Foresterie (original) (raw)

La foresterie est la science et la pratique de l’entretien des forêts. La portée et la pratique de la foresterie ont évolué au cours du temps au Canada.

Coupe à blanc

La coupe à blanc effectuée sur des terrains à forte pente diminue l'habitat faunique, la biodiversité et provoque l'érosion des sols et la siltation des cours d'eau (photo de Don E. McAllister).

Pince à grumes

Des machine d'abattage mécanique montées sur tracteurs ou des excavatrices, qui dirigent ou entassent les arbres, sont utilisées pour abattre des arbres atteignant jusqu'à 80 cm de diamètre (photo de Thomas Kitchin).

Le cuisinier du camp grimpe au sommet d'une pile de bûches dans une scierie abandonnée, située aux abords de Barrhead (Alberta). Le bois d'\u0153uvre sera livré à une usine de conversion, où on en assurera le traitement. Image: \u00a9 Luc Forsyth.\r\n

Un planteur qui en est à sa première\u00a0année d'expérience, met un arbre en terre.\r\nImage: \u00a9 Luc Forsyth

La foresterie est la science et la pratique de l’entretien des forêts. La portée et la pratique de la foresterie ont évolué au cours du temps au Canada. Dans la première moitié du XXe siècle, le terme « foresterie » désigne presque exclusivement la gestion de terrains boisés à des fins industrielles. Après la Deuxième Guerre mondiale, la gestion des boisés de manière durable commence à prendre de l’importance et au début des années 1960, les questions écologiques occupent déjà une place sans précédent dans la foresterie. Au début du XXIe siècle, les activités forestières continuent leur expansion et comprennent notamment l’entretien des arbres dans les zones urbaines. (Voir aussi Histoire du commerce du bois ; Exploitation forestière ;Industrie du bois ; Industrie des pâtes et papiers ; Reboisement.)

Contexte

Près de 38 % de la superficie du Canada est boisée, ce qui représente environ 3,4 millions sur 9,1 millions de km2. Un peu plus de la moitié de cette superficie est classée « forêt commerciale », c’est-à-dire une forêt qui est capable de produire des arbres commercialisables dans un délai raisonnable et qui n’a pas été mise de côté pour d’autres utilisations telles que l’aménagement d’un parc.

La plupart des forêts canadiennes appartiennent au gouvernement fédéral ou à un gouvernement provincial ou territorial qui se charge de leur gestion, et sont donc qualifiées de forêts de la Couronne. L’Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 attribue la charge de gérer les forêts aux provinces, indépendamment de la date de leur entrée dans la Confédération. Il y a cependant eu quelques rares exceptions. Le gouvernement fédéral continue jusqu'en 1930 à administrer les forêts du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta ainsi qu'une bande de terrain d'une largeur de 64 km sur toute la longueur du réseau de chemin de fer du Canadien Pacifique, en Colombie-Britannique. Aujourd’hui, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables d’environ 90 % des forêts d'intérêt commercial non réservées, et le gouvernement fédéral en gère environ 2 % (notamment les terres de réserve des Premières Nations, les bases militaires et les parcs nationaux), et les propriétaires privés gèrent les 8 % restants. Dans certains cas, les gouvernements provinciaux – et quelques fois le gouvernement fédéral – encouragent les activités d’exploitation forestière sur les terres privées grâce à une panoplie d'instruments, notamment des incitatifs fiscaux et des politiques appropriées en matière de réglementation. Dernier point, presque chaque province et chaque territoire possèdent un organisme affecté à la foresterie, habituellement une direction ou un service intégré à un ministère chargé de certaines responsabilités concernant les ressources naturelles.

Le fait que le gouvernement ait assumé la gestion de presque toutes les terres boisées commerciales du Canada a eu un impact profond sur la manière dont la foresterie est pratiquée dans ce pays. Dès le début, les forestiers ont réclamé une gestion prudente des boisés. Une approche prudente consiste à améliorer l’efficacité de la récolte des arbres tout en investissant dans leur régénération de manière à perpétuer la productivité de la forêt. L’absence flagrante de volonté politique de soutenir la régénération est cependant devenue un problème. Aux yeux des élus, dont le mandat ne dure qu’à peine quatre ans, il n’est pas très intéressant de consacrer de précieuses ressources publiques à la reforestation si les résultats de tels investissements ne deviennent visibles que des dizaines d’années après leur départ de la fonction publique. À cet égard, les politiciens ne font que refléter l’attitude de la plupart des Canadiens qui, depuis longtemps, n’insistent pas pour que leurs gouvernements agissent en bons gardiens des régions boisées.

