Le Rozier des Guerres (original) (raw)

Jeanne d'Arc, son costume, son armure : essai de reconstitution
Adrien Harmand
Paris, Editions Leroux, 1929

.: Pr�face | La chemise | Le chaperon | Le gippon | Les chausses :.

Le chaperon

La Chronique de la Pucelle nous apprend qu'� Vaucouleurs on lui avait fait faire un chaperon � homnie(,).

Lorsqu'elle p�n�tra dans la grande salle de Chinon, elle avait un chapperon de layne, sur la teste, �crit Mathieu Thomassin.

Les actes d'accusation, cit�s plus haut, confirment ces deux t�moignages.

Il parait donc hors de doute que, pendant son voyage de Vaucouleurs � Chinon et durant son s�jour dans cette derni�re ville, Jeanne d'Arc a �t� coiff�e d'un chaperon. Nous avons d'ailleurs les propres paroles de l'h�ro�ne qui d�clare qu'� Chinon, mise en pr�sence du roi, elle avait un chaperon. " Interroguee se son roy et elle firent point de r�v�rence a l'angle quant il apporta le signe ; respond que ouil d'elle; et se agenoulla et oulta son chaperon. " Cette r�ponse suffirait � elle seule pour infirmer l'assertion du greffier de la Rochelle qu'� son arriv�e au ch�teau de Chinon elle avait un chappeau noir sur la teste. La parole de la sainte doit primer tous les t�moignages.

Viollet-Le Duc a expliqu�, avec figures � l'appui, comment, le chaperon, petite chape � capuchon � l'origine, avait fini par devenir bonnet ou turban � volont�, tout en conservant sa destination primitive. Mais l'�norme t�che, assum�e par l'�minent architecte, de d�crire en d�tail le costume et les armes d'une p�riode de sept cents ans ne pouvait s'accomplir sans erreurs et sans omissions. Pareille entreprise d�passait les investigations d'un seul homme. C'est pourquoi, parmi beaucoup de science, de nombreuses lacunes et de flagrantes inexactitudes se font remarquer dans les deux volumes du Dictionnaire du mobilier que cet auteur a consacr�s aux v�tements m�di�vaux. Le chaperon notamment, qui joua un r�le si important et si caract�ristique pendant tout le moyen �ge e�t m�rit� d'y �tre plus compl�tement trait�.

D'une �rudition moins t�m�raire mais mieux assise, Jules Quicherat, n'ayant pr�tendu �crire l'histoire du costume que dans ses grandes lignes, en �vitant de trop hasardeuses pr�cisions, a su davantage se tenir � l'abri de l'erreur. Comme pour les autres pi�ces de l'habillement, il n'a fait qu'effleurer la question du chaperon.

Le Glossaire arch�ologique de Victor Gay, dont le principal m�rite consiste dans une abondante et pr�cieuse compilation de textes int�ressants, est rest� encore plus insuffisant dans la description qu'il renferme de cette partie du v�tement.

De m�me que les ouvrages de Quicherat et de Viollet-Le Duc pr�c�demment cit�s, le Manuel arch�ologique du regrett� Camille Enlart, embrasse trop de si�cles et un ensemble de mati�res trop �tendu pour que son auteur ait pu approfondir en tous points et parfaire l'oeuvre de ses devanciers.

Ayant restreint notre �tude au costume masculin en usage � l'�poque de Jeanne d'Arc, nous allons nous efforcer d'�tre � la fois plus pr�cis et plus complet.

Tr�s ancien, le chaperon dura des si�cles. Nous montrerons, au cours de ce travail, qu'il en existe encore quelques vestiges dans certaines de nos coiffures modernes, civiles et militaires, ainsi que dans la tenue de c�r�monie de nos magistrats et de nos professeurs.

Le profane, qui d'un oeil admiratif contemple les d�tails pleins de finesse du merveilleux Puits de Mo�se de la Chartreuse de Dijon, s'arr�te parfois intrigu� devant un objet de forme impr�vue pos� sur l'�paule gauche d'un des proph�tes composant cette oeuvre magistrale. L'initi� a reconnu le chaperon. Notre figure 1 en donne l'aspect et la figure 2 le patron, que nous croyons avoir reconstitu� aussi exactement que possible. Ce n'�tait-en somme qu'un capuchon dont le collet D E s'appelait goule, guleron ou patte, l'ouverture B C, visagi�re ou barbute, et l'appendice sup�rieur A cornette.

Le Rozier des Guerres 1461-1483 Le Rozier des Guerres 1461-1483

La figure 3 repr�sente deux croquis de chaperons plus anciens et de coupes diff�rentes, ex�cut�s en marge d'un recueil de statuts municipaux des m�tiers de Toulouse qui fut r�dig� de 1279 � 1131.

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Il y avait des chaperons � courtes cornettes et des chaperons � longues cornettes. Ceux que viennent de montrer nos dessins sont de la cat�gorie des premiers.

La figure 4 reproduit le patron reconstitu� d'un chaperon � longue cornette provenant d'une des statuettes de pleurants qui entourent le tombeau du duc Philippe le Hardi, au Mus�e de Dijon. Nous donnons la t�te de ce pleurant (fig. 5). Ici, le chaperon n'est pas port� sur l'�paule, comme dans l'exemple fourni par notre figure 1. Il n'est pas davantage mis en capuchon enveloppant la t�te de mani�re � ne laisser voir que le visage, suivant la destination premi�re de tout chaperon. Il est dispos� en bonnet. L'avanc�e de la visagi�re est retourn�e sur elle-m�me en dehors de fa�on � constituer une �paisse saillie, et cette visagi�re, avec son bord ainsi retourn�, au lieu d'encadrer la figure, coiffe le cr�ne. Le guleron retombe alors sur l'�paule droite, et la cornette, apr�s avoir repos� en partie sur l'�paule gauche, pend librement le long du dos.

