Nicolas Carrier | Université Jean Moulin Lyon 3 (original) (raw)
Publications by Nicolas Carrier
Comptes Rendus des séances l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour l'année 2022, 2024, p. 533-555
Les campagnes dans l’histoire. Mélanges offerts à Jean-Marc Moriceau », éd. P. Madeline, S. Skora, Caen, AHSR, 2023, t. 2, p. 471-480 (Bibliothèque d’Histoire Rurale, 14/2)
Médiévales, 81, 2022/1, p. 179-196
Il a longtemps semblé évident que l’histoire de la servitude médiévale était celle de la transfor... more Il a longtemps semblé évident que l’histoire de la servitude médiévale était celle de la transformation de l’esclavage en servage. Il y a 25 ans encore, c’était un des enjeux de la querelle dite de la « mutation de l’an mil ». On insiste davantage aujourd’hui sur la persistance de l’esclavage tout au long du Moyen Âge et on y cherche les racines de celui de la période moderne. Le servage semble avoir passé au second plan, comme un phénomène mal défini, dont on ne sait pas vraiment si c’est une condition socio-économique ou juridique. Le présent article tente de reposer le problème dans l’espoir de le clarifier, en confrontant un livre d’Alice Rio à deux essais de Francesco Panero. Celui-ci paraît avoir une conception trop stricte du servage comme un lien héréditaire à la terre. Les sources montrent qu’à la fin du Moyen Âge notamment, on en a eu des conceptions toutes différentes. Mais il a raison lorsqu’il insiste sur le fait que la frontière juridique entre liberté et servitude a toujours été très claire : on était libre ou on ne l’était pas. Alice Rio insiste quant à elle sur les multiples fonctions que remplit la qualification de servus. La servitude du haut Moyen Âge n’est pas simplement l’esclavage romain en voie de décomposition. Elle doit être comprise comme une imputation qui sert les stratégies des seigneurs. Bien qu’elle refuse d’employer ce mot pour le haut Moyen Âge, on tente de montrer que c’est cela le servage : l’imputation de servitude à des dépendants de conditions diverses.
For a long time it was considered obvious that the point of history of medieval unfreedom was the transition from slavery to serfdom. A quarter of century ago, this was one of the issues at stake in the so-called "mutation of the year one thousand" debate. Today, more emphasis is placed on the permanence of slavery, and the roots of modern slave trade are sought in the Middle Ages. Serfdom seems to have been relegated to the background as an unclear phenomenon, with little evidence of whether it is a socio-economic or legal condition. This article intends to restate the problem and possibly clarify it, by comparing a book by Alice Rio with two essays by Francesco Panero. The latter seems to have a too strict conception of serfdom as a hereditary link to land. The evidence shows that, especially in the late Middle Ages, there were other conceptions. But he is right when he insists that the legal boundary between freedom and servitude has always been very clear: you were either free or unfree. Alice Rio emphasises the multiple functions of labelling dependents as servi. Early Middle Ages servitude is not simply a decaying Roman slavery. It must be understood as an imputation that serves the strategies of landlords. Although she refuses to use the word about early Middle Ages, an attempt is made to demonstrate that this is serfdom: the imputation of servitude to dependants of various conditions.
« Alleu » est l’un des termes les plus employés pour désigner la propriété foncière au Moyen Âge ... more « Alleu » est l’un des termes les plus employés pour désigner
la propriété foncière au Moyen Âge central. Quant à
l’« alleutier », petit ou grand propriétaire libre, il est une
figure traditionnelle de l’historiographie, classiquement
opposée au vassal, au tenancier et au serf.
Les alleux sont le plus souvent documentés au moment
où ils sont absorbés par une seigneurie ; les alleutiers
semblent donc chroniquement menacés de tomber sous
la coupe de plus puissants qu’eux. Ils continuent pourtant
d’apparaître dans les sources, ce qui est généralement
interprété en termes de résistance.
Les auteurs de ce livre réévaluent les rapports de l’alleu
avec la seigneurie et la féodalité dans la France, l’Italie
et la Catalogne des Xe-XIIe siècles, c’est-à-dire avant la
redécouverte du droit romain et la formation de la doctrine
dite du « domaine divisé » qui a défini les droits respectifs
des seigneurs et des tenanciers. À la lumière des recherches
récentes sur les évolutions socio-juridiques propres à
cette période – dont l’interprétation a été profondément
renouvelée depuis vingt ans – il apparaît que l’alleu n’est pas
une butte-témoin de la propriété romaine, un îlot de liberté
qui résisterait au féodalisme avec plus ou moins de succès.
