la Passion selon Sade à l'Athénée-Louis-Jouvet (original) (raw)
Paris, 23 novembre, par Frédéric Norac ——
Mystère sadomasochiste : La Passion selon Sade à l'Athénée-Louis-Jouvet
La passion selon Sade. Photographie © Sandy Korzekwa.
Créée en 1965 par la grande Cathy Berberian, La Passion selon Sade est un monodrame pour une voix féminine et ensemble de chambre au sous-titre on ne peut plus évocateur, « mystère de chambre avec tableaux vivants ». Baptisée Justine O Juliette, le personnage central incarne les deux faces de la féminité « sadienne », la Vierge et la Putain, la pure et la perverse, la vertu torturée et le vice jouissant. C’est une longue mélopée, pétrie de râles, de cris, de gémissements, de plaintes, de soupirs, de rires, de gloussements, de feulements, que vocalise à chacune de ces interventions le personnage dans une sorte de belcanto sauvage et indécent dont le support textuel, extrait du sonnet II de Louise Labbé, reste tout à fait incompréhensible. À ce personnage unique, le metteur en scène Antoine Gindt a ajouté une figure masculine, évocation du Divin Marquis, qui après un discours à l’avant-scène sur la religion et la vertu, extrait de « Français, encore un effort pour être révolutionnaires », va monter sur scène et se mettre à nu pour que puisse commencer, sur fond d'un prélude d'orgue, la représentation de ce mystère sadomasochiste où il est impossible de savoir qui, du « bourreau » ou de la « victime », domine l'autre et où, du reste, au finale, la femme « soumise » du début écrasera l'homme couché et désarmé à ses pieds.
De cette représentation risquée (et du reste déconseillée aux moins de seize ans), la soprano Raquel Camarinha, d'une virtuosité vocale et d'une sensualité captivantes, et le comédien Eric Houzelot se tirent avec brio : lui totalement crédible dans ce mélange de terreur et de ridicule que suscite le spectacle de la perversion, elle fascinante dans son mixte ambigu de souffrance et de plaisir, de provocation et de soumission.
La passion selon Sade. Photographie © Sandy Korzekwa.
Sur le plateau, les huit musiciens de l'Ensemble Multilatérale conduits par Léon Warynski font plus qu'accompagner cet étrange rituel, ils y participent comme les invités d'une fête mondaine dont les bavardages et les rires viennent contrepointer le puissant silence du désir souverain et muet. La partition de Sylvano Bussotti, de type aléatoire, laisse une grande part de responsabilité à l'interprète. Elle réunit des pièces antérieures du compositeur touche-à-tout dont le fameux « Rara », pour flûte solo, génialement interprété par Matteo Cesari. La musique ici est tout à la fois décor, ambiance, évocation de l'intériorité des personnages. Dans sa simplicité, le dispositif scénique d'Élise Capdenat, une méridienne et un fauteuil, exactement comme pour la passe psychanalytique, et un jeu de rideaux et des lumières d'une grande subtilité, créent l'espace intime et spectaculaire de cette scène fantasmée et emmènent le spectateur, une heure durant, dans un univers fascinant où passe effectivement l'esprit de Sade. Du grand théâtre musical
Représentations jusqu'au 26 novembre
Théâtre de Caen, 26 mai 2018
MC2 Grenoble, 7 juin 2018
Frédéric Norac 23 novembre 2017
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Mardi 17 Septembre, 2024