Histoire

Débuts de la foresterie, des années 1900 à 1940

La foresterie naît et se développe en Europe durant la première partie du 19e siècle. Elle doit son apparition à la prise de conscience que les pratiques de récolte découlant de stratégies à court terme ont entraîné la déforestation de la majeure partie du continent européen et créé toute une série de problèmes environnementaux. Cette prise de conscience, combinée au fait bien connu que le territoire européen est relativement petit, a favorisé l’émergence d’un puissant soutien public et politique pour l’adoption de principes forestiers visant à rectifier la situation. Dans ce contexte, la foresterie arrive au même rang que d’autres professions telles que la médecine ou la dentisterie en termes de stature sociale.

Lorsque la foresterie arrive au Canada au début du XXe siècle, elle est transplantée dans un contexte social très différent de celui qui règne alors en Europe. Les Canadiens valorisent à l’époque certaines professions, telles que celles du génie, pour les contributions pratiques et relativement immédiates qu’elles apportent à la société. Les ingénieurs jouissent d’un statut particulier et des efforts sont déployés pour en former davantage.

La situation est exactement l’inverse pour la foresterie. Certaines voies se sont élevées pour que les boisés du Canada soient gérés plus efficacement, mais une gestion forestière à part entière n’a jamais vraiment été soutenue par les politiciens ou le public. À l’époque, les gens ont du mal à comprendre le concept qui consiste à investir dans le présent pour réaliser des profits à long terme. Par conséquent, les quelques forestiers qui commencent à exercer leur métier au Canada au début des années 1900 ne disposent pas de la légitimité sociale dont jouissent leurs confrères en Europe. Cette disparité a perduré pendant des décennies.

Malgré ces défis, la foresterie canadienne prend son envol au début du XXe siècle. La première école canadienne de foresterie est créé au sein de l’Université de Toronto en 1907. Dans les années qui suivent, une seconde école est ouverte à l’Université du Nouveau-Brunswick et une troisième à l’Université Laval, à Québec (l’école de foresterie de l’Université de la Colombie-Britannique ouvrira ses portes en 1921). À cette époque, les promoteurs de la foresterie au Canada ont déjà formé l’Association forestière canadienne (établie en 1900), pour faire comprendre le besoin de conserver les forêts, et l’Institut forestier du Canada (établie en 1908), pour offrir un forum où les praticiens de la foresterie peuvent discuter des problèmes auxquels ils sont confrontés.

Durant la période qui s’étend approximativement de 1900 à 1940, le nombre de forestiers augmente de manière spectaculaire au Canada, mais ils ne réalisent que peu de progrès pour ce qui est de l’amélioration de la gestion des boisés dans le pays. L’industrie forestière est depuis longtemps un pilier de l’économie canadienne. Durant cette période, elle se concentre dans les Maritimes, en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique. Cette industrie, présente dans tout le pays, compte les scieries (qui transforment les arbres de diamètre relativement important en matériaux de construction) et les usines de pâtes et papiers (qui transforment généralement des arbres de petit diamètre en produits tels que le papier pour les journaux et les livres). Ces entreprises louent les boisés aux gouvernements provinciaux. Un petit nombre d’entreprises s’intéressent à la mise en œuvre de programmes de foresterie sur leurs boisés, mais elles expliquent souvent qu’elles hésitent à le faire à cause de la nature ténue du contrôle qu’elles exercent sur leurs sources de bois. De même, les gouvernements provinciaux ne se montrent pas très enclins à forcer les entreprises à pratiquer une foresterie saine.

Les opérations de foresterie ne manquent pourtant pas de s’étendre durant cette époque. Les activités de recherche en foresterie, dirigées par le Service fédéral de sylviculture (mis en place au début du siècle) à Ottawa, ne sont pas en reste. Ce service, en collaboration avec d’autres directions du gouvernement, étudie une vaste gamme de sujets, notamment les insectes et les maladies qui attaquent les arbres au Canada et les moyens par lesquels ils peuvent être combattus.

Âge d’or de la foresterie : de 1940 à 1970

Au milieu du XXe siècle, le secteur forestier canadien jouit d’une prospérité sans précédent. On parlera plus tard de l’âge d’or de cette industrie. L’appétit du monde entier pour les produits ligneux explose, aussi bien pour le bois de construction que pour le papier hygiénique. Les installations existantes s’agrandissent et de nouvelles usines voient le jour dans des régions comme l’Alberta et la Saskatchewan où l’industrie forestière n’est pourtant pas prépondérante. Le pays commence de plus à fabriquer de nouveaux produits (p. ex., les panneaux à copeaux orientés). Ce succès ne motive pourtant pas un soutien concret pour la régénération des boisés commerciaux.