Il se distingue de la tenure ou du fief, mais imparfaitement,
inégalement selon les régions considérées. Il désigne une
terre librement conservable, transmissible et aliénable
et, en ce sens, il est bien une propriété foncière. Mais la
propriété de ce temps – comme déjà, à certains égards, celle
de Rome – doit être comprise comme relative, dépendante
de la condition personnelle du propriétaire et de sa
situation par rapport aux pouvoirs supérieurs. C’est ainsi
que peuvent être résolues les apparentes contradictions
que présente la documentation et notamment celle-ci : que
l’alleu soit par excellence la terre du noble mais qu’il puisse
pourtant appartenir à un serf.
Avec les contributions de Dominique Barthélemy, Olivier Bruand,
Nicolas Carrier, François Demotz, Sébastien Fray,
Emmanuel Huertas, Cédric Jeanneau, Philippe Lefeuvre,
Christophe Maneuvrier, Didier Panfili, Flocel Sabaté.
Alleux et alleutiers Propriété foncière, seigneurie et féodalité (France, Catalogne, Italie, Xe-XIIe siècle), textes réunis par Nicolas Carrier, Lyon, CIHAM éditions, 2021, p. 201-234
Alleux et alleutiers Propriété foncière, seigneurie et féodalité (France, Catalogne, Italie, Xe-XIIe siècle), textes réunis par Nicolas Carrier, Lyon, CIHAM éditions, 2021, p. 9-24
Libertés médiévales, dir. K. Trego, Paris, Vrin, 2021, p. 13-28
Accounts and Accountability in Late Medieval Europe: Records, Procedures, and Socio-Political Impact, dir. I. Epurescu-Pascovici, Turnhout, Brepols, 2020, p. 205-228
Établissements monastiques et canoniaux dans les Alpes du nord (Ve-XVe siècle), dir. N. Deflou-Leca, F. Demotz, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 201-212, 2020
La naissance du duché de Savoie (1416). Actes du colloque international de Chambéry (18-20 février 2016), Chambéry, Presses de l’Université Savoie Mont-Blanc, p. 335-357, 2020
La voix au Moyen Âge. 50e Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public, Paris, Editions de la Sorbonne, p. 249-264, 2020
Qu a n d l a c o m m u n a u t é p a r l e d' u n e s e u l e vo i x : p re n d re l a p a ro l e... more Qu a n d l a c o m m u n a u t é p a r l e d' u n e s e u l e vo i x : p re n d re l a p a ro l e d a n s l e s a s s e m b l é e s p a y s a n n e s à l a f i n d u Moye n  g e (A l p e s n o rd-o c c i d e n t a l e s e t Ju r a , x i i i e-xv e s i è c l e) Nicolas Carrier Le Jura et le versant nord-occidental des Alpes représentent la pointe méridionale de la partie de l'Europe où sont signalées des assemblées dans lesquelles les paysans, réunis autour de leur seigneur, disent le droit. Souvent appelées « plaids généraux », elles sont surtout attestées par des textes qualifiés de rôles ou records de coutumes. Dans les territoires correspondant à l'actuelle Suisse romande, on en trouve jusqu'à la fin du xv e siècle. Dans la partie aujourd'hui française des anciens États savoyards, outre de rares records de coutume du xiii e siècle, on a gardé, pour les siècles suivants, plusieurs décisions de justices dans le cadre d'assemblées paysannes. Un certain tour archaïque de l'institution, comme aussi les constantes références qu'on y fait au passé, plaident pour son ancienneté 1 , au point qu'on a pu chercher à retrouver dans les notices de plaid quelque écho de la « préhistoire des communautés rurales 2 ». Néanmoins, on ne croit plus aujourd'hui, comme au temps où Jacob Grimm entreprenait d'éditer systématiquement les Weistümer 3 , que ces textes sont la première trace écrite d'un droit coutumier immémorial. On les voit plutôt comme des
Histoire et Sociétés Rurales, 51, p. 7-40, 2019
Abstract : Ever since the studies by Georges Duby and Otto Gerhard Oexle, Adalberon of Laon's Ca... more Abstract : Ever since the studies by Georges Duby and Otto Gerhard Oexle, Adalberon of Laon's Carmen ad Robertum is regarded as one of the main witnesses to the theory of the Three Orders of society in the Early Middle Ages. Nevertheless, it is surprising that he considers all laboratores to be serfs, which does not seem to correspond to the social and legal reality of his time. It is thought that other authors, such as Rathier of Verona in his Praeloquia, were able to better portray the diversity of the peasant world, and in particular to distinguish between free and enslaved workers. By re-examining these two texts and contextualizing them, we show here that these two authors, who wrote a century apart, should not be opposed, but that they are two witnesses to a general and progressive imputation of servitude to the peasantry. Adalberon and Rathier reflect the inability of European elites to think that a labourer could be truiy free, especially if he was a tenant and subject to his landowner's justice. This way of thinking is the mental foundation of the birth ofserfdom. It influenced the law when landowners trade peasants that they regard as their property.
