Aurélien Bory et la Cie 111 Espaece ou la surréalisation de l'espace et du temps (original) (raw)

Caen, 7 avril 2018 —— Alain Lambert.

Espaece. Photographie © Aglaé bory.Espaece. Photographie © Aglaé bory.

Espaece_,_ contraction d'espace et d'espèce, en hommage à George Perec et à son livre Espèces d'espaces où il résume et ébauche un grand nombre de ses recherches oulipiennes. Un spectacle d'Aurélien Bory toujours aussi inventif, entre Oulipo et surréalisme, qui cherche à confronter l'espace de l'écriture à celui de la scène, en utilisant les ressources du lieu théâtral, les supports et paravents du décor, avec ses diverses composantes comme la musique vocale, l'opéra, le cirque, la danse, le mime...

Après un intermède de suspension mobile et dansé, les cinq acteurs, dont deux chanteurs et trois acrobates, plus les deux techniciens, manipulent un alphabet insolite et évident pour écrire, sur la grande paroi grise comme une page blanche, la phrase clé de l'avant-propos de l'écrivain : Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner.

Puis, l'immense mur mobile déformant devient le pivot autour / dans / sous / sur / avec lequel les acteurs vont devoir composer avec souplesse et humour toute une suite de tableaux plus ou moins angoissants, entre rêve et cauchemar. D'autant que parmi eux, l'ancienne Caennaise Claire Lefilliâtre nous chante à voix nue, avec grande émotion, de longs passages du Voyage d'hiver de Schubert, une allégorie du dernier voyage.

L'objet roulant non identifié se transforme aussi en bibliothèque aux lecteurs bizarres, après s'être déformé en rues, immeubles, parois menaçante s'avançant jusqu'au public, dans un roulement vibrant accompagné d'une nappe électro de Joan Cambon, ondoyant en intensité et en volume parfois jusqu'à l'insoutenable.

Un autre moment musical remarquable, la performance de l'acteur et ténor Olivier Martin Salvan qui nous chante, mime et bruite dans une parodie d'opéra allemand quasi wagnérien la guerre, les jeux d'enfants du jeune Perec, le dernier repas avec sa mère puis tout le parcours quand elle traverse Paris occupé pour l'emmener à la gare d'où il pourra rejoindre la zone libre. Son père, réfugié juif, est déjà disparu en s'engageant pour la France, et sa mère sera déportée un peu plus tard, il ne la reverra pas. Un souvenir d'enfance qu'il raconte dans W, et le Kaddish de Ravel chanté en duo, ténor et soprano, conclut cette intrigante scène.

Puis revient le Voyage d'hiver pendant que se met en place un étrange alphabet mécanique fluo qui va laisser ses traces sur l'immense page devenue noire, en quelques mots croisés énigmatiques.

Un très beau spectacle existentiel et surréaliste qui sera encore joué en juin en Hollande.

D'autres spectacles encore dans le cadre de Spring, festival des nouvelles formes de cirque en Normandie, à retrouver sur leur site jusqu'au 18 avril.

Et à venir au théâtre de Caen, en danse pour rester dans cette dimension de l'espace et du corps :

Oh Louis, de Robin Orlin les 29 et 30 mai, et My Ladies Rock, de Jean Claude Gallotta les 5 et 6 juin.

plume 14 Alain Lambert 7 avril 2018


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Samedi 19 Octobre, 2024

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