Le Chant des montées : Lully, Bach, Hersant, Desmaret par Les Surprises (original) (raw)

Collège des Bernardins, 11 avril 2019 —— Frédéric Norac.

Les Surprises au Collège des Bernardins. Photographie © D. R.Les Surprises au Collège des Bernardins. Photographie © D. R.

On ne triche pas avec son ADN. Celui de Louis-Noël Bestion de Camboulas et de son ensemble Les Surprises est clairement du côté de la musique du xviie siècle et singulièrement du xviie siècle français. De ce programme intitulé « Le chant des montées », dominé par l’angoisse devant la mort et l’aspiration à la rédemption et regroupant trois mises en musique du Psaume 130 « Du fond de l’abîme, j’ai crié vers Toi », précédées par le Dies Irae de Lully, on retiendra surtout les deux motets français. Là, chœur et instrumentistes semblent parfaitement dans leur élément et donnent le meilleur d’eux-mêmes, que ce soit dans les parties homophoniques où l’on est fasciné par la puissance et l’homogénéité de ces douze voix ou dans les parties polyphoniques qui les sollicitent et les exposent comme de véritables solistes, ce à quoi chacun d’eux peut amplement prétendre.

Le Dies irae de Lully place d’emblée la barre très haut, avec une parfaite homogénéité et des chanteurs de très haut niveau : basse somptueuse, ténor clair et mezzo bien timbré. Ce niveau de totale excellence se retrouvera dans le De profundis de Henry Desmarest vivant, vibrant, contrasté, d’une énergie qui emporte l’auditoire dans une véritable narration et qui clôt le concert sur une impression très forte, avec l’ajout en codicille de la prière des morts.

On s’étonne dès lors de la faiblesse et des approximations dont font preuve les mêmes interprètes (problèmes de justesse chez les hautbois, manque de souplesse chez les chanteurs) dans la cantate de Bach, BWV 38 « Aus tiefer Not », il est vrai particulièrement austère et difficile à faire vivre.

Dans la pièce de Philippe Hersant, basée sur une version modernisée du texte allemand du même psaume, et utilisant le choral de la cantate de Bach comme une sorte d’arrière-plan thématique, on retrouve le chœur presque à nu, seulement accompagné de la viole de gambe et du positif qui ne se limitent pas à assurer la basse continue mais jouent un rôle expressif au même niveau que les chanteurs. L’archaïsme de la ligne mélodique nous renvoie plus au souvenir du plain-chant, teinté d’un rien de minimalisme, qu’au figuralisme du chant baroque. Comme toujours avec le compositeur, l’originalité du discours est totale et donne beaucoup de plaisir dans la découverte. L’ensemble est ici parfaitement en place et le solo de soprano qui achève la pièce de toute beauté.

En bis, le chef offre, sans l’annoncer sans doute pour intriguer le public — à moins qu’il ne s’agisse d’une promesse ? — le sublime chœur final de Jephté de Carissimi, la source en grande partie de ce baroque français qui lui va si bien et donne envie d’embarquer avec l’ensemble dans la découverte de ce répertoire si riche de l’Italie d’après Monteverdi.

Frédéric Norac 11 avril 2019


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