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Les patrons reproduits dans les figures a et 4 nous montrent la cornette issant verticalement de la t�ti�re du chaperon. Un exemple, tir�, comme le dernier, des statuettes des tombeaux des ducs de Bourgogne, nous met en pr�sence d'un autre type de chaperon, dont la cornette, au lieu de saillir verticalement, se trouve prolonger horizontalement en arri�re le sommet du capuchon, disposition que fera comprendre la figure 6 donnant le patron de ce nouveau chaperon.

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Dans cet exemple, la goule, plus longue que celles des chaperons pr�c�demment reproduits, est rendue plus �toff�e au moyen de deux pi�ces lat�rales destin�es � rev�tir les �paules. Tous les chaperons, dont la goule descendait assez bas pour couvrir le haut des bras, poss�daient cette particularit�, naturellement ind�pendante de la direction de la cornette. Il est donc �tabli qu'il y avait des cornettes verticales et des cornettes horizontales, et que ces deux sortes de cornettes se trouvaient taill�es d'un seul morceau avec le chaperon.

Les monuments vont maintenant nous montrer un troisi�me genre de cornettes, lequel n'�tait pas le moins r�pandu, celui des cornettes taill�es � part et rapport�es ensuite � la t�ti�re. Le mode sp�cial d'emmanchement de ces appendices leur permettait de pivoter librement, de haut en bas et inversement, autour de leur point d'attache, de mani�re � pouvoir prendre � volont� non seulement les directions verticale et horizontale, mais encore toutes.les positions obliques interm�diaires. Tr�s en faveur au quinzi�me si�cle, les cornettes rapport�es n'apparaissent gu�re avant 1400 dans l'iconographie du moyen �ge. On comprendra que leur invention constituait un progr�s dans l'art de confectionner les chaperons.

Nous avons mentionn� dans notre pr�face l'existence, au Mus�e Jeanne d'Arc d'Orl�ans, d'une tapisserie allemande repr�sentant l'arriv�e de la Pucelle � Chinon. L'un des cavaliers de la suite de l'h�ro�ne s'y trouve coiff� d'un chaperon enferm�, c'est-�-dire mis en capuchon enveloppant la t�te (fig. 7). Ce chaperon est rouge, entour�, � la hauteur du front, d'un tortil jaune et bleu. Il est difficile de distinguer nettement sur la tapisserie si ce tortil appartient � un bonnet rouge ind�pendant mis par-dessus le chaperon, ou s'il n'est autre que la cornette enroul�e de celui-ci. Dans cette derni�re hypoth�se que nous croyons pouvoir adopter, la cornette est certainement rapport�e puisqu'elle diff�re de couleur avec le reste de la coiffure. Ce bariolage, qu'on retrouvera plus tard dans l'accoutrement des lansquenets, peut s'expliquer par l'origine allemande de la tapisserie. On ne le rencontre pas dans les costumes fran�ais du temps de Jeanne d'Arc, o� les chaperons se montrent g�n�ralement d'une seule couleur. La figure 8 donne le patron de ce chaperon tricolore.

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L'angle b a b, form� par les deux fentes obliques a b, repr�sente la pointe sup�rieure du capuchon destin�e � recouvrir la naissance de la cornette sur sa face externe. Les deux angles i c b, r�unis ult�rieurement, formeront la pointe inf�rieure qui sera cousue � la face interne de la cornette.

Pour ex�cuter ce chaperon, il faut r�unir par une couture d'abord les deux lignes courbes c i, puis les deux lignes courbes f h de la t�ti�re; ensuite coudre ensemble les deux lignes droites c' e de la cornette. Il n'y a plus alors qu'� joindre la cornette � la t�ti�re en cousant b a b sur b' a' b' et b c b sur b' c' b'.

La figure 9 montre l'aspect de la cornette cousue � l'entaille en pointe de la t�ti�re et tombant � plat le long du dos. Cet assemblage, invisible sur la tapisserie, nous est donn� par une statuette des pleurants de Dijon, sur le dos de laquelle on voit emmanch�e de cette fa�on, une cornette rapport�e et coutur�e par le milieu, comme l'�tait forc�ment la cornette mi-partie jaune et bleue du chaperon rouge dont est coiff� le compagnon de Jeanne d'Arc, repr�sent� par notre figure 7. De nombreuses miniatures nous offrent d'ailleurs maints exemples de ce mode de jonction de la cornette � la t�ti�re.

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La figure10, provenant du Boccace de Jean sans Peur, donne un chaperon fran�ais, enform� comme le chaperon allemand pr�c�dent. On peut remarquer dans ce dernier exemple l'extr�mit� de la cornette sortant en dessous de son enroulement.

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Le chaperon avait l'avantage sur le chapeau et le simple bonnet de se transformer suivant les circonstances. Il �tait � plusieurs fins, et c'est ce qui explique sa tr�s longue vogue, malgr� la bizarrerie apparente de certaines de ses m�tamorphoses.

Lorsqu'il s'agissait de se garantir du froid, on l'enformait, ainsi que le montrent les figures 7 et 10. Pour enformer le chaperon, on s'y prenait de la fa�on suivante. Ayant pr�alablement retrouss� une fois sur lui-m�me le bord de la visagi�re et rapproch� son ouverture de celle du guleron, en les juxtaposant l'une sur l'autre, on saisissait des deux mains l'anneau d'�toffe ainsi obtenu, le guleron en dedans, la visagi�re en dehors, et on y introduisait la t�te de mani�re que le guleron s'�tal�t en p�lerine sur les �paules et que la visagi�re encadr�t le visage (fig. 11, A.). Mais comme celui-ci se trouvait alors un peu trop enfoui sous l'avanc�e de la visagi�re, bien que cette avanc�e f�t diminu�e par un retroussis, on modifiait ce retroussis en refoulant � l'int�rieur les parties avoisinant les pommettes de fa�on � rapprocher du front le bord sup�rieur de la visagi�re, ainsi que le fait comprendre, en B, la figure 11. Cette derni�re op�ration occasionnait, de chaque c�t� du visage, comme on le voit sur notre dessin, un pli vertical qu'on peut remarquer dans tous les monuments anciens repr�sentant avec quelque pr�cision les chaperons enform�s. La t�te se trouvait ainsi chaudement envelopp�e et � l'abri des intemp�ries. Courte ou longue, la cornette pendait librement sur le dos. Lorsque la dimension de cet appendice le permettait, on l'enroulait en turban autour de la t�te, comme la font voir les figures 7 et 10. C'est bien de cette mani�re que la Pucelle a d� porter son chaperon durant les froides nuits de f�vrier pendant lesquelles elle chevauchait, au cours de son voyage de Vaucouleurs � Chinon.

