Au Tombeau de Toutankhamon, poème symphonique d'Alexandre Denéréaz (original) (raw)
13 avril 2019 —— Jean-Marc Warszawski.
Alexandre Dénéreaz, 1. Au tombeau de Tut-Ankh-Amon, 2. Le rêve, 3. Scènes de la vie du cirque, Orchestre symphonique de Volgograd, sous la directrion d'Emmanuel Siffert. Gallo 2006 (GALLO CD 1227).
Enregistré en septembre-octobre 2006, à l'Auditorium central de Volgograd.
Ce cédé, enregistré en 2006 n’est pas vraiment une nouveauté discographique, mais l’une des trois œuvres symphoniques qui y sont gravées, Au tombeau de Tut-Ankh-Amon [plage 1], s’inscrit dans l’actualité culturelle Parisienne avec l’exposition des merveilles du tombeau de Toutankhamon, jusqu’au 15 septembre dans la Grande halle de la Villette.
Voici près de cent ans, le 4 novembre 1922, l’archéologue Howard Carter trouva l’entrée de la célèbre sépulture, vingt jours plus tard il atteignit les chambres funéraires remplies par plus de 2000 objets, enfin, une tombe qui n’avait pas été pillée sur les soixante-deux recensées dans la Vallée des rois. Cette découverte, entourée de récits fabuleux, même de malédictions, impressionna le monde entier et enflamma les imaginations. Alexandre Denéréaz acheva son poème symphonique en juin 1925. Il fut créé à Lausanne, en 1926, par l’Orchestre de la Suisse romande, sous la direction d’Ernest Ansermet.
Né à Lausanne en 1875, Alexandre Denéréaz, de parents musiciens, oscille un temps entre Beaux-Arts et Beaux-Sons, décide (ou se fait parentalement décider) à l’âge de 17 ans, parachever à Dresden des études d’orgue et de composition commencées au Conservatoire de Lausanne. De retour dans sa ville natale en 1896, il y obtient aussitôt la tribune de l’église Saint-François et une classe d’orgue et de composition au Conservatoire, où il aura, entre autres, Ernest Ansermet comme élève. Il anime la vie musicale en dirigeant des chœurs et en organisant des concerts avec la participation de solistes célèbres. Son catalogue compte près de 140 numéros, dont beaucoup d’œuvres vocales, composées dans le cadre de ses activités de chef de chœur.
Alexandre Denéréaz.
Sa maîtrise d’une orchestration somptueuse saute de suites aux oreilles. Alexandre Denéréaz est un compositeur qui reprend ici l’histoire de la musique de Tchaïkovski jusqu’à Prokofiev, ignorant le chromatisme des Choppin, Liszt ou Wagner. Cette fibre Russophilie est assez étonnante pour un Suisse s’étant fait vacciner à Dresden. Si les premières mesures d’Au tombeau de Tut-Ankh-Amon sont un peu péplum avec appels de trompes et timbales, une emphase brève qui ressurgit de loin en loin, un beau thème un peu sombre prend rapidement les commandes d’une belle construction cyclique aux allures énigmatiques.
Le rêve [plage 2], composé 14 ans plus tôt, n’a pas cet aspect russophile. On y retrouve le beau sens mélodique dans les thèmes, avec un écho quelque peu impressionniste français submergé par un clair-obscur dramatique melange d’expressionnisme et d’art nouveau (on dit aussi néo baroque) où rutilent les cuivres. Il y a un cousinage avec le Richard Strauss de Der Rosenkavalier (1911), dans la sophistication des textures sonores de l’orchestre, contredisant, dans l’expression, la sagesse harmonique.
Les Scènes de la vie du cirque [plages 3-12], de 1911, sont une suite (variations) de neuf tableaux s’inspirant de divers numéros : 1. Introduction, 2. Les jongleurs, 3. Entrée des athlètes, 4. Les athlètes, 5. L'homme serpent, 6. La belle écuère, 7. Le clown, 8. Les Africains, 9. Danse africaine, 10. Épilogue, autant de prétextes à des exercices sylistiques virtuoses et d’inventions sonores plutôt qu'illustrations réalistes, qui valent le déplacement, qui hissent l’orchestration, les timbres, leurs successions et mélanges, au niveau des autres paramètres expressifs, mélodie, harmonie, rythme. Le genre d’exercice qui a pu laisser imaginer la possibilité de « mélodies de timbres » (Schönberg). On peut en discuter, mais composition de timbres certainement, dans la mixture et la disposition. Le mépris banalisé pour Richard Strauss abandonnant le chromatisme wagnérien est en fait la réduction de la musique à la seule harmonie. Mais l’orchestre coûte cher… Ce sont là pour le compositeur, des explorations qui risquent de rester dans les cartons.
Il y a ici bien des épisodes qui font à nouveau penser à Prokofiev, particulièrement dans la variation 8. Les Africains (eh oui, comme les femmes à barbe, ou autres curiosités, peu de gens an avaient vu), où le compositeur emploie des mélismes orientalisants. En fait, cette variation aurait fait bonne figure et beau son Au tombeau de Tut-Ankah-Mon, qui ne comporte quant à lui, aucune évocation locale.
Biographie d'Alexandre Denéréaz
Alexandre Denéréaz, Scènes de cirque, II, « Les jongleurs », plage 4.
Jean-Marc Warszawski 13 avril 2019 © musicologie.org
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