Résumé : Depuis les travaux de Georges Duby et Otto Gerhard Oexle, le Carmen ad Robertum d’Adalbéron de Laon est considéré comme un des principaux témoins de la théorie des trois ordres au Moyen Âge central. Néanmoins, on s’étonne qu’il considère tous les laboratores comme des serfs, ce qui ne paraît pas correspondre à la réalité sociale et juridique de son temps. On pense que d’autres auteurs, comme Rathier de Vérone dans ses Praeloquia, ont su mieux dépeindre la diversité du monde paysan, et noter notamment le clivage entre travailleurs libres et asservis. Par le réexamen de ces deux textes et leur mise en contexte, on montre ici que ces auteurs, qui écrivent à un siècle d’intervalle, ne doivent pas être opposés mais qu’ils sont deux témoins d’une progressive imputation générale de servitude à la paysannerie. Adalbéron, et déjà Rathier avant lui, reflètent une incapacité des élites européennes à penser qu’un travailleur de la terre puisse être vraiment libre, surtout s’il est tenancier et soumis à la justice de son seigneur. Ce trait de mentalité est le fondement intellectuel de la naissance du servage. Il devient un fait de droit lorsque les seigneurs s’échangent les paysans qu’ils considèrent comme leur propriété.
La loi du Prince. La norma del Principe, I, Les Statuts de Savoie d’Amédée VIII de 1430. Une oeuvre législative majeure, dir. F. Morenzoni et M. Caesar, Torino, Deputazione subalpina di storia patria, 2019, p. 213-231 (BSS, 228/1)
Jessika Nowak; Jan Rüdiger. Zwischen Basel und Marseille: das Burgund der Rudolfinger (9.–11. Jahrhundert). De Bâle à Marseille: l’espace bourguignon à l’époque rodolphienne (IXe –XIe siècles), Schwabe Verlag, pp.74-100, 2019
Jean-Claude Rebetez: Le diocèse de Bâle et la province de Besançon des origines au XI e siècledes... more Jean-Claude Rebetez: Le diocèse de Bâle et la province de Besançon des origines au XI e siècledes liens faibles et mal connus ..
