Bric-à-brac rossinien : La Petite Messe solennelle vue par Wilson et Houben (original) (raw)

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 31 mars 2023 — Frédéric Norac

La Petite Messe solennelle. Photographie © Laurent Guizard.

Emily Wilson et Jos Houben ne sont pas les premiers à tenter une mise en scène de la Petite Messe solennelle de Rossini. On se souvenait d’une troupe allemande, Nico and the Navigators, qui en 2012 en avait fait une sorte de réflexion sur la foi et le doute. Rien de tel ici. Si le spectacle commence plutôt dans un esprit de bouffonnerie, à partir du « Credo » c’est l’affirmation d’une foi sans réserve qui s’exprime et singulièrement lorsque la soprano pendant le « O salutaris hostias » joue à unir des couples de tous genres, disséminés sur le plateau.

On retrouve dans ce spectacle l’impression de bric-à-brac qui dominait la production de Cupid and death des mêmes, présentée à l’Athénée en 2021, et dont doit émerger entre allusion, gags et parodie le sens que les metteurs en scène donnent à l’œuvre. Tout commence dans un gymnase où se tient une sorte de brocante. Deux hurluberlus, une espèce de routard qui se transforme en technicien de surface et une ménagère viennent y faire un tour et se retrouve subitement pris au milieu de ce qui est peut-être une répétition de la « Petite Messe » par un groupe d’amateurs. S’y ajoute une sorte de régisseur maladroit et toujours à contretemps. À chaque mouvement, la mise en scène associe une saynète plus ou moins en rapport avec le texte et l’esprit de la liturgie dans un registre quotidien et trivial à l’humour assez appuyé : fausse piétà avec un mannequin en guise de Christ, jeu sur les couvre-chefs pour le « Domine Deus », scène de consolation de la ménagère qui vient de se blesser. Heureusement à partir du « Preludio religioso », le plateau se vide et la mise en scène se concentre sur des mouvements d’ensemble simples et expressifs, concluant le spectacle dans une tonalité vraiment religieuse et poétique.

Si la mise en scène appelle quelques réserves, on est pleinement convaincu par la dimension musicale. Le chef de chœur Gildas Pugier a fait le choix d’une authentique version de chambre telle que la souhaitait Rossini : un petit chœur de douze voix auquel participent les solistes. L’effectif réduit valorise l’harmonie, donne une remarquable précision aux passages fugués et une homogénéité d’ensemble où pourtant chaque voix fait entendre sa couleur. On apprécie la « légéreté » des tempi assez rapides, le piano brillant de Colette Diard qui, en dialogue avec l’accordéon d’Elodie Soulard (remplaçant l’harmonium prévu par le compositeur), offre une interprétation très touchante du Preludio religioso. Du côté des solistes, la voix claire et brillante de Violaine Le Chenadec se partage les solos avec celle plus corsée d’Estelle Béréau. Sahy Ratia se révèle très à l’aise dans le « Domine Deus » auquel il évite habilement un aspect trop uniformément martial par ses nuances. Ronan Airault malgré une bonne voix large de basse, semble un peu fâché avec la justesse. Le beau contralto richement timbré de Blandine de Sansal fait merveille dans le magnifique « Agnus Dei » final. Associés à un chœur de grande qualité, l’ensemble Mélisme(s), parfait dans les passages a capella, ces interprètes restituent avec beaucoup de justesse la tonalité mi-légère mi-sentimentale de cette œuvre si originale et, à sa façon, si moderne.

plume_07 Frédéric Norac 31 mars 2023

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