L'Intercontinental Orchestra ou la rencontre des musiques du monde (original) (raw)
Colombelles, 17 février 2018 ——
L'Intercontinental Orchestra à Colombelles. Photographie © A. L.
Accueillis en résidence à la Ferme Culturelle du Bessin par Guillaume à la batterie et Anthony à la basse / contrebasse et au chant, Bakur (Géorgie) au pandouri, à la flûte, au chant, Sokhol (Albanie) à la clarinette, Mostafa (Afghanistan) à l'harmunia, au chant et Mané (Mauritanie) à la guitare, au chant, se sont retrouvés au sein de l'Intercontinental Orchestra l'automne dernier. Pour mettre leurs musiques en commun, les arranger et les chanter ensemble. A six, ils représentent l'Asie, l'Afrique et l'Europe, de l'Est et de l'Ouest, toute l'échelle du dénuement à la richesse et aux privilèges. Mais ils ont en commun la richesse culturelle, et le plaisir de la partager.
Et pour clore le festival « À partir du réel », le bien nommé, la médiathèque de Colombelles les recevait ce vendredi, ce qui représente bien sûr un acte politique, la veille d'une manifestation à Caen, la préfecture voisine, pour l'accueil digne des migrants, en particulier à Ouistreham, à vingt kilomètres à peine, le port des rêveurs d'Angleterre.
Sokhol à la clarinette, entre doudouk et klezmer, balance en ouverture un morceau très rythmé dont les couplets permettent, tour à tour ou ensemble, à Mustafa en afghan et à Mané en mauritanien d'improviser une sorte de slam chanté.
Bakur, s'accompagnant au panduri, petite mandole à trois cordes, nous entraine, lui, dans une ballade géorgienne, avec contrechant de clarinette. Ensuite, c'est au flutiau qu'il poursuivra son chant.
La voix de Mostafa est chamarrée de toutes les traditions orales de sa région et nous emporte très loin dans un pays où il n'est pas toujours facile de partager sa musique. Il s'accompagne à l'harmunia, un petit harmonium à soufflet.
Avec Mané, compositeur empreint de tradition, la guitare devient africaine et résonne comme une kora, et la voix raconte un autre monde, d'autres destins.
Le batteur s'adapte à toutes ces ambiances et se permet un joli solo tout en tambours. Il fait le lien comme Sokhol avec sa clarinette.
Quant au contrebassiste, son instrument palpite comme un grand coeur battant et dirige un peu l'ensemble. Sa reprise de Au suivant_,_ de Brel, prend une couleur différente de l'original, plus sombre, quand ses compagnons reprennent de leurs voix aux divers accents ce « au suivant » lugubre. On ne peut s'empêcher d'imaginer un autre « bordel », bureaucratique et tracassier, dans lequel la « queue » administrative voit défiler dès tôt le matin, une foule de personnes résignées se succédant, la plupart du temps pour rien, invisibles et humiliées.
Un orchestre fraternel et rayonnant qu'il faut faire entendre et jouer plus souvent.
L'Intercontinental Orchestra à Colombelles. Photographie © A. L.
Alain Lambert 17 février 2018
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