Nicolas Weil-Parot, Véronique Sales. Le vrai visage du Moyen Age. Au-delà des idées reçues, Vendémiaire, pp.107-126, 2017
Guido Castelnuovo, Sandrine Victor. L'Histoire à la source : acter, compter, enregistrer (Catalogne, Savoie, Italie, XIIe-XVe siècle). Mélanges offerts à Christian Guilleré, Université Savoie Mont Blanc, pp.463-479, 2017
36 L'Histoire à La source : acter, compter, enregistrer (cataLogne, savoie, itaLie, Xii e -Xv e s... more 36 L'Histoire à La source : acter, compter, enregistrer (cataLogne, savoie, itaLie, Xii e -Xv e siècLe) méLanges offerts à cHristian guiLLeré Volume 1 TexTes réunis eT édiTés par Guido CasTelnuoVo eT sandrine ViCTor laboraToire lanGaGes, liTTéraTures, soCiéTés, éTudes TransfronTalières eT inTernaTionales ColleCTion SoCiéTés, reliGions, poliTiques N° 36 © Université Savoie Mont Blanc
La terre à l'époque romane. Exploitations, usages et représentations. Actes du 24e colloque international d'art roman (Issoire, 17-19 octobre 2014), 2016, Clermont-Ferrand, France. pp.145-159
Maïté Billoré, Johann Picot. Dans le secret des archives. Justice, ville et culture au Moyen Âge. Sources et commentaires, Presses universitaires de Rennes, pp.99-128., 2014
Dominique Barthélemy, Jean-Marie Martin (dir.), Richesse et croissance au Moyen Âge: 0rient et 0ccident, Paris, 2013, pp. 245-262
Paris, Presses de l'Université Paris Sorbonne, 2012
Le Dauphiné, la Savoie et la Suisse romande forment le cœur du royaume de Bourgogne, qui remonte ... more Le Dauphiné, la Savoie et la Suisse romande forment le cœur du royaume de Bourgogne, qui remonte originairement à l’installation des Burgondes au Ve siècle et dont le souvenir s’est conservé jusqu’à la fin du Moyen Âge. Malgré les bouleversements que ces régions ont pu connaître dans l’intervalle, les sources y font constamment référence au clivage entre les hommes libres et les hommes asservis.
Le royaume de Bourgogne est donc un terrain d’observation privilégié pour considérer les avatars successifs de la servitude au long du millénaire médiéval et pour proposer une réponse à la question controversée des origines et de la nature du servage. À l’esclavage encore codifié dans les lois burgondes succède en effet le servage, dont on peut faire remonter les origines au VIIIe siècle. C’est une servitude nouvelle dont l’esclavage est le modèle plutôt que la source, et qui consiste à considérer dans certaines circonstances que les paysans sont la propriété du seigneur dont ils dépendent.
Car les seigneurs utilisent dorénavant le vocabulaire et le droit de la servitude en les appliquant à des réalités qui ne sont plus celles de l’esclavage. Aux Xe-XIIe siècles, le servage a pour fonction de répartir et hiérarchiser leurs droits de juridiction sur leurs dépendants. À la fin du Moyen Âge, il leur sert surtout à limiter, imparfaitement d’ailleurs, l’érosion des revenus seigneuriaux.
Comptes Rendus des séances l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour l'année 2022, 2024, p. 533-555
Les campagnes dans l’histoire. Mélanges offerts à Jean-Marc Moriceau », éd. P. Madeline, S. Skora, Caen, AHSR, 2023, t. 2, p. 471-480 (Bibliothèque d’Histoire Rurale, 14/2)
Médiévales, 81, 2022/1, p. 179-196
Il a longtemps semblé évident que l’histoire de la servitude médiévale était celle de la transfor... more Il a longtemps semblé évident que l’histoire de la servitude médiévale était celle de la transformation de l’esclavage en servage. Il y a 25 ans encore, c’était un des enjeux de la querelle dite de la « mutation de l’an mil ». On insiste davantage aujourd’hui sur la persistance de l’esclavage tout au long du Moyen Âge et on y cherche les racines de celui de la période moderne. Le servage semble avoir passé au second plan, comme un phénomène mal défini, dont on ne sait pas vraiment si c’est une condition socio-économique ou juridique. Le présent article tente de reposer le problème dans l’espoir de le clarifier, en confrontant un livre d’Alice Rio à deux essais de Francesco Panero. Celui-ci paraît avoir une conception trop stricte du servage comme un lien héréditaire à la terre. Les sources montrent qu’à la fin du Moyen Âge notamment, on en a eu des conceptions toutes différentes. Mais il a raison lorsqu’il insiste sur le fait que la frontière juridique entre liberté et servitude a toujours été très claire : on était libre ou on ne l’était pas. Alice Rio insiste quant à elle sur les multiples fonctions que remplit la qualification de servus. La servitude du haut Moyen Âge n’est pas simplement l’esclavage romain en voie de décomposition. Elle doit être comprise comme une imputation qui sert les stratégies des seigneurs. Bien qu’elle refuse d’employer ce mot pour le haut Moyen Âge, on tente de montrer que c’est cela le servage : l’imputation de servitude à des dépendants de conditions diverses.
