Fausse route : « Zanetto » et « Abu Hassan » (original) (raw)

Théâtre Roger Barat, Herblay, 1er juin 2013, Par Frédéric Norac

Les années se suivent et ne se ressemblent pas... Après la remarquable réussite de Vanessa de Samuel Barber en 2012, on attendait avec beaucoup d'intérêt le nouvelle production du Théâtre Roger Barat d'Herblay. Il faut avouer que le résultat a bien déçu notre attente.

La double affiche très prometteuse réunissait deux œuvres rares et on ne peut plus dissemblables : Zanetto, de Pietro Mascagni (1896), un opéra marqué au coin d'un esthétisme fin de siècle un rien décadent et Abu Hassan de Carl Maria von Weber, Singspiel de 1811, turquerie légère de facture post-mozartienne.

ZanettoZanetto.

La première œuvre met en scène l'improbable rencontre amoureuse entre une grande courtisane et un chanteur des rues dans la Florence du xvie siècle. Touchée par la grâce et la candeur du jeune homme, elle décide de renoncer à lui afin de lui éviter les cruautés de son tempérament de femme blasée. Inspiré du Passant, une pièce écrite par François Coppée à l'intention de Sarah Bernardt, l'opéra tourne en rond autour d'un dialogue de sourds entre les deux personnages, au langage ampoulé et artificiel, auquel la musique de Mascagni ne fait qu'ajouter les redondances d'une inspiration monochrome. Seule la très belle chanson de Zanetto d'une grande fraîcheur de ton vient trouer ce tissu d'un peu d'authenticité musicale car même le chœur sans parole qui lui sert d'ouverture paraît un effet gratuit et les cinquante minutes que dure l'acte unique semblent bien longuettes.

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Il faudrait une toute autre carrure que celle du soprano lyrique léger, par ailleurs bien chantant, de Maria Virginia Savastano pour donner une certaine crédibilité à son personnage de femme fatale et désespérée. En revanche la belle voix de mezzo colorature et la musicalité expressive de Mariam Sarkissian font merveille dans le rôle travesti de Zanetto. Mais la mise en scène échoue tout à fait à faire vivre cette mince intrigue à quoi la transposition contemporaine dans l'univers de l'opéra n'apporte rien. En introduisant une sorte de prologue « comique » en pantomime — les saluts de la cantatrice à la fin d'un récital — elle place même le propos dans une fausse perspective, étrangère au climat original de l'œuvre.

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Le Singspiel de Weber, inspiré d'un conte des Mille et une nuits, raconte les aventures d'Abu Hassan, échanson du Calife que son goût pour la bonne chère et le vin ont mis dans une situation financière catastrophique et qui se voit réduit, pour payer ses créanciers, à céder sa femme Fatime au plus riche d'entre eux, Omar. La débrouillardise du couple et sa bonne entente auront raison des envieux et ils sauront ensemble se tirer de ce mauvais pas.

abu hassanAbu Hassan

Ici encore, Bérénice Collet choisit d'opérer une transposition dans un univers entièrement contemporain, avec pour référence le surendettement et la crise des « subprimes ». Pourquoi pas ? Le problème est que les dialogues en français, réécrits pour coller à cette interprétation, n'entretiennent aucun rapport de cohérence avec l'histoire originelle, celle que les airs eux continuent à raconter, de sorte que le spectateur a l'impression d'assister à deux intrigues parallèles concurrentes. Si l'on ajoute des gags éculés et envahissants, une direction d'acteurs bâclée et une surcharge généralisée d'effets pseudo-comiques portés par un comédien censé servir de narrateur, mais qui ne fait que brouiller les cartes, et l'on débouche sur un spectacle à peine digne du café théâtre le plus improvisé.

abu hassanAbu Hassan

Reste à apprécier, l'inventivité d'une partition charmante, bien servie par la direction d'Inaki Encina Oyon à la tête d'un orchestre Ostinato en bonne forme, ici comme dans la première partie. La distribution honnête et très homogène n'appelle pas d'éloges ni de critiques majeurs mais aurait sûrement gagné à être un peu mieux dirigée dans les parties théâtrales. Le comble reste que le plus crédible et le plus intelligible d'entre eux soit le seul non francophone de la distribution, à savoir l'excellent baryton-basse, Nika Guliashvilli dans le rôle d'Omar.

abu hassanAbu Hassan

Toutes les scènes — même le meilleures et les plus grandes — connaissent des ratés et des accidents de parcours. Souhaitons à Herblay meilleure fortune, avec Le Consul de Gian Carlo Menotti, une authentique rareté programmée pour la saison 2013-2014.

Frédéric Norac 1er juin 2013


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