Cette croissance extraordinaire fait que les forestiers professionnels sont en demande croissante pour superviser la récolte et l’approvisionnement en bois nécessaire aux scieries et aux usines. Le nombre de forestiers augmente et l’enrôlement dans les écoles de foresteries de l’époque suit la tendance pour répondre à cette demande. De plus, deux nouvelles écoles de foresterie sont créées au début des années 1970, une à l’Université Lakehead, à Thunder Bay, en Ontario, et l’autre à Edmonton, au sein de l’Université de l’Alberta.

Des avancées technologiques ont été accomplies dans presque tous les domaines de la foresterie. Des aéronefs sont utilisés en foresterie depuis les années 1920, en particulier pour détecter et combattre les feux de forêt et effectuer des inventaires forestiers. Mais le développement d’un matériel de photographie aérienne encore plus sophistiqué pendant et après la Deuxième Guerre mondiale viendra améliorer grandement la qualité des données que peuvent consulter les forestiers sur les arbres qu’ils gèrent. Des avions spécialisés sont également conçus pour combattre les feux de forêt, un domaine dans lequel le Canada est devenu un leader mondial. En outre, les forestiers se servent de plus en plus des ordinateurs pour analyser des ensembles de données volumineux décrivant des paramètres tels que la vitesse de croissance des forêts. Des mesures sont également prises, principalement par le gouvernement fédéral, pour améliorer les travaux de recherche portant sur la nature des arbres du Canada. Ces efforts comprennent notamment la création de plusieurs nouveaux établissements dans diverses régions forestières du Canada.

Le secteur de la foresterie s’enrichit également de nouvelles activités durant cette période. Les arbres font depuis longtemps partie du paysage urbain, mais durant les années 1960, leur entretien devient une activité secondaire de la profession. Cette nouvelle niche apparaît principalement à la suite des dégâts considérables causés au début des années 1960 par la maladie hollandaise de l'orme sur les arbres majestueux qui dominent alors les grandes citées du Sud de l’Ontario. Erik Jorgensen, professeur de pathologie forestière à la faculté de Foresterie de l’Université de Toronto, dirige les efforts visant à combattre le fléau. Ses efforts ne passeront pas inaperçus puisqu’à la fin de la décennie, les forestiers du monde entier reconnaissent la foresterie urbaine comme une spécialité à part entière.

Les forestiers ruraux doivent également faire face à de nouveaux défis dans leur travail. Les Canadiens jouissent d’un revenu disponible supérieur et disposent de temps de loisir plus longs après la Deuxième Guerre mondiale. Ils commencent à réclamer que des secteurs boisés plus vastes soient réservés aux loisirs. La montée des idées écologiques chez les Canadiens est intimement liée à ce mouvement. Les partisans les plus radicaux soulèvent un barrage de critiques contre l’industrie forestière à laquelle ils reprochent en particulier de se concentrer sur l’exploitation au lieu de l’intendance. L’enchaînement de ces mouvements dans le temps est ironique. Les Canadiens commencent en effet à soutenir les forestiers pour la mise en œuvre d’initiatives environnementales attendues depuis longtemps au moment même où la foresterie devient une des professions les plus stigmatisées du pays.

La foresterie assiégée : de 1970 à aujourd’hui

Depuis la naissance du mouvement écologique dans les années 1960, le secteur de la foresterie s’efforce de se défendre contre les attaques des écologistes. Ces efforts n’ont cependant pas été toujours couronnés de succès. Depuis au moins les années 1970, les pratiques forestières se sont beaucoup améliorées au Canada. De nombreuses provinces obligent aujourd’hui les entreprises qui récoltent du bois sur des terres publiques à respecter des règlements environnementaux qui sont parmi les plus stricts du monde. Les critiques axées sur l’exploitation forestière, qui ont commencé à se faire entendre durant les années 1960, s’intensifient néanmoins durant les décennies qui suivent. Les manifestations organisées au début des années 1990 pour protester contre les coupes dans les bassins hydrographiques qui entourent le détroit de Clayoquot, sur la côte ouest de l’île de Vancouver, auraient été le théâtre d’actes de désobéissance civile les plus importants de toute l’histoire du Canada. Même si la fréquence de ces campagnes a diminué en ce début de XXIe siècle, elles continuent. Le nouveau siècle a de plus apporté de nouveaux défis à l’industrie forestière canadienne, des difficultés qui se sont soldées par la fermeture de nombreuses usines et la perte de nombreux emplois. De manière prévisible, la réputation de la foresterie en tant que profession a décliné, tout comme le nombre de forestiers en activité au Canada.

Les insectes posent également un défi à l’industrie forestière. Des insectes introduits, tels que l’agrile du frêne, qui vient d’Asie, déciment plusieurs espèces de frênes au Canada depuis le début du XXIe siècle, en particulier dans les zones urbaines. De même, certains « nuisibles » indigènes, tels que le dendroctone du pin ponderosa, prospèrent grâce aux conditions qui résultent des changements climatiques et de la suppression des feux de forêt par l’homme