La messe à trois voix a cappella d'André Caplet par le Chœur d'hommes de la Maîtrise de Caen (original) (raw)
19 janvier 2013, par Alain Lambert
La neige tombée hier commence à se transformer, en cette fin de matinée de samedi, en schloss comme on dit au Québec. Un temps à ne pas sortir de son trou, aurait pu écrire Jean-Marc Warszawski. Mais à l'église de la Gloriette, la Maîtrise annonce une Messe d'André Caplet, « un chef d'œuvre de finesse et de sensibilité ». À midi ! Allez, encore un effort pour mettre le nez dehors. Il doit faire à peine un degré, suffisant pour fondre la neige, mais frisquet quand même.
La maîtrise des enfants de Caen.
C'est l'occasion de reparler de la Maîtrise de Caen (voir notre chronique sur Vénus et Adonis de John Blow, dont la tournée en France vient de s'achever) qui a fêté ses 25 ans le mois dernier, en réunissant nouveaux et anciens maîtrisiens sur une Fantaisie de Robert Weddle, le premier directeur, et sur une Messe, un peu aride, de Duruflé, lui dont le magnifique Requiem avait été donné trois semaines plus tôt dans le même cadre.
André Caplet (1878-1925), né lui aussi en Haute Normandie, ami et collaborateur de Debussy qu'il aida à orchestrer certaines de ses œuvres avant (Le Martyre de saint Sébastien, La Boîte à Joujoux) et après sa mort (Children's Corner, Jet d'Eau, Clair de Lune). Gazé pendant la guerre, il ne lui survivra que de sept ans. Il fut aussi, dit-on, l'amant d'Isadora Duncan.
En 1919, il composa cette messe dite « Des petits de Saint-Eustache des Forêts », le nom du village qu'il habitait en Normandie. La version choisie est a cappella pour trois voix d'hommes, ténors, barytons et basses en nombre égal. Avec le projet d'en donner une avec voix d'enfants une prochaine saison. Il est vrai que quand les petits maîtrisiens sont en scène, avec un temps scolaire de répétition relativement court, et malgré toute la bonne volonté d'Olivier Opdebeeck et de Priscillia Valdazo son assistante musicale, il y a parfois des petits manques de justesse ou de précision, même si l'enthousiasme des enfants, et souvent la présence du chœur d'hommes justement, rattrapent bien des choses.
Aujourd'hui, tout coule. Rien à redire. Ou plutôt si. Douze voix qui donnent naissance à la mélodie, ce souffle qui s'enfle, se transmet d'un registre à l'autre, se reprend, se répond, se décale en douceur, en rythme, et met en valeur toute une variété de timbres et de nuances. L'avantage du latin, pour des auditeurs laïcs comme nous qui l'avons perdu depuis longtemps, c'est qu'on oublie vite les paroles pour n'entendre que la seule matière vocale, quasi instrumentale. Bien sûr, c'est une messe, en cinq mouvements (Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus Dei, Ô Salutaris) avec des échos grégoriens. Et la date de composition lui donne sans doute du sens, dans sa tranquille glorification divine, une fois le grand massacre terminé. Mais c'est aussi une ode sereine à la musique, simplement humaine, avec ses seules voix, ses silences et sa temporalité propre. Un bien beau concert.
Direction : Olivier Opdebeeck
Ténors : A. Austins, J.-C. Rosag, J. Gueller, P. Henry
Barytons :M. Battistella, S. Dubois, E. Lanièce, T. Von Essen
Basses : D. Metzle, P. Willenbrock, A. Le Dorge, N. Bukave
Alain Lambert
Les articles d'Alain Lambert
Jazz du monde : le trio Few au Théâtre de Caen — La compagnie Wayo en répétition publique au Centre chorégraphique de Caen — Fuenteovejuna par la compagnie Antonio Gadès au Théâtre de Caen.
André Caplet par Paul Méjat an 1920 (source Gallica)
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