For a long time it was considered obvious that the point of history of medieval unfreedom was the transition from slavery to serfdom. A quarter of century ago, this was one of the issues at stake in the so-called "mutation of the year one thousand" debate. Today, more emphasis is placed on the permanence of slavery, and the roots of modern slave trade are sought in the Middle Ages. Serfdom seems to have been relegated to the background as an unclear phenomenon, with little evidence of whether it is a socio-economic or legal condition. This article intends to restate the problem and possibly clarify it, by comparing a book by Alice Rio with two essays by Francesco Panero. The latter seems to have a too strict conception of serfdom as a hereditary link to land. The evidence shows that, especially in the late Middle Ages, there were other conceptions. But he is right when he insists that the legal boundary between freedom and servitude has always been very clear: you were either free or unfree. Alice Rio emphasises the multiple functions of labelling dependents as servi. Early Middle Ages servitude is not simply a decaying Roman slavery. It must be understood as an imputation that serves the strategies of landlords. Although she refuses to use the word about early Middle Ages, an attempt is made to demonstrate that this is serfdom: the imputation of servitude to dependants of various conditions.
« Alleu » est l’un des termes les plus employés pour désigner la propriété foncière au Moyen Âge ... more « Alleu » est l’un des termes les plus employés pour désigner
la propriété foncière au Moyen Âge central. Quant à
l’« alleutier », petit ou grand propriétaire libre, il est une
figure traditionnelle de l’historiographie, classiquement
opposée au vassal, au tenancier et au serf.
Les alleux sont le plus souvent documentés au moment
où ils sont absorbés par une seigneurie ; les alleutiers
semblent donc chroniquement menacés de tomber sous
la coupe de plus puissants qu’eux. Ils continuent pourtant
d’apparaître dans les sources, ce qui est généralement
interprété en termes de résistance.
Les auteurs de ce livre réévaluent les rapports de l’alleu
avec la seigneurie et la féodalité dans la France, l’Italie
et la Catalogne des Xe-XIIe siècles, c’est-à-dire avant la
redécouverte du droit romain et la formation de la doctrine
dite du « domaine divisé » qui a défini les droits respectifs
des seigneurs et des tenanciers. À la lumière des recherches
récentes sur les évolutions socio-juridiques propres à
cette période – dont l’interprétation a été profondément
renouvelée depuis vingt ans – il apparaît que l’alleu n’est pas
une butte-témoin de la propriété romaine, un îlot de liberté
qui résisterait au féodalisme avec plus ou moins de succès.
Il se distingue de la tenure ou du fief, mais imparfaitement,
inégalement selon les régions considérées. Il désigne une
terre librement conservable, transmissible et aliénable
et, en ce sens, il est bien une propriété foncière. Mais la
propriété de ce temps – comme déjà, à certains égards, celle
de Rome – doit être comprise comme relative, dépendante
de la condition personnelle du propriétaire et de sa
situation par rapport aux pouvoirs supérieurs. C’est ainsi
que peuvent être résolues les apparentes contradictions
que présente la documentation et notamment celle-ci : que
l’alleu soit par excellence la terre du noble mais qu’il puisse
pourtant appartenir à un serf.
Avec les contributions de Dominique Barthélemy, Olivier Bruand,
Nicolas Carrier, François Demotz, Sébastien Fray,
Emmanuel Huertas, Cédric Jeanneau, Philippe Lefeuvre,
Christophe Maneuvrier, Didier Panfili, Flocel Sabaté.
