Trois hommes dans les ténèbres : The Lighthouse de Peter Maxwell Davies (original) (raw)

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 21 avril 2017, par Frédéric Norac ——

The Lighthouse. Photographie © Jean-Didier Tiberghien.The Lighthouse. Photographie © Jean-Didier Tiberghien.

Est-ce la langue anglaise, l'effectif orchestral — un simple quatuor à cordes et quelques pupitres de vents, renforcés d'un piano et d'un célesta, d'une guitare et d'un banjo et des percussions — et la distribution exclusivement masculine — un ténor, un baryton et une basse ? Ce petit opéra de chambre d'à peine une heure dix composé en 1970 n'est pas sans évoquer le Britten des Paraboles d'église mais ici le propos est tout autre que mystique et ne parle pas de rédemption. Il raconte l'histoire d'un enfermement et d'une damnation collective.

Dans son livret, le compositeur Peter Maxwell Davies, s'intéresse à un fait réel survenu vers 1900 dans les Orcades, la disparition pure et simple restée inexpliquée des trois gardiens du phare des îles Flannen.

Si la première partie basée sur les interrogatoires des témoins oculaires — les marins du navire ravitailleur Hesperus ayant constaté la disparition — parait au prime abord un peu sage et monotone, lorsque l'imaginaire du compositeur entre en action et se propose d'expliquer cette disparition et ses motifs, reconstituant la dernière nuit des gardiens, son sens de la tension dramatique entre en action et entraîne le spectateur et l'auditeur dans un univers violent où se conjuguent les forces de la nature, l'inconscient des personnages et une force occulte mal identifiée mais qui semble être la matérialisation terrifiante de la culpabilité qui va les conduire à l'anéantissement.

The Lighthouse. Photographie © Jean-Didier Tiberghien.The Lighthouse. Photographie © Jean-Didier Tiberghien.

On l'aura compris, ce sont bien sûr les mêmes chanteurs qui troquent à mi-chemin leurs habits de marins contre ceux des gardiens du phare. Chacun d'entre eux semble obsédé par un souvenir violent : celui qui a assassiné une vieille femme dans son enfance, celui qui a enfreint le tabou de l'homosexualité et enfin le dernier enfoncé dans un mysticisme obscurantiste et terrifiant. À chacun le compositeur offre un monologue sous forme de chanson pour se dévoiler et dont le caractère parodique — chanson gaillarde, chanson d'amour, cantique — introduit une note d'humour grinçant. Plus l'action avance et plus le matériau orchestral s'enrichit d'éléments contradictoires exprimant la montée de l'angoisse chez les protagonistes.

La mise en scène d'Alain Patiès fait reposer le drame sur un dispositif scénique simplifié, un plateau circulaire surélevé suggérant l'espace du phare dont la base lumineuse clignotante s'affole tandis que la tension monte. Il faut saluer la performance des trois protagonistes — Christophe Crapez, Paul Alexandre Dubois, deux grands « routiers » du théâtre musical, et un jeune nouveau venu à la belle voix de basse, Nathanaël Kahn. Tous les trois sont aussi captivants que leurs personnages sont pathétiques. Les douze instrumentistes de l'ensemble Ars Nova sous la direction de Philippe Nahon font preuve d'une remarquable virtuosité dans une partition exigeante et sont pour beaucoup dans la réussite de ce spectacle sobre et d'une belle efficacité qui réconcilie habilement théâtre et musique « contemporaine ».

Prochaines représentations les 27 et 28 avril.

Frédéric Norac 26 avril 2017


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