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Lorsque, le beau temps revenu, on d�sirait d�feubler son capuchon, C'est-�-dire se d�sencapuchonner, il n'y avait qu'� saisir de la main droite l'extr�mit� de la cornette, pr�alablement d�roul�e, et � la tirer franchement de haut en bas. La t�te surgissait alors, d�barrass�e de sa chaude enveloppe, le cou se trouvant entour� du retroussis de la visagi�re, lequel retroussis prenait l'aspect d'un large col, ainsi que le montre notre figure 15. C'�tait ce qu'on appelait mettre le chaperon en gorge.

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Il est bon de faire remarquer que la disposition r�guli�re des plis dessinant nettement col, capuchon et guleron, telle qu'on la voit sur ce fragment de miniature et sur les nombreux monuments repr�sentant cette mani�re de porter le chaperon, ne peut s'obtenir qu'en tirant sur la cornette. Cette simple traction provoque seule un r�sultat satisfaisant et imm�diat.

En temps normal, le chaperon se coiffait par la visagi�re, en bonnet, le guleron pendant d'un c�t�, la cornette de l'autre, comme l'a montr� la figure 5. Il s'enfon�ait bas sur la nuque et couvrait le haut des oreilles. Voici l'explication de cette derni�re particularit�.

La visagi�re destin�e en principe � encadrer le visage, se trouvait trop grande pour �tre transmu�e en tour de t�te sans subir de modification. Si donc on voulait mettre le chaperon en bonnet, il fallait r�tr�cir la visagi�re. A cet effet, les bords de cette partie du chaperon,. �taient, soit repli�s, soit enroul�s sur eux-m�mes, et l'accroissement d'�paisseur que leur donnait l'une ou l'autre de ces op�rations diminuait sensiblement son ouverture. N�anmoins, malgr� ce r�tr�cissement, trop de largeur emp�chait encore la visagi�re d'enserrer suffisamment le cr�ne au-dessus des oreilles, d'o� la n�cessit� d'englober le haut de celles-ci pour �tre coiff� solidement et ne pas �tre d�chaperonn� au moindre heurt ou au premier coup de vent.

Lorsque le chaperon transform� en bonnet poss�dait une longue cornette, cet appendice encombrant s'enroulait parfois en tortil circonscrivant le bord retrouss� de la visagi�re formant tour de t�te. Sous ce tortil s'�talait le guleron qui pouvait d�s lors servir � pr�server du soleil ou du vent, soit la nuque, soit un c�t� du visage, en tournant le chaperon � volont� suivant le besoin (fig. l2). L'extr�mit� de la cornette se trouvait plus ou moins saillante hors du turban, Comme le fait comprendre la figure 14. Les deux exemples de chaperons en bonnet que donne cette figure proviennent d'un D�cameron, d'environ 1440. On remarquera l'extr�mit� de la cornette issant du tortil, en dessus dans l'un, en dessous dans l'autre.

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Quelquefois on enroulait la cornette de mani�re que le guleron, au lieu de pendre sous le turban saillit par-dessus en fa�on de cr�te de Coq (fig. 13). Le chaperon ainsi atourn� prit le nom de chaperons � coquarde. Les cocardes de nos coiffures d'uniformes et de livr�es, dont les plis en �ventail rappellent ceux du guleron dress� en cr�te, n'ont pas d'autre origine. On sait d'ailleurs que les chaperons �taient souvent v�tements de livr�es et, dans ce cas, aux couleurs des villes, seigneurs ou chefs de partis qui en octroyaient la livraison.

Ces deux agencements � cornettes tortill�es, l'un sur le guleron (fig. l2 et 14), l'autre en dessous (fig. 13), nous paraissent avoir �t� rarement employ�s avec le chaperon � transformations dit chaperon � enformer, qui fait le sujet exclusif de ce chapitre. Il semble qu'en raison de leur �conomie un peu compliqu�e, ils furent plut�t de mise avec le chaperon fa�onn�, c'est-�-dire �tabli d'une mani�re fixe et devenant d�s lors une sorte de chapeau. Il est du reste assez difficile de distinguer, dans l'iconographie ancienne, les cornettes tortill�es � demeure, de celles qu'on pouvait enrouler et d�rouler � volont�. Toujours est-il qu'en g�n�ral, lorsque le chaperon � enformer se coiffait en bonnet, la cornette pendait de c�t� librement, comme l'a montr� la figure 5.

La cornette rapport�e, du type cl� la figure 8, permettait, ainsi que la cornette de coupe horizontale donn�e par la figure 6, une fa�on de porter le chaperon en bonnet qu'on rencontre dans plusieurs monuments du quinzi�me si�cle, le guleron pendant par derri�re en garde-nuque, et la cornette tombant � plat le long du dos, par dessus le guleron, comme le fait voir la figure 16.