Alleux et alleutiers Propriété foncière, seigneurie et féodalité (France, Catalogne, Italie, Xe-XIIe siècle), textes réunis par Nicolas Carrier, Lyon, CIHAM éditions, 2021, p. 201-234
Alleux et alleutiers Propriété foncière, seigneurie et féodalité (France, Catalogne, Italie, Xe-XIIe siècle), textes réunis par Nicolas Carrier, Lyon, CIHAM éditions, 2021, p. 9-24
Libertés médiévales, dir. K. Trego, Paris, Vrin, 2021, p. 13-28
Accounts and Accountability in Late Medieval Europe: Records, Procedures, and Socio-Political Impact, dir. I. Epurescu-Pascovici, Turnhout, Brepols, 2020, p. 205-228
Établissements monastiques et canoniaux dans les Alpes du nord (Ve-XVe siècle), dir. N. Deflou-Leca, F. Demotz, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 201-212, 2020
La naissance du duché de Savoie (1416). Actes du colloque international de Chambéry (18-20 février 2016), Chambéry, Presses de l’Université Savoie Mont-Blanc, p. 335-357, 2020
La voix au Moyen Âge. 50e Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public, Paris, Editions de la Sorbonne, p. 249-264, 2020
Qu a n d l a c o m m u n a u t é p a r l e d' u n e s e u l e vo i x : p re n d re l a p a ro l e... more Qu a n d l a c o m m u n a u t é p a r l e d' u n e s e u l e vo i x : p re n d re l a p a ro l e d a n s l e s a s s e m b l é e s p a y s a n n e s à l a f i n d u Moye n  g e (A l p e s n o rd-o c c i d e n t a l e s e t Ju r a , x i i i e-xv e s i è c l e) Nicolas Carrier Le Jura et le versant nord-occidental des Alpes représentent la pointe méridionale de la partie de l'Europe où sont signalées des assemblées dans lesquelles les paysans, réunis autour de leur seigneur, disent le droit. Souvent appelées « plaids généraux », elles sont surtout attestées par des textes qualifiés de rôles ou records de coutumes. Dans les territoires correspondant à l'actuelle Suisse romande, on en trouve jusqu'à la fin du xv e siècle. Dans la partie aujourd'hui française des anciens États savoyards, outre de rares records de coutume du xiii e siècle, on a gardé, pour les siècles suivants, plusieurs décisions de justices dans le cadre d'assemblées paysannes. Un certain tour archaïque de l'institution, comme aussi les constantes références qu'on y fait au passé, plaident pour son ancienneté 1 , au point qu'on a pu chercher à retrouver dans les notices de plaid quelque écho de la « préhistoire des communautés rurales 2 ». Néanmoins, on ne croit plus aujourd'hui, comme au temps où Jacob Grimm entreprenait d'éditer systématiquement les Weistümer 3 , que ces textes sont la première trace écrite d'un droit coutumier immémorial. On les voit plutôt comme des
Histoire et Sociétés Rurales, 51, p. 7-40, 2019
Abstract : Ever since the studies by Georges Duby and Otto Gerhard Oexle, Adalberon of Laon's Ca... more Abstract : Ever since the studies by Georges Duby and Otto Gerhard Oexle, Adalberon of Laon's Carmen ad Robertum is regarded as one of the main witnesses to the theory of the Three Orders of society in the Early Middle Ages. Nevertheless, it is surprising that he considers all laboratores to be serfs, which does not seem to correspond to the social and legal reality of his time. It is thought that other authors, such as Rathier of Verona in his Praeloquia, were able to better portray the diversity of the peasant world, and in particular to distinguish between free and enslaved workers. By re-examining these two texts and contextualizing them, we show here that these two authors, who wrote a century apart, should not be opposed, but that they are two witnesses to a general and progressive imputation of servitude to the peasantry. Adalberon and Rathier reflect the inability of European elites to think that a labourer could be truiy free, especially if he was a tenant and subject to his landowner's justice. This way of thinking is the mental foundation of the birth ofserfdom. It influenced the law when landowners trade peasants that they regard as their property.
Résumé : Depuis les travaux de Georges Duby et Otto Gerhard Oexle, le Carmen ad Robertum d’Adalbéron de Laon est considéré comme un des principaux témoins de la théorie des trois ordres au Moyen Âge central. Néanmoins, on s’étonne qu’il considère tous les laboratores comme des serfs, ce qui ne paraît pas correspondre à la réalité sociale et juridique de son temps. On pense que d’autres auteurs, comme Rathier de Vérone dans ses Praeloquia, ont su mieux dépeindre la diversité du monde paysan, et noter notamment le clivage entre travailleurs libres et asservis. Par le réexamen de ces deux textes et leur mise en contexte, on montre ici que ces auteurs, qui écrivent à un siècle d’intervalle, ne doivent pas être opposés mais qu’ils sont deux témoins d’une progressive imputation générale de servitude à la paysannerie. Adalbéron, et déjà Rathier avant lui, reflètent une incapacité des élites européennes à penser qu’un travailleur de la terre puisse être vraiment libre, surtout s’il est tenancier et soumis à la justice de son seigneur. Ce trait de mentalité est le fondement intellectuel de la naissance du servage. Il devient un fait de droit lorsque les seigneurs s’échangent les paysans qu’ils considèrent comme leur propriété.
