Valentine Lousseau, On m’a trouvée grandie : du théâtre à l’inquiétante étrangeté (original) (raw)
Caen, le 27 mars 2024 —— Alain Lambert.
On m’a trouvée grandie. Photographie © Zazzo /Théâtre de Caen.
Un spectacle doublement étrange présenté dans le cadre de Spring, festival du nouveau cirque en Normandie avec la compagnie 14:20, basée à Rouen, que nous avions chroniquée au printemps 2016 pour un autre, à la Renaissance à Mondeville, mêlant joliment musical et circassien. Doublement étrange d’abord parce que bien loin du précédent, sans numéros, sans jongleries, sans magiciens au sens traditionnel. Juste le procédé de Magie nouvelle permettant « de faire apparaître ou disparaître, instantanément ou graduellement, complètement ou partiellement, tout artiste, objet ou décor du plateau » selon Valentine Lousseau, anthropologue, conceptrice, dramaturge, directrice artistique, accompagnée de Raphaël Navarro pour la mise en scène et en magie.
Ensuite parce que le sujet nous plonge dans l’inquiétante étrangeté de la folie des internés de la Salpêtrière à la fin du xixe siècle, où Pierre Janet, adjoint de Jean Martin Charcot, essaie, par la parole ou l’hypnose de trouver de nouvelles façons de soigner. L’une lévite vraiment sous nos yeux, une autre s’exhibe en fureur et sans pudeur, et le troisième est assailli par les mots qui se bousculent et le tourmentent. La danseuse et chorégraphe Leila Ka prête ses gestes à la première, David Murgia bafouille avec le dernier.
Inquiétante étrangeté selon la formule de Freud qui vint en stage quatre mois, lors de sa formation médicale, avec Chacot dans cet hôpital, lui ouvrant les horizons que l’on connait. Inquiétante étrangeté encore chez Maupassant, intéressé par la psychologie sombre, qui rencontra aussi Charcot. Difficile de ne pas penser à ses nouvelles fantastiques sur la folie lors de certaines séquences de la pièce, en particulier au Horla, lors de la scène des doubles en miroir, permise par la magie nouvelle.
La musique, bien que le programme n’en dise rien, joue un rôle saisissant lors des tableaux muets, voix a capella et en vocalises se croisant sur certains, un brin de cordes sur d’autres. Mais plus le drame avance, plus se fait entendre un violon polyphonique et rythmique, à la Arvo Part, qui densifie l’ambiance dramatique et tragique.
Un spectacle étonnant, poétique et surréaliste, qui ne recherche pas une approche critique, mais tente de nous faire ressentir ces troubles psychosomatiques tapis dans l’ombre de nos existences tranquilles, du moins le croyons-nous.
À découvrir encore en mai à Pontoise ou à Suresnes, en juin à Lyon,
Au théâtre de Caen, à venir, Stéreo de Philippe Decouflé du 10 au 13 avril, puis l’Histoire du Soldat en mai avec l’Orchestre Régional de Normandie pour la dernière fois sous ce nom dans ce lieu.
Alain Lambert
2024
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