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Enfin, dans les cort�ges fun�bres, les proches du d�funt portaient ce qu'on appelait le chaperon embranch�. C'�tait un chaperon de drap noir, qu'on enformait, le guleron rev�tant les �paules, le capuchon coiffant la t�te, et l'avanc�e de la visagi�re laiss�e dans toute son ampleur, ce qui constituait l'embranchement. Le visage, enfoui dans la profondeur de cette avanc�e, demeurait invisible, et la cornette pendait � plat sur le dos. La figure 17, reproduite d'apr�s une statuette de pleurant du tombeau de Philippe le Hardi, fait comprendre cette disposition. La figure 18 donne le patron de ce chaperon de deuil, qui poss�de, de m�me que le chaperon de la figure 5, deux pi�ces d'�paules rapport�es. C'est au moyen d'une pince pratiqu�e sur chacune de ces pi�ces qu'on obtenait l'exact embo�tement des �paules par le guleron que pr�sente la figure 17, ainsi que beaucoup d'autres chaperons de deuil du quinzi�me si�cle. On doit remarquer la large ouverture de la visagi�re du chaperon embranch� de notre pleurant. Son pourtour d�passe la dimension normale, laquelle n'exc�dait gu�re deux pieds pour les chaperons ordinaires de moyenne grandeur. Cette particularit� semble avoir �t� sp�ciale aux chaperons de deuil. Ceux-ci en effet, fournis aux frais du d�funt pour le temps de la c�r�monie des fun�railles, n'�taient sans doute pas faits sur mesure, mais taill�s plut�t grands de fa�on � pouvoir s'adapter ais�ment � toutes les t�tes.

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Le chaperon embranch� fut conserv� tard dans le c�r�monial des convois fun�bres puisqu'il figure encore aux obs�ques de l'empereur Charles Quint en 1558 et � celle s de Louis XIV en 1715.

Bien que cette mani�re de porter le chaperon f�t plus sp�cialement r�serv�e � la famille et � la maison d'un d�funt le jour de ses fun�railles, elle avait �t� �galement employ�e dans des circonstances moins solennelles, mais parfois aussi moins avouables. L'incognito, que conf�rait � son porteur le chaperon embranch�, �tait trop propice aux attaques � main arm�e pour que les malandrins n'usassent pas d'un genre de coiffure leur permettant d'ex�cuter leurs mauvais coups sans risquer d'�tre reconnus. Aussi cette mode avait-elle �t� d�fendue par un �dit de 1399.

La suite vari�e de petits chefs-d'oeuvre, constitu�e par les pittoresques pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne, est une source unique et pr�cieuse pour une �tude approfondie du chaperon au quinzi�me si�cle. C'est ce qui nous a conduit � parler du chaperon de deuil, bien que Jeanne d'Arc n'ait certainement jamais eu l'occasion de le porter. La plupart de ces pleurants ne sont pas des moines, comme d'aucuns seraient tent�s de le croire, mais bien des officiers de la maison ducale rev�tus de la livr�e fun�bre command�e par les circonstances. Leurs chaperons un peu sp�ciaux, quant � l'ampleur de leurs visagi�res qui fait que la plupart d'entre eux ne pourraient �tre mis en bonnet, n'en ont pas moins la coupe, dans ses lignes essentielles, de tous les chaperons usit�s alors dans la vie ordinaire. Les diverses cornettes de ces coiffures de deuil sont identiques � celles des chaperons d'usage courant que nous repr�sentent, avec les m�mes variantes d'innombrables miniatures des trois premiers quarts du quinzi�me si�cle. C'est pourquoi nous croyons utile de montrer, dans la figure 19, six mani�res diff�rentes d'adapter ces appendices aux capuchons que nous offre, avec un merveilleux fini de d�tails, l'envers de ces jolies statuettes.

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On reconna�tra dans les deux premiers chaperons, en commen�ant en haut par la gauche, ceux dont les figures 6 et 18, ont donn� les patrons.

Le second et le troisi�me proviennent du tombeau de Philippe le Hardi, termin� en 1411. Le sixi�me et dernier appartient au monument de Jean sans Peur, achev� en 1470. Les trois autres se rencontrent dans l'ornementation des deux tombeaux. C'est dire que ces vari�t�s furent immuables pendant plus d'un demi-si�cle, et que par cons�quent elles ont exist� du temps de la Pucelle.

Quatre de ces chaperons sont � cornettes rapport�es, deux seulement � cornettes horizontales. Avec le type � cornette verticale donn� par la figure 4, ces six chaperons forment la s�rie compl�te des diff�rents emmanchements de cornettes usit�s dans la premi�re moiti� du quinzi�me si�cle.

On remarquera que les coutures fermant les cornettes se trouvent tant�t sur leurs faces externes, comme dans les second, cinqui�me et sixi�me chaperons, tant�t sur leurs faces internes en contact avec le dos et par suite invisibles, ainsi qu'en t�moignent les premier, troisi�me et quatri�me chaperons.

Il arrive souvent que les cornettes sont taill�es en deux morceaux et, d�s lors, coutur�es � la fois int�rieurement et ext�rieurement. Cette disposition, obligatoire avec les cornettes mi-parties de deux couleurs (fig. 8), se rencontre aussi dans les chaperons � cornettes non rapport�es, lorsque leurs t�ti�res affectent la forme convexe du cr�ne. Une couture est en effet indispensable pour obtenir cette convexit�. On voit que le cinqui�me chaperon de la figure 19 rentre dans cette derni�re cat�gorie. Ind�pendamment de sa couture interne, invisible sur notre dessin, la cornette de ce chaperon poss�de une couture externe, visible, qui se prolonge sur le capuchon jusqu'au bord de l'ouverture de la visagi�re. Cette couture ne serait qu'une complication inutile si elle ne servait � cintrer le dessus de la t�ti�re.

C'est pour cette raison qu'on doit consid�rer comme convexes les t�ti�res des quatri�me et sixi�me chaperons, � cornettes rapport�es, puisqu'elles sont coutur�es � leurs sommets, tandis que les capuchons des trois premiers chaperons sont forc�ment droits, se trouvant taill�s d'un seul morceau et sans couture.

Remarquons enfin, avant de quitter l'examen de la figure 19, que les trois grands gulerons de ces chaperons du rang sup�rieur s'augmentent de pi�ces d'�paules dont sont d�pourvus les gulerons de dimension moindre des chaperons de la deuxi�me rang�e.

