la réalité, surtout si celui-ci est utilisé par les détracteurs des jets privés pour critiquer leur utilisation. On observe par ailleurs que ces 40%, régulièrement évoqués y compris par des élus, ne font pas l'objet d'une contestation de la part des acteurs du secteur, qui défendent plutôt leur activité en évoquant les emplois liés et induits par l'aviation d'affaires, ainsi que les besoins auxquels elle entend répondre.
Des avions comparables à des taxis
Pour comprendre le volume de vols réalisés à vide par ces aéronefs, il faut se pencher sur le modèle économique des entreprises qui les font voler. L'essentiel des jets privés est utilisé par des clients qui n'en sont pas propriétaires. Ils vont alors réserver un vol et louer un avion pour effectuer un trajet précis. À l'instar du taxi qui vient vous récupérer en bas de chez vous, l'avion est souvent amené à se déplacer depuis l'aéroport où il stationne en temps normal, afin d'aller chercher la personne à transporter. Si un client souhaite embarquer à Cannes, il est ainsi fort probable que son avion réalise au préalable un vol dit "de positionnement", à vide, depuis l'aéroport de Nice.
Les représentants du secteur, lorsqu'on les interroge sur le sujet, expliquent (nouvelle fenêtre) en substance ne pas avoir d'autre choix, et que ces trajets sont limités au maximum. L'argument invoqué est ici économique : personne n'a intérêt à faire voler un aéronef à vide. La comparaison avec le taxi est là encore évoquée.
Pour tenter d'optimiser la rentabilité des jets, des entreprises cherchent à commercialisation de ce que les anglophones nomment les "empty leg flights". Des trajets qui seraient en temps normal réalisés à vide sont identifiés puis proposés à des tarifs très attractifs aux clients. L'absence de flexibilité est compensée par les économies réalisées, qui sont ici substantielles : elles peuvent avoisiner les 75% par rapport aux tarifs que l'on observe traditionnellement dans l'aviation d'affaires.
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