La loi du Prince. La norma del Principe, I, Les Statuts de Savoie d’Amédée VIII de 1430. Une oeuvre législative majeure, dir. F. Morenzoni et M. Caesar, Torino, Deputazione subalpina di storia patria, 2019, p. 213-231 (BSS, 228/1)
Jessika Nowak; Jan Rüdiger. Zwischen Basel und Marseille: das Burgund der Rudolfinger (9.–11. Jahrhundert). De Bâle à Marseille: l’espace bourguignon à l’époque rodolphienne (IXe –XIe siècles), Schwabe Verlag, pp.74-100, 2019
Jean-Claude Rebetez: Le diocèse de Bâle et la province de Besançon des origines au XI e siècledes... more Jean-Claude Rebetez: Le diocèse de Bâle et la province de Besançon des origines au XI e siècledes liens faibles et mal connus ..
Nicolas Weil-Parot, Véronique Sales. Le vrai visage du Moyen Age. Au-delà des idées reçues, Vendémiaire, pp.107-126, 2017
Guido Castelnuovo, Sandrine Victor. L'Histoire à la source : acter, compter, enregistrer (Catalogne, Savoie, Italie, XIIe-XVe siècle). Mélanges offerts à Christian Guilleré, Université Savoie Mont Blanc, pp.463-479, 2017
36 L'Histoire à La source : acter, compter, enregistrer (cataLogne, savoie, itaLie, Xii e -Xv e s... more 36 L'Histoire à La source : acter, compter, enregistrer (cataLogne, savoie, itaLie, Xii e -Xv e siècLe) méLanges offerts à cHristian guiLLeré Volume 1 TexTes réunis eT édiTés par Guido CasTelnuoVo eT sandrine ViCTor laboraToire lanGaGes, liTTéraTures, soCiéTés, éTudes TransfronTalières eT inTernaTionales ColleCTion SoCiéTés, reliGions, poliTiques N° 36 © Université Savoie Mont Blanc
La terre à l'époque romane. Exploitations, usages et représentations. Actes du 24e colloque international d'art roman (Issoire, 17-19 octobre 2014), 2016, Clermont-Ferrand, France. pp.145-159
Maïté Billoré, Johann Picot. Dans le secret des archives. Justice, ville et culture au Moyen Âge. Sources et commentaires, Presses universitaires de Rennes, pp.99-128., 2014
Dominique Barthélemy, Jean-Marie Martin (dir.), Richesse et croissance au Moyen Âge: 0rient et 0ccident, Paris, 2013, pp. 245-262
Paris, Presses de l'Université Paris Sorbonne, 2012
Le Dauphiné, la Savoie et la Suisse romande forment le cœur du royaume de Bourgogne, qui remonte ... more Le Dauphiné, la Savoie et la Suisse romande forment le cœur du royaume de Bourgogne, qui remonte originairement à l’installation des Burgondes au Ve siècle et dont le souvenir s’est conservé jusqu’à la fin du Moyen Âge. Malgré les bouleversements que ces régions ont pu connaître dans l’intervalle, les sources y font constamment référence au clivage entre les hommes libres et les hommes asservis.
Le royaume de Bourgogne est donc un terrain d’observation privilégié pour considérer les avatars successifs de la servitude au long du millénaire médiéval et pour proposer une réponse à la question controversée des origines et de la nature du servage. À l’esclavage encore codifié dans les lois burgondes succède en effet le servage, dont on peut faire remonter les origines au VIIIe siècle. C’est une servitude nouvelle dont l’esclavage est le modèle plutôt que la source, et qui consiste à considérer dans certaines circonstances que les paysans sont la propriété du seigneur dont ils dépendent.
Car les seigneurs utilisent dorénavant le vocabulaire et le droit de la servitude en les appliquant à des réalités qui ne sont plus celles de l’esclavage. Aux Xe-XIIe siècles, le servage a pour fonction de répartir et hiérarchiser leurs droits de juridiction sur leurs dépendants. À la fin du Moyen Âge, il leur sert surtout à limiter, imparfaitement d’ailleurs, l’érosion des revenus seigneuriaux.