On peut voir que les cornettes de ces chaperons, si vari�es qu'elles paraissent au premier abord, se ram�nent toutes � trois genres, celui des cornettes verticales, celui des cornettes horizontales et celui des cornettes rapport�es. Ce dernier, bien que d'une coupe plus compliqu�e, �tait le plus r�pandu par la raison qu'il donnait � la cornette la facult� de se placer aussi bien verticalement qu'horizontalement. Les cornettes rapport�es sont en effet en majorit� dans la suite des pleurants enchaperonn�s des tombeaux des ducs de Bourgogne, o� l'on ne rencontre que quatre cornettes horizontales et une seule cornette verticale, proportion qui semble bien se trouver confirm�e par un examen attentif des miniatures du quinzi�me si�cle. La figure 20 montre les deux positions verticale et horizontale qu'on pouvait faire prendre � la cornette rapport�e. d'un m�me chaperon. Parmi les diverses fa�ons de coiffer le chaperon, il en �tait que favorisait la cornette verticale et d'autres qui s'accommodaient mieux de la cornette horizontale. Nous laisserons de c�t� la cornette rapport�e que nous savons propre � toutes les transformations qu'on exigeait du chaperon, puisqu'elle participait � la fois du type vertical et du type horizontal, pour parler maintenant des diff�rentes aptitudes � se m�tamorphoser que poss�daient in�galement ces deux derniers modes, toujours usit�s, quoique les plus anciens, en raison de la simplicit� de leur coupe.

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La cornette horizontale tombait naturellement et r�guli�rement � plat le long du dos, lorsque le chaperon se trouvait enform� ou mis en gorge, comme on peut le voir dans les figures 9, 11, 15, 17 et 19. Il n'en �tait pas de m�me avec la cornette taill�e verticalement. Le capuchon enform�, la cornette verticale ne tombait � plat, qu'� la condition de lui faire produire � s'a naissance deux sortes de petites cornes qu'occasionnait la courbe concave de son trac�, contrari�e par une position anormale (fig. 21). Aussi, chez les hommes, cette cornette � coupe verticale �tait-elle toujours port�e tombant librement d'un c�t� ou de l'autre, quand le chaperon �tait enform�, comme le montre la figure 22.

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Seules les femmes la faisaient parfois pendre � plat au milieu du dos et produire d�s lors � sa naissance ainsi que nous venons de le dire, deux saillies lat�rales sur le sommet de la t�te, agencement qui avait pu donner l'id�e des atours � grandes cornes, si pris�s du beau sexe au temps de notre h�ro�ne.

Contrairement � la cornette horizontale, la cornette verticale �tait peu propre � la mise en gorge. Lorsqu'on tirait sur cette cornette pour defeubler le capuchon, elle se pla�ait gauchement, nuisait � la transformation de la visagi�re en tour de cou et ne pouvait tomber r�guli�rement � plat sur le dos comme le faisaient naturellement les cornettes horizontales et les cornettes rapport�es.

Mais si la coupe verticale n'avantageait pas la retomb�e de la cornette � plat sur le dos dans l'encapuchonnement et dans la mise en gorge, elle �tait en revanche sp�cialement favorable au port du chaperon en bonnet repr�sent� par la figure 5. Comme on peut le voir sur les patrons qu'ont donn�s les figures 2 et 4, la cornette verticale se trouvait prolonger insensiblement et sans � coup la ligne post�rieure du capuchon suivant un trac� l�g�rement concave, indiqu� en A E dans la figure 2. La cornette horizontale au contraire s'emmanchait au capuchon de mani�re � former avec la m�me ligne une concavit� tr�s accentu�e, ainsi qu'il est facile de s'en assurer en examinant le patron de la figure 6.

La mise en bonnet telle qu'on la voit dans la figure 5 avait pour cons�quence de contrarier le sens de ces concavit�s, puisque la convexit� du cr�ne faisait retomber naturellement d'un c�t� le guleron et de l'autre la cornette. D�s lors le trac� tr�s peu concave de la ligne post�rieure du chaperon � cornette verticale permettait � ces deux appendices une retomb�e de chaque c�t� de la t�te que la ligne correspondante dans le chaperon � cornette horizontale �tait incapable de procurer.

Lorsqu'on coiffait en bonnet le chaperon � cornette horizontale, il fallait le disposer, soit de la fa�on que repr�sente la figure 16, la cornette superpos�e au guleron tombant sur l'�chine, soit, comme l'indique la figure 23, la cornette et le guleron se c�toyant et pendant du m�me c�t�.

Le Rozier des Guerres 1461-1483

On peut donc ainsi que nous l'avons dit plus haut, distinguer les chaperons dont nous nous sommes occup� jusqu'� pr�sent en chaperons � cornettes verticales, chaperons � cornettes horizontales et chaperons � cornettes rapport�es, ces deux derniers modes plus sp�cialement propres � la mise en gorge, alors que le premier se portait de pr�f�rence en bonnet, le guleron pendant d'un c�t�, la cornette de l'autre.

Il y eut encore des chaperons qui ne poss�daient pour toute cornette que la pointe de leurs capuchons. Les premiers chaperons du douzi�me si�cle avaient �t� de cette sorte. Lorsqu'ils �taient enform�s, la pointe du capuchon prenait l'aspect d'une petite corne, d'o� le nom de cornette donn�e � cette pointe qui fut l'origine de toutes les cornettes de chaperons. La figure 24 reproduit le patron d'un chaperon du quinzi�me si�cle de ce dernier type. Il se portait g�n�ralement coiff� en bataille, le guleron sur l'oreille gauche et l'angle A du capuchon formant cornette et dardant sa pointe horizontalement au-dessus de l'oreille droite, ou inversement, comme le montre la figure 25, ainsi que beaucoup d'autres documents. Un T�rence de la Biblioth�que nationale nous le fait voir en plusieurs endroits port� de deux fa�ons �galement bizarres et exceptionnelles, l'angle de la t�ti�re, tant�t tombant sur la nuque, tant�t pointant sur le front (fig. 26). Quelquefois la cornette produite par la pointe du capuchon �tait noy�e dans le retroussis du tour de t�te (fig. 27). Ce mode fut particuli�rement en faveur vers 1410.

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Enfin il exista des chaperons dont la t�ti�re se taillait de fa�on � circonscrire exactement le cr�ne, formant ainsi un capuchon rond et sans pointe. La figure 21 du chapitre consacr� plus loin au harnachement du cheval montrera deux exemples de cette sorte de chaperon qui parait avoir �t� peu usit�e. Les cinq cat�gories de chaperons que nous venons de passer en revue, chaperons � cornettes verticales, chaperons � cornettes horizontales, chaperons � cornettes rapport�es, chaperons dont la cornette se r�duisait � la pointe du capuchon et chaperons sans cornettes, � t�ti�res arrondies, toutes les cinq �galement favorables � l'encapuchonnement de la t�te, constituaient ce qu'on appelait les chaperons � enformer, les seuls qui fassent l'objet de ce chapitre.

Plusieurs manuscrits enlumin�s, et notamment un Livre de la Chasse de Gaston Ph�bus, comte de Foix, nous montrent quelques personnages portant le chaperon en gorge d'une fa�on tout � fait anormale. Ceux-ci se trouvent �tre le plus souvent des varl�s et pages de Chiens en action de chasse. Les mouvements n�cessit�s par leurs fonctions ont eu pour cons�quence de faire tourner leurs chaperons de telle mani�re que cornettes et capuchons, au lieu de rester sur les �chines, sont venus pendre par devant en fa�on de rabat. Pour rem�dier � cet inconv�nient, on faisait parfois coudre aux gulerons des chaperons � enformer deux agrafes qui les fixaient � la robe sur la poitrine et sur le dos.

Tous les chaperons que nous avons successivement d�crits �taient des chaperons � hommes. Peut-�tre n'est-il pas inutile de montrer en quoi les chaperons des femmes diff�raient de ces derniers.

La coupe des uns et des autres d�rivait du m�me principe. Mais les deux c�t�s de la visagi�re des chaperons f�minins ne se trouvaient jamais joints ensemble sous le menton par la couture qui r�unissait ces deux parties dans les chaperons d'hommes. Il en r�sultait deux d�coupures angulaires encadrant le visage, lesquelles prenaient le nom d'oreillettes. Ces d�coupures, laiss�es libres, se pr�taient � des dispositions que la coquetterie savait varier selon la mode. Cependant lorsque les femmes demandaient au chaperon une protection efficace contre les intemp�ries plut�t qu'un simple enjolivement de coiffure, l'une des oreillettes �tait garnie de boutons et l'autre de boutonni�res, de la visagi�re au bas du guleron, de mani�re � pouvoir clore le chaperon par devant et garantir ainsi la gorge jusqu'au menton en prenant la forme du cou. Il en avait �t� de m�me de certains chaperons d'hommes en faveur au quatorzi�me si�cle et encore usit�s exceptionnellement dans les premi�res ann�es du quinzi�me.

Les monuments nous montrent le chaperon port� en guerre enform� et recouvert d'une coiffure d�fensive, comme il l'�tait souvent du chapeau, ou m�me dit bonnet, dans le costume civil.

Parfois aussi le chaperon enform� recelait un casque au lieu d'en �tre surcharg�. Celui-ci n'�tait alors qu'une calotte de fer sans bords saillants, appel�e coiffette, cerveli�re ou capeline.

On portait encore le chaperon en armes autrement qu'enform�. C'est ainsi qu'on le rencontre mis en bonnet par dessus la cerveli�re dans une miniature d'un Froissart de la Biblioth�que de Besan�on, repr�sentant les membres de la faction flamande des Chaperons blancs.

Ordinairement en drap, les chaperons � enformer �taient, � l'exception de leurs cornettes, souvent doubl�s, quelquefois fourr�s. Il en existait de sangles ou seingles, c'est-�-dire sans doublure. Les chaperons doubl�s s'appelaient chaperons doubles, leur doublure se trouvant commun�ment du m�me drap que le reste du chaperon. Dans certains cas pourtant, on doublait les chaperons d'homme de taffetas, comme ceux des femmes. Rarement la doublure se distinguait de l'�toffe ext�rieure par une couleur diff�rente. Il y eut des chaperons dont la visagi�re seule �tait doubl�e.

La visagi�re des chaperons sangles se taillait plus saillante que celle des chaperons doubles. On peut constater cette particularit� en comparant le patron du chaperon du Puits de Mo�se, donn� par notre figure 2, avec celui du chaperon � longue cornette de la figure 4. Tous deux sont � cornettes verticales; mais le premier, ayant une profonde visagi�re, est un chaperon sangle, tandis que le second, dont la visagi�re est moins saillante, est destin� � recevoir une doublure. On comprendra en effet qu'une certaine consistance f�t n�cessaire au pourtour de la visagi�re quand il s'agissait de le transformer en tour de t�te afin de pouvoir coiffer le chaperon en bonnet.Cette consistance s'obtenait, dans les chaperons doubles, en retournant en dehors le bord de la visagi�re une seule fois sur lui-m�me, ce qui produisait un tour de t�te de quatre �paisseurs d'�toffe, dont deux de doublure. Avec le chaperon sangle, il fallait, pour rem�dier � la minceur de la visagi�re, que celle-ci p�t �tre retourn�e deux fois sur elle-m�me et qu'� cette fin elle f�t taill�e plus saillante que celle d'un chaperon doubl�. Le tour de t�te se trouvait alors de trois �paisseurs d'�toffe. Cette quantit�, moindre que dans les chaperons doubles qui en produisaient quatre, �tait n�anmoins suffisante parce que le chaperon sangle se confectionnait g�n�ralement en drap plus �pais que celui qu'on employait pour les chaperons destin�s � �tre doubl�s. C'est du moins ce que nous croyons pouvoir affirmer � la suite de nombreuses exp�riences. Cependant, ces tours de t�te, malgr� leurs trois ou -quatre �paisseurs, n'enserraient pas toujours le cr�ne assez solidement. On a pu remarquer d'autre part, en examinant nos figures 1, 5, 11, 15, 16, qu'en raison de la coupe des chaperons le retroussis de la visagi�re se trouvait constamment plus large du c�t� du front qu'en bas, � l'endroit du menton. Que ce retroussis f�t donc �tabli � trois ou quatre �paisseurs, on proc�dait le plus souvent � un dernier repli qui ne s'effectuait d�s lors que sur la moiti� de la circonf�rence du tour de t�te, du c�t� large. Cette op�ration produisait sur le devant et sur le derri�re du tour de t�te un pli oblique, dont la pr�sence se constate sur maintes miniatures repr�sentant des personnages coiff�s du chaperon en bonnet.

Il arrivait que le bord des gulerons f�t d�coup�, � quarreaulx, � lambeaux, � longues feuilles pendans. Parfois on d�coupait en dents aigu�s ou arrondies non seulement le guleron, comme le montrent nos figures 7 � 10, mais encore la cornette, et aussi le tour de la visagi�re.

Au d�but du si�cle, on avait vu des cornettes taill�es sur leurs c�t�s en longues dents qui leur donnaient l'apparence d'ar�tes dorsales de poissons, et il s'en �tait trouv� d'autres, vers 1415, garnies d'entre-deux de draps de diff�rentes couleurs.

Quelquefois le bas de la cornette seul �tait frang� en minces lambeaux. L'extr�mit� des cornettes courtes se trouvait, tant�t coup�e carr�ment comme l'�tait toujours celle des longues cornettes au temps de Jeanne d'Arc, tant�t termin�e en pointe ou-en bout arrondi.

Les plus longues cornettes que nous ayons reproduites (fig. 4 et 8) n'atteignent gu�re que le bas des reins lorsque les chaperons sont enform�s. D'autres descendaient davantage, sans arriver cependant, pour les chaperons � enformer, aux dimensions de celles que nous verrons adapt�es � certains chaperons fa�onn�s. Quant � la largeur de ces appendices, elle ne d�passait pas, dans les chaperons libres, les plus grandes mesures donn�es par nos patrons.

Un ancien texte nous apprend qu'� l'occasion, la cornette servait de bourse. L'argent �tait introduit par la t�ti�re, et, parvenu au fond du cul-de-sac qui terminait la cornette, arr�t� au moyen d'un noeud. Quelques monuments nous montrent en effet de longues cornettes pendantes ainsi nou�es pr�s de leur extr�mit� inf�rieure.

Il nous reste � citer une mani�re universellement adopt�e d'user du chaperon qui consistait � le porter sur l'une ou l'autre �paule, mais de pr�f�rence sur la gauche, comme le fait voir la figure 28. La visagi�re, avec son bord retourn�, �tait pos�e sur l'�paule, l'ouverture en dehors, le guleron pendant en arri�re sur l'omoplate, et la cornette tombant verticalement par devant. Le chaperon du Puits de Mo�se que nous avons reproduit au d�but de ce chapitre (fig. 1), est ainsi plac� sur l'�paule du proph�te Isa�e. Quicherat pr�tend qu'une agrafe ou un bouton maintenait le chaperon dans cette position.

Le Rozier des Guerres 1461-1483

A c�t� de ces chaperons � plusieurs fins, tour � tour bonnets, turbans ou capuchons, il existait, comme nous l'avons d�j� dit, toute une autre cat�gorie de ce genre de coiffure, laquelle ne fut pas la moins usit�e dans le cours du quinzi�me si�cle. Nous voulons parler des chaperons fa�onn�s, c'est-�-dire �tablis d'une mani�re fixe. On avait trouv� incommode, chaque fois qu'on coiffait le chaperon en turban, de disposer d'une fa�on satisfaisante le tortil de la cornette et les plis du guleron. En outre, le seul fait d'�ter cette coiffure en d�rangeait l'�conomie, et c'�tait un nouveau travail lorsqu'il s'agissait de la remettre sur la t�te. On avait donc imagin� de fa�onner le turban et le guleron d'une mani�re d�finitive et de les coudre � la t�ti�re. Le tout devenait ainsi une sorte de chapeau. Il en fut de m�me pour les chaperons mis en bonnets, sans �tre enturbann�s de la cornette; un bourrelet, recouvert d'�toffe, vint remplacer la saillie form�e par le bord de la visagi�re roul� sur lui-m�me. Une cornette et un guleron taill�s � part �taient ensuite fix�s sur ce bourrelet. Cependant ces chaperons, �chafaud�s � demeure, ne r�pondaient plus au but -primitif de cette partie du costume qui consistait � servir � la fois de capuchon -par le mauvais temps et de chapeau pour se garantir du soleil. C'est pourquoi les deux cat�gories de chaperon coexist�rent.

Il faut d'ailleurs remarquer que le chaperon, et plus sp�cialement le chaperon fa�onn�, parait avoir �t� par excellence la coiffure habill�e. En voyant de nos jours la vogue plus que centenaire de notre extravagant chapeau haut-de-forme, il est permis de se demander si celle des chaperons fa�onn�s, d'�gale dur�e, ne venait pas, comme pour notre chapeau de c�r�monie, de leur bizarrerie et de leur incommodit�. Les docteurs, les magistrats, estimaient le chaperon tellement-indispensable � la gravit� de leur tenue qu'ils le portaient encore, alors qu'il avait disparu dans le reste de la nation, non plus sur la t�te qu'ils coiffaient d'un bonnet, mais sur l'�paule, o� nous le retrouvons aujourd'hui sous le nom de chausse ou d'�pitoge, chez leurs successeurs directs. Le chapeau, quoique souvent richement orn�, semble avoir �t� consid�r�, au quinzi�me si�cle, plut�t comme une coiffure de fantaisie, laquelle, dans certains cas ne dispensait pas du chaperon. Fa�onn�, celui-ci fut tr�s pris� des seigneurs et des bourgeois, tandis que les gens du peuple et les paysans n'us�rent jamais que du chaperon � enformer, qu'ils pouvaient mettre en capuchon par le froid, la neige ou la pluie, en garde-nuque pour se prot�ger du soleil, et en simple bonnet lorsque la temp�rature �tait mod�r�e.

Si Jeanne d'Arc a jamais port� des chaperons fa�onn�s, ce ne put �tre croyons-nous, qu'apr�s son admission par Charles VII comme chef de guerre. Il est certain que les villageois de Vaucouleurs ne durent lui donner que le chaperon � enformer, v�ritable coiffure de voyage. Le poids, le volume, la rigidit� et les appendices encombrants autant qu'inutiles du chaperon fa�onn� le rendaient impropre � la dure chevauch�e qu'allait entreprendre l'h�ro�ne. D'autre part, la mise simple dont elle ne semble pas s'�tre d�partie tant qu'elle s�journa � Chinon et � Poitiers, infirme l'hypoth�se qu'on pourrait �mettre de l'acquisition dans l'une de ces deux villes d'un chaperon de cette derni�re sorte � son usage. Tout au plus est-il loisible de supposer qu'� son arriv�e � Chinon, elle rempla�a son chaperon de route, trop fatigu� � la suite des vicissitudes d'une longue p�r�grination, par une coiffure neuve mais du m�me genre pour se pr�senter d�cemment devant le roi.

Le chaperon de Vaucouleurs �tait-il � courte, longue, �troite ou large cornette ? Celle-ci s'y trouvait-elle horizontale, verticale ou rapport�e ? Le guleron �tait-il court, long, d�coup� ? Enfin ce chaperon �tait-il sangle, doubl� ou fourr� ? Ce sont l� autant de questions que nous nous d�clarons impuissant � r�soudre. Nous savons seulement que toutes ces vari�t�s du chaperon ont �t� usit�es pendant la premi�re partie du quinzi�me si�cle sans changement appr�ciable, et que chacune d'elles constituait, par excellence, la coiffure propre � une longue chevauch�e d'hiver. A toutes les questions pos�es par le titre m�me de notre ouvrage, nous n'avons pas la pr�tention de r�pondre avec la m�me pr�cision affirmative et de reproduire en tous points le costume de Jeanne d'Arc tel qu'il �tait, mais seulement d'indiquer ce qu'il pouvait �tre ou ne pas �tre, selon les modes du temps o� vivait notre h�ro�ne.

Nous devons cependant faire remarquer qu'en 1429, l'usage des cornettes taill�es � part et rapport�es �tait depuis longtemps tr�s r�pandu, ce genre se pr�tant mieux que tout autre aux diverses transformations qu'on exigeait d'un chaperon libre. Il y a donc quelques probabilit�s pour que le chaperon de Vaucouleurs ait �t� du mod�le que donnent nos figures 8 et 9, moins sans doute les d�coupures du guleron, puisque Mathieu Thomassin nous raconte que la Pucelle se pr�senta au dauphin, v�tue de bien simple mani�re et que, par cons�quent, son chaperon, comme le reste de son accoutrement, devait �tre d�pourvu d'enjolivures.

D'apr�s le greffier de la Rochelle, ce premier chaperon de Jeanne aurait �t� de couleur noire.

Le plus souvent port� enform�, ainsi que le montrent les figures 7 et 10, durant le voyage de Vaucouleurs � Chinon, le chaperon noir de la Pucelle put �tre parfois coiff� par la visagi�re de la fa�on qu'indique notre figure 5, notamment lors de son s�jour dans cette derni�re ville. Toujours est-il que, dans la grande salle du ch�teau royal, lorsque Jeanne aborda le dauphin, il est vraisemblable qu'elle se d�couvrit, jeta son chaperon sur son �paule et mit en genou en terre. C'est g�n�ralement dans cette posture que les monuments de l'�poque nous repr�sentent les personnages porteurs de chaperons qui s'approchent des grands (fig. 29).

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Ce chapitre sur les chaperons � plusieurs fins ne serait pas complet si nous passions sous silence la mani�re de s'en d�barrasser lorsqu'on les portait enform�s, car c'est dans cette op�ration que se manifestait une des utilit�s de la cornette. Nous avons d�j� vu combien les cornettes longues �taient favorables � la mise en gorge du chaperon. Les cornettes courtes, aussi bien que les longues, avaient � jouer un r�le non moins important dans l'enl�vement du chaperon enform�. Il e�t �t� en effet peu commode de se d�coiffer d'un chaperon ainsi port� autrement qu'en saisissant la cornette de la main droite et en la tirant franchement d'arri�re en avant.

La figure 30, qui sera la derni�re de ce chapitre repr�sente le patron reconstitu� d'un chaperon � enformer tel qu'en portaient les voyageurs au quinzi�me si�cle.

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Nous avons vu que les chaperons �taient en g�n�ral doubles ou sangles mais qu'il y en avait aussi dont la visagi�re, c'est-�-dire la partie comprise entre l'avanc�e F A B C D et la ligne pointill�e F E D se trouvait seule doubl�e et c'est ce mode que nous avons adopt� pour notre reconstitution. La cornette, dont nous ne donnons ici que les extr�mit�s, mesure un m�tre dix- huit de longueur de la pointe de la t�ti�re � son extr�mit� inf�rieure.

Un chaperon de drap noir, ex�cut� d'apr�s le patron ci-dessus, nous semble devoir se rapprocher beaucoup de celui qui pr�serva des intemp�ries d'une fin d'hiver la t�te, la gorge et les �paules de l'h�ro�que Pucelle au cours de son voyage des marches de Lorraine en pays de France. Souhaitons maintenant que les artistes, ayant � la repr�senter � ce d�but de sa mission, n'infligent pas � leur innocente victime la toque � plumes dont l'affuble gratuitement certain auteur moderne, � la seule satisfaction des partisans attard�s du style troubadour cher � nos a